ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 434 - 15/05/2002

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Congo-Brazza
Les armes reprennent du service


GUERRE CIVILE


Après une accalmie de deux ans, la guerre a de nouveau éclaté dans la région du Pool. Les grandes lignes de l’événement.

Peur, méfiance, manque de confiance. C’est au nom de ces principes qu’une quatrième guerre civile s’est déclenchée dans la région du Pool, au sud du Congo. Une région où des populations avaient déjà été traumatisées par la guerre de 1998-99. Cette nouvelle guerre oppose des Ninjas de Bernard Kolelas (ex-Premier ministre du président renversé par Sassou suite à une atroce guerre civile en 1997), à la tête desquels se trouve le pasteur Ntumi, aux forces gouvernementales appuyées comme toujours par des troupes étrangères: angolaises, rwandaises et tchadiennes…

Le gouvernement qui a tenu, le 12 avril, son premier conseil des ministres depuis le début de la crise, n’a pas dressé de bilan officiel des affrontements, où l’armée utilise des armes lourdes et des hélicoptères de combat pour venir à bout des rebelles. Mais d’après les témoignages des rescapés venant du Pool, on déplore un nombre indéterminé de victimes parmi les civils, les militaires et les miliciens. A Kinkala, chef-lieu de la région, on compte déjà plus de 20.000 déplacés, selon les humanitaires. Ceci, sans compter les nombreuses personnes qui ont fui dans la forêt. Dans les régions frontalières du Pool, notamment la Bouenza et les Plateaux, on enregistre chaque jour une foule de sinistrés qui ont marché longtemps pour y trouver refuge. Tous parlent d’hommes en armes qui pillent les villages avant de les brûler. William Patton, coordinateur des agences des Nations unies au Congo, a lancé un appel aux combattants, leur demandant «de respecter les populations; de respecter leur droit de ne pas être tuées, violées et de ne pas être déplacées de leurs champs, de leurs maisons…».

Origine ambiguë

L’origine de cette guerre restera longtemps obscure. En effet, aucune enquête n’a été ouverte pour déterminer qui a réellement tiré sur le train voyageur, le 2 avril, en gare de Kimkembo et Kingoyi, dans le Pool. L’armée congolaise avait aussitôt accusé les Ninjas. Ceux-ci ont rapidement rejeté la responsabilité sur les forces gouvernementales, les accusant d’«avoir monté ce coup pour nuire au régime de Sassou Nguesso qui venait d’être élu massivement à 89% des voix».

Cette opinion est largement partagée par l’homme de la rue. Plus d’un Congolais est persuadé que cette guerre n’est qu’un coup qui vient de certains mécontents de la famille politique proche du pouvoir, que le président aurait écartés. Il s’agit des Forces démocratiques unies et du Parti congolais du travail, ex-parti unique, qui l’ont beaucoup aidé à reconquérir le pouvoir par la force en 1997. Le 7 avril, revenant d’un long voyage africain, Sassou a eu le courage pour la première fois de mettre en garde «les hommes politiques de l’opposition et du pouvoir d’avoir le sens de la responsabilité». Une déclaration qui a rencontré un écho favorable auprès d’une importante partie de l’opinion congolaise. Celle-ci attendait que le président “frappe les gens qu’on soupçonne d’être des fauteurs de troubles”. Rien n’a été fait.

La réunion de la provocation

Pour beaucoup de Congolais, c’est la réunion du 21 mars, tenue à Brazzaville par M. Ngakala, haut commissaire à la réinsertion des ex-combattants, qui a relancé les hostilités, alors que des négociations étaient déjà ouvertes entre gouvernement et rebelles. M. Ngakala y a dit que «M. Ntumi est un cas qui fait mal». Il a révélé que le pasteur Ntumi subordonnait sa sortie de la forêt à la réinsertion de ses maquisards dans la force publique, et qu’il exigeait pour lui-même un statut particulier et une nomination au grade de général d’armée. De plus, le jour de son arrivée, Brazzaville devait être décrétée ville morte. Exigeances jugées inacceptables aux yeux du gouvernement.

Dans un communiqué de presse publié le 28 mars dans le journal de l’opposition “La Rue meurt”, le Conseil national de la résistance (CNR, dirigé par Ntumi) dénonçait les propos de M. Ngakala comme «dilatoires et incitatifs à la haine et à la division». Car «aucun de ces propos (...) ne reflète l’esprit des préoccupations du pasteur Ntumi depuis le lancement des négociations le 16 octobre 2001.». L’avocat de Ntumi, Me Jean-Phillipe Esseau, se disait étonné de constater que le gouvernement avait violé la confidentialité des pourparlers. En fait, soulignait-il, les faits évoqués par Ngakala étaient antérieurs aux négociations. Il s’agit de «revendications ou propositions que Ntumi avait faites autrefois et qui avaient déjà fait l’objet de concessions».

Le 7 avril, un climat de peur et de méfiance régnait déjà dans la capitale congolaise. Les autorités en charge du dossier de la réinsertion des ex-combattants, ainsi que les officiers de la force publique étaient en intenses pourparlers avec les 700 ex-Ninjas qui avaient déposé les armes et regagné Brazzaville depuis 1999. On voulait caserner ces jeunes qu’on soupçonnait capables de se révolter en solidarité avec leurs camarades qui combattaient l’armée dans le Pool. Or, ces ex-miliciens avaient assuré au gouvernement qu’ils ne feraint rien pour pertuber la vie à Brazzaville. Le 9 avril, jour prévu pour leur casernement, ils ont changé d’avis, se demandant ce qu’on ferait d’eux. D’où leur fuite du centre sportif de Makélékélé, quartier sud de la capitale, où la force publique devait venir les chercher.

Paniquée, l’armée va alors mener une opération de ratissage dans les quartiers sud, notamment à Kingouari, où ces Ninjas s’étaient retranchés. Objectif selon l’armée: récupérer les armes de guerre détenues par ces ex-miliciens. Les affrontements éclatent. L’armée utilise les armes lourdes qui font fuir les populations de ces quartiers vers les zones nord de la ville.

Les prix flambent

Si le calme semble revenu à Brazzaville, la peur reste, entretenue par des rumeurs qui circulent toujours. Dernièrement, le ministre a tenu a rassurer les Brazzavillois en disant que “ces rumeurs sont véhiculées par les voleurs habitués à piller le peuple”. Il s’agit bien sûr des militaires incontrôlés.

En attendant, la vie à Brazzaville commence à être très dure. Les prix des denrées alimentaires et agricoles ont doublé voire triplé. Le poids du pain diminue considérablement. La baguette de 75 fcfa est passé à 125 fcfa. Dans les stations-service, s’étirent des lignes interminables de véhicules où les chauffeurs se battent pour avoir du carburant. Les taxis et foula-foula (minibus) font des demi-trajets. Et de nombreux Brazzavillois se livrent à la marche à pied pour se rendre à leurs lieux de travail.

L’asphyxie de Brazzaville est provoquée par l’interruption du chemin de fer qui relie la capitale à Pointe-Noire, ville économique, à 510 km au sud. De même la route nationale nº1 par laquelle s’écoule la production agricole venant du Pool. Ces événements ont éclaté au moment où les Congolais s’apprêtaient à aller aux urnes, le 12 mai, pour élire les députés. Mais cette échéance a été repoussée au 26 mai.


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