ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 435 - 01/06/2002

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Cameroun
En conflit avec la loi


ENFANTS


La situation des mineurs détenus dans les prisons camerounaises est loin d’être satisfaisante, malgré une législation en conformité avec les mesures prévues par l’ONU.

D’une manière générale, la législation tient compte des recommandations des Nations unies relatives aux mineurs privés de liberté. Malgré cela, la majeure partie des enfants en prison au Cameroun ne bénéficient pas encore de l’ensemble des mesures protectrices édictées en leur faveur. Dans les conditions actuelles, la prison risque de perdre son rôle de réinsertion sociale pour devenir une école de la délinquance.

Une enquête effectuée par le ministère de l’Administration territoriale (MINAT) dans les 19 plus grandes prisons du Cameroun au cours de l’année 1999, a révélé la présence en leur sein de 385 mineurs détenus à titre préventif, et de 49 autres jugés et condamnés.

Ces chiffres ne prennent pas en compte les enfants placés dans les cinq institutions de rééducation que compte le Cameroun. Ils ne visent pas ceux, en nombre important, qui sont remis par les magistrats à leur famille. Bien qu’auteurs d’infractions à la loi pénale, en effet, la justice estime parfois qu’il vaut mieux les laisser sous la direction des parents ou la surveillance du personnel social formé à cet effet.

Cette décision de remettre l’enfant à sa famille est une des mesures spéciales de protection de l’enfance édictées par la législation interne et la Convention des Nations unies relatives aux droits de l’enfant. Le Cameroun a ratifié cette Convention le 11 janvier 1993.

La liberté ne saurait cependant convenir à tous les enfants. Elle ne peut être efficace qu’à l’égard de ceux qui ne sont pas foncièrement délinquants et dont les familles sont honnêtes. Sur ce point, le profil de l’enfant délinquant a été défini dans un atelier organisé à Yaoundé, du 28 juillet au 1er août 1997, sous la houlette de l’UNICEF.

La responsabilité pénale du mineur

La responsabilité pénale du mineur est atténuée. La peine capitale et l’emprisonnement à vie ne peuvent jamais être prononcés à son encontre. Selon la loi 97-009 du 10 janvier 1997, la peine maximale qui peut lui être infligée est de dix années.

La procédure judiciaire est aussi particulière. La loi laisse la désignation du défenseur de l’enfant à la discrétion du juge. Elle donne de larges pouvoirs à ce dernier pour déterminer si la présence d’un défenseur auprès du mineur est nécessaire pendant les poursuites. Ce faisant, elle épargne aux plaideurs de longues attentes et des renvois liés à l’indisponibilité des avocats. Le magistrat a toutefois l’obligation d’accorder à toute affaire concernant les mineurs toute la partialité nécessaire et de tenir compte de la personnalité de l’intéressé. Mais il n’a la latitude d’apprécier qu’en cas de délit.

Si le mineur est l’auteur d’un crime, l’assistance d’un conseil devient obligatoire. Lorsque l’accusé est incapable de s’offrir les services d’un avocat, la justice lui désigne un défenseur qui assure sa défense aux frais de l’Etat. En effet, la simplicité des procédures en matière correctionnelle rend la désignation d’un avocat exceptionnelle. Le nombre de mineurs bénéficiaires de l’assistance judiciaire est par conséquent susceptible de correspondre au nombre de mineurs poursuivis et condamnés pour crime.

Les justiciables en ignorent le mode d’exercice. Ils n’en reconnaissent les effets que s’ils sont en contact avec l’avocat qui leur a été désigné. Or, la présence effective du défenseur auprès de l’inculpé ne s’impose que lors des interrogatoires au parquet et au cours de l’audience. Ainsi, seuls 20,3% des détenus à titre préventif pour crime reconnaissent que l’assistance judiciaire leur a été accordée, alors que 80% des condamnés admettent en avoir bénéficié.

Classification selon les âges

La législation camerounaise prend en compte le degré de développement de l’enfant et gradue sa responsabilité en fonction de son âge, pour la faire coïncider dans la mesure du possible avec le niveau effectif de discernement du sujet fautif.

On considère le mineur de 10 ans comme étant totalement irresponsable. Il ne peut pas être jugé pour les faits qu’il commet. Seuls les parents pourraient être condamnés à réparer le préjudice subi par la victime, en vertu des règles relatives à la responsabilité civile.

L’enfant de 10 à 14 ans peut, lui, être responsable pénalement; mais ne peut être placé sous mandat de dépôt.

A l’égard des enfants de plus de 14 ans, le législateur prévoit des mesures parallèles. Outre les possibilités de les soumettre aux mesures bienveillantes prévues en faveur des enfants plus jeunes, il envisage leur condamnation à une peine. C’est la seule catégorie de mineurs susceptibles d’une incarcération.

La détention préventive

Elle est une mesure exceptionnelle. La liberté étant la règle, le magistrat n’est donc sensé user de cette faculté qu’en cas d’absolue nécessité vu qu’au mandat de dépôt, on préfère que l’enfant soit confié à une personne, généralement pouvant en garantir la représentation. La détention préventive demeure un sujet de préoccupation pour le gouvernement qui tente d’en limiter la durée au maximum. Mais en dépit des contrôles, on rencontre des détentions préventives de mineurs anormalement longues.

La durée moyenne de la détention préventive des enfants au Cameroun est de 199 jours. Cependant, elle varie d’une province à l’autre. Elle est d’autant plus variable que la loi n’en fixe pas la durée. Cette absence de limite est source de lenteurs dans le traitement des dossiers, qui proviennent parfois de la négligence du magistrat.

Mais ces retards procèdent surtout des impératifs de la procédure, rallongée par les diverses vérifications nécessaires et les résultats de l’enquête sociale qui, pour une raison ou une autre, peut prendre du temps.

Les risques de détention préventive sont d’ailleurs aggravés lorsque le mineur est impliqué dans le même délit que les inculpés majeurs. Dans ce cas, la loi prévoit que l’enfant sera poursuivi dans les mêmes conditions que ses complices ou coauteurs majeurs. Les mineurs appartenant à des bandes sont donc plus nombreux parmi les détenus à titre préventif.

Non seulement ils sont présumés plus dangereux que les délinquants occasionnels, mais, dans le souci de maintenir une certaine égalité de traitement entre les auteurs des mêmes faits, la mesure de détention à l’encontre des auteurs accusés est plus facilement prononcée contre eux.

Le régime pénitentiaire des mineurs

Le décret 92-052 du 27 mars 1992 instituant le régime pénitentiaire des mineurs crée cinq catégories de maisons d’arrêt, classées suivant la nature de leurs activités. Il s’agit: des prisons d’orientation ou de sélection, des centres de relégation, des prisons de production, des prisons écoles, des prisons spéciales. Les établissements spéciaux ont pour but de promouvoir des conditions et des circonstances garantