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Burundi |
GUERRE CIVILE
Cinq mois après la mise en place du gouvernement d’union nationale de transition, le 1er novembre 2001, l’insécurité est montée d’un cran, alors que les nouvelles autorités ont fait du retour à la paix la priorité des priorités
Des actes de guerre, tueries, pillages, incendies, prises d’otages, n’ont pas cessé, principalement dans les provinces orientales, dans l’extrême sud, le nord-ouest et, dans une moindre mesure, dans une province du nord, frontalière avec le Rwanda. L’administration locale dénonce régulièrement les rebelles des Forces de défense de la démocratie (FDD) et les Forces nationales de libération (FNL) d’être à l’origine des malheurs que connaissent les populations de ces zones rouges. Mais les rebelles ne détiennent plus le monopole de la violence aveugle. Des militaires de l’armée gouvernementale sont aussi pointés du doigt dans des actes de représailles contre des populations qui hébergent ou nourissent les rebelles.
Un mois meurtrier
Le mois de mars 2002 a été particulièrement meurtrier. La guerre a été de nouveau portée aux portes de la capitale, depuis les collines de Bujumbura rural qui la surplombent, au moment où la province orientale de Ruyigi, frontalière avec la Tanzanie, connaissait des moments particulièrement difficiles. Le 1er avril, les quartiers de Mutanga sud, Mutanga nord et Mugoboka, à l’est de Bujumbura, ont été, à 14 heures locales, dans un délai de 10 minutes, la cible de trois bombes de mortiers 60 lancées par des assaillants à partir des contreforts qui surplombent la mairie. Trois blessés ont été enregistrés, créant la panique dans la population.
Cela faisait bien longtemps que les habitants de Bujumbura n’avaient entendu d’aussi importantes détonations. Les plus récentes: des armes automatiques, des explosions de grenades et des combats acharnés avaient été enregistrées dans la nuit du 14 au 15 mars dernier. A cette occasion, les assaillants des FNL qui avaient lancé une attaque contre la zone de Kamenge dans le secteur nord de la ville, avaient fait deux morts, selon un bilan officiel. Il semble que les rebelles visaient principalement des approvisionnements en nature et en argent. Depuis le début du mois de mars, un autre bilan non officiel fait état de plus d’une centaine de personnes tuées dans les affrontements entre les FNL et l’armée régulière dans Bujumbura rural.
Cette guerre, loin des caméras, a également causé le déplacement de plus de cinq mille ménages, soit près de 15.000 personnes vers la zone Gihosha, de Bujumbura. Ces populations rurales vivent dans des conditions d’extrême précarité: certains sont logés dans des maisons inachevées, d’autres s’abritent sous les manguiers ou dorment à la belle étoile. Les plus veinards ont pu trouver refuge chez les Pères de Schoenstatt, du sanctuaire marial de Mont Sion, dans la même zone de Gihosha, appelée aussi Mutanga nord. Cette population en guenilles peut encore observer de loin les belles collines verdoyantes qu’elle a délaissées, devenues des champs de bataille entre militaires gouvernementaux et rebelles des FNL. Elle manque aussi de vivres dans ses refuges: une famille de 6 personnes ne perçoit qu’une maigre ration de 15 kilos de haricots pour une période d’un mois. Les autres besoins (couvertures, ustensiles de cuisine, sel, savon…) sont criants.
Toujours dans le secteur nord de Bujumbura, la nuit du 23 au 24 mars a été particulièrement longue pour les habitants de Kamenge, Kinama, Ngagara et Cibitoke. Depuis 21 heures, des tirs nourris d’armes automatiques ont été de nouveau entendus, faisant croire à une guerre totale. Les locaux de la zone Kamenge sont criblés de balles, des boutiques sont pillées, plusieurs personnes tuées. Le chef de cette zone, Deogratias Nibaze affirme que, n’eut été l’intervention rapide des militaires gouvernementaux, les dégâts auraient pu être pires.
Pourtant, depuis décembre 2001, un mois après la prestation de serment du nouveau gouvernement, le porte-parole du ministère de la Défense, le colonel Augustin Nzabampema avait fait croire que les rebelles des FNL avaient été repoussés de leurs sanctuaires sur le pourtour de la capitale: Tenga, Nyabunyegeri, Rukoko. C’était sans compter sur les capacités de repli et de recomposition d’une rébellion qui a souvent l’avantage d’une meilleure connaissance du terrain. Selon une récente déclaration du porte-parole des FNL, Anicet Ntawuhiganayo (qui a échappé de très près à une embuscade tendue par l’armée régulière dans la deuxième quinzaine de mars), il est évident que la guerre n’est pas sur le point de s’arrêter. En effet, les combats ont fait rage durant tout le mois de mars dans les localités que l’armée considère comme le quartier général des FNL: Kirombwe, Mbare et Gasarara, trois collines voisines de Bujumbura rural. L’armée régulière y a effectué plusieurs tirs d’artillerie depuis le début du mois de mars, mais apparemment sans grand succès.
Rapatriement torpillé
Dans le même temps, l’autre rébellion des FDD est très active dans la province orientale de Ruyigi. Selon le gouverneur de cette province, Isaac Bujaba, des combattants rebelles venus de la Tanzanie ont opéré dans sa région, spécialement dans les communes de Gisuru, Nyabitsinda et Kinyinya, avec l’intention bien claire d’occuper le parc national de la Ruvubu. Leur second objectif serait de stopper le mouvement de rapatriement des réfugiés burundais vivant en Tanzanie. Le porte-parole des FNL a lui aussi déclaré, sur les antennes d’une radio locale, qu’il n’est pas encore opportun de rapatrier les réfugiés burundais, car l’insécurité qu’ils avaient fui persiste de plus belle.
