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Malawi |
FAMINE
La famine au Malawi est devenue une tragédie humaine. Mais il y a des contradictions...
Ces jours-ci, beaucoup de monde va se coucher avec l’estomac dans les talons, tandis que ceux qui contrôlent le prix des céréales se réjouissent de la situation: ils sont ravis de faire payer aux pauvres des prix exorbitants. La pénurie alimentaire au Malawi a atteint un stade critique. Il y a beaucoup de décès causés par la famine. Dans les villes, aux portes de nombreux restaurants, on voit de plus en plus de femmes, leur enfant sur le dos, quémander les restes. La situation est si critique que ceux qui veulent aller au restaurant hésitent à le faire, voyant tant de gens souffrir de la faim.
Le 14 février 2002, les prêtres du diocèse catholique de Lilongwe ont tenu à la Maison de prière de Béthanie, à Lilongwe, une réunion de crise, pour discuter de la situation alimentaire dans le pays. Ils ont constaté que «la famine affecte pratiquement tout le pays». Dans un communiqué de presse publié à la fin de leur réunion, ils déclaraient: «Dans certaines de nos paroisses, des personnes âgées qui n’avaient pas quitté leur village depuis longtemps, viennent, avec mille difficultés, s’asseoir dans nos églises, disant qu’elles viennent pour y mourir. Elles n’ont plus rien à manger et plus aucun moyen d’acheter de la nourriture».
Dans le district de Dowa, à 50 km de Lilongwe, les gens mangent des racines et des feuilles, souvent avec des conséquences désastreuses pour leur santé. Dans le quartier agricole nº 21, district de Kasungu, à 120 km de Lilongwe vers le nord, un des habitants avait acheté de la balle de céréales. On lui a vendu de la balle mêlée de sciure de bois. Avec sa famille, il a pu être sauvé, échappant ainsi de justesse à la mort, à l’hôpital de Madisi, où on l’avait emmené d’urgence.
Sœur Rita Hieble, coordinatrice du projet de Tikontane pour les enfants des rues, dans le diocèse de Lilongwe, constate une forte augmentation du nombre d’enfants qui se sont enfuis des villages parce qu’il n’y avait plus rien à manger. Le mécanisme traditionnel de prise en charge ne fonctionne plus. Il est très difficile de travailler quand la famine a atteint un tel niveau.
Mais là n’est pas le seul problème. Les gens sont obligés de vendre leur cheptel. Les poules, qui se vendaient à plus de 100 kwacha (1,53 EUR — taux du 12 avril 2002), se vendent maintenant de 30 à 40 kwacha. Les chèvres se vendent à moins de 300 kwacha (4,60 EUR) et les vaches n’atteignent que 1.500 kwacha (23,02 EUR). Mais la monnaie n’est plus un moyen d’échange. Ceux qui doivent vendre leurs bêtes préfèrent le troc: un seau de maïs en échange d’une chèvre.
Pas de sécurité alimentaire
Le Malawi est dans une situation désespérée. A la réunion du 14 février, le clergé catholique faisait remarquer: «Bien que le maïs soit encore en vente à certains endroits, on ne peut l’acheter qu’en petite quantité. Les gens doivent faire la queue pour acheter 10 ou 20 kg de maïs. D’autres font des réserves et les revendent à des prix exorbitants, allant jusqu’à 1.400 kwacha pour 50 kg».
Pourtant, on avait espéré que l’approvisionnement en maïs se ferait sans problèmes, puisque le gouvernement en avait commandé en Afrique du Sud et en Ouganda. Mais des bruits ont couru que, dans les dépôts de l’Organisme pour la commercialisation et le développement de l’agriculture (ADMARC), le maïs se vendait la nuit, de sorte que le lendemain matin il ne restait plus rien pour la population. On a soupçonné quelque chose de louche. C’était après que le gouvernement avait défendu aux commerçants de vendre du maïs, et avait chargé l’ADMARC d’assurer la disponibilité du maïs dans toutes les régions rurales. En fait, le maïs n’est jamais arrivé dans ces régions. Il est resté dans les centres urbains.