Une forte délégation officielle a fait le déplacement au début du mois de mars 2002 dans les différents camps de réfugiés burundais situés à l’ouest de la Tanzanie, pour les inviter à rentrer dans la mère patrie. Le même appel vient d’être lancé par le chef de l’Etat, Pierre Buyoya, le 30 mars dernier, indiquant que les rapatriés vont être bien accueillis dans leur pays. Le gouvernement burundais, en appelant les réfugiés à rentrer, espère couper l’herbe sous les pieds de la rébellion des FDD. Celles-ci auraient fait de ces camps des pépinières pour leurs recrutements et leurs enseignements subversifs.
Dans le même temps, le colonel Augustin Nzabampema confirme que les rebelles des FDD tentent encore ces derniers temps de faire sortir leurs combattants de la Tanzanie, pour faire une démonstration de force pendant cette période de négociations du cessez-le-feu. Au mois de mars, l’armée tanzanienne, dans le district de Kibondo (non loin de la frontière avec le Burundi), a coopéré avec l’armée burundaise, capturant et tuant une quarantaine de rebelles des FDD qui tentaient de se replier sur la Tanzanie. Elle affirme avoir récupéré 56 fusils, au cours d’un affrontement dans des villages tanzaniens.
La Tanzanie, longtemps accusée par le Burundi d’être un sanctuaire des assaillants, tente désormais de montrer sa bonne foi et sa coopération avec les autorités officielles burundaises. Dar es-Salaam a réuni dans la première quinzaine du mois de mars, les leaders de tous les mouvements rebelles burundais pour leur dire qu’ils ont intérêt à rejoindre le processus de paix et à venir à la table de négociation avec le gouvernement burundais. Un clin d’œil sans doute pour leur dire que la Tanzanie ne restera pas pendant longtemps leur zone traditionnelle de repli.
La sécurité reste toutefois précaire dans d’autres régions à très haute infiltration de rebelles, spécialement dans la province méridionale de Makamba. Selon de récents témoignages d’habitants de cette région, certaines personnes passent la journée au Burundi mais traversent la frontière avant la tombée de la nuit pour aller loger en Tanzanie. Autre paradoxe: au moment où des exilés — volontairement ou de force — quittent les camps de réfugiés de l’ouest de la Tanzanie, bien d’autres, à Kibago dans l’extrême sud du pays, fuient vers la Tanzanie des combats entre l’armée régulière et les rebelles des FDD. Ce qui fait dire aux observateurs que le Burundi fait en matière de sécurité «un pas en avant, deux pas en arrière».
Des crimes jamais élucidés
Certaines régions sont classées «zones rouges» par les services de sécurité des organisations onusiennes au Burundi, à cause des embuscades meurtrières sur les axes routiers. C’est pour cela que les véhicules des Nations unies ne sont pas autorisés à quitter la capitale pour se rendre à l’intérieur du pays avant 9h., et qu’ils sont tenus de vider les lieux de travail sur le terrain avant 16h. Ces mesures sont bien comprises dans un pays qui a connu deux assassinats d’expatriés en six mois.
En effet, l’ombre du Dr Kassi Manlan plane toujours sur le ciel burundais. L’assassinat de ce représentant de l’OMS au Burundi, le 20 novembre 2001, moins de trois semaines après la mise en place du nouveau gouvernement, reste toujours un mystère. Kassi Manlan, 53 ans, ressortissant de la Côte d’Ivoire, a été assassiné par des inconnus et son corps retrouvé plusieurs heures plus tard sur la rive du lac Tanganyika. Il a ainsi rejoint M. Luis Zuniga, ancien représentant de l’Unicef, tué lui aussi, dans l’est du pays le 12 octobre 1999, alors qu’il distribuait de l’aide aux personnes sinistrées par la guerre. Ces deux crimes montrent bien les conditions difficiles dans lesquelles le personnel des Nations unies remplit sa mission au Burundi. Les coupables de ces crimes ne sont toujours pas appréhendés.
Un autre assassinat non encore élucidé: celui de M. Makhadu, membre du contingent militaire sud-africain basé au Burundi, le 4 janvier dernier. Le militaire est mort par strangulation. Mais comme au Burundi les enquêtes sur des meurtres n’aboutissent presque jamais, il n’est pas sûr que les assassins de Makhadu ou ceux du Dr Manlan finiront par être connus, malgré les déclarations rassurantes du porte-parole du gouvernement, qui a demandé aux forces de police engagées dans les investigations de leur accorder l’urgence et le professionnalisme voulus.
Face aux actes de guerre, crimes crapuleux, assassinats et attaques de la rébellion, les autorités n’ont pas trouvé mieux que d’appeler la population à la vigilence et à l’autodéfense civile. Ainsi, dans plusieurs régions, il s’est constitué de jeunes gardiens de la paix, que les défenseurs des droits de l’homme ne manquent pas de qualifier de milices d’autodéfense. Ces jeunes paramilitaires, sans code de conduite et sans solde, rançonnent souvent la population et commettent parfois des crimes odieux. Les mêmes autorités administratives ont interdit des manifestations publiques ainsi que des meetings politiques, dans la capitale comme dans les chefs-lieux de l’intérieur du pays. Ainsi l’histoire se répète au Burundi comme ailleurs: les périodes de troubles civils vont toujours de pair avec des restrictions des libertés publiques!
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