La Banque nationale du Malawi (NBW), dans ses Nouvelles économiques du 6 février, déclarait: «La disponibilité de nourriture reste pour le moment un des gros problèmes auxquels le pays doit faire face et, sans doute, les sévères mesures imposées au secteur privé vont engendrer la corruption. Il y a toujours des bouchons dans le transport et la distribution du maïs, et l’interdiction faite par le gouvernement aux commerçants du secteur privé n’a fait qu’aggraver le problème, comme cela se passe toujours quand un service n’est pas ouvert à la participation privée». Selon la NBW, pour combattre la crise, le gouvernement devrait autoriser les commerçants à reprendre leurs affaires, et supprimer la surtaxe sur la farine de maïs, au moins jusqu’à la prochaine récolte. Des commerçants importent de la farine de maïs d’Afrique du Sud, mais le gouvernement y applique une surtaxe de 25%. Ce qui fait encore monter les prix.
La réaction des institutions religieuses
Face à cette famine, les institutions religieuses ont réagi et plusieurs initiatives ont vu le jour. Dans beaucoup d’institutions, on a ouvert des centres d’alimentation et des centres de santé. L’hôpital de la mission St Gabriel à Namitete, (100 lits), du diocèse catholique de Lilongwe, ne demande plus de frais de soins et distribue gratuitement de la nourriture aux malades hospitalisés et à ceux en consultation externe. Sœur Justine, de l’ordre des Carmélites, qui en assume la direction, dit que l’hôpital a commencé son programme d’alimentation gratuite le 1er février et qu’il continuera jusqu’à la prochaine récolte. Depuis le début de ces services, l’hôpital soigne journellement près de 500 patients qui viennent des environs, la plupart souffrant de malnutrition. «La malnutrition touche aussi bien les adultes que les jeunes, dit Sr. Justine. Une alimentation mal équilibrée est à la source de toutes sortes de maladies. Nous espérons que notre geste les aidera un peu».
Dans le district de Mchinji, à la frontière occidentale avec la Zambie, les Eglises chrétiennes et la communauté musulmane sont également sensibles aux besoins de la population locale. Ils ont fondé des centres d’alimentation urgente, où chaque communauté religieuse, à tour de rôle, donne à manger à un grand nombre de personnes.
L’insensibilité du président
On a critiqué l’insensibilité et l’indifférence du président Bakili Muluzi face à la situation. A son retour d’un voyage de trois semaines en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, le 14 février, il a nié que des gens mouraient de faim. A un journaliste qui voulait savoir ce que faisait le gouvernement pour alléger la situation désespérée de ceux qui mouraient de faim, il a répliqué qu’il voulait d’abord connaître le nombre de ces morts, ajoutant que ce sont les médias qui salissent la bonne renommée du Malawi.
Les religieux de Lilongwe ont lancé un défi et demandé une intervention spéciale du gouvernement. Ils ont suggéré que les parlementaires fassent un rapport de la situation dans leur circonscription électorale, et que le gouvernement déclare la famine catastrophe nationale. Le gouvernement devrait contrôler les prix, casser celui du maïs par des subventions. Devant cette catastrophe humanitaire, il devrait demander instamment à la communauté internationale de venir au secours de la population.
Les prêtres condamnent aussi ceux qui ont acheté le maïs à bas prix pour le revendre à un prix élevé, accumulant d’énormes profits absolument immoraux. Ils condamnent le fait que le maïs ait été vendu à ceux qui en avaient les moyens, et même à d’autres pays, alors qu’on savait très bien que la moisson serait catastrophique. Ils critiquent finalement le Fonds monétaire international (FMI) qui a fait pression pour que l’ADMARC vende les réserves stratégiques du maïs et que cet argent serve à rembourser la dette publique du Malawi, au lieu de constituer de nouveaux stocks de réserve de maïs.
Le Malawi a un urgent besoin d’assistance pour alléger la tragédie humaine de la faim qui sévit dans le pays.
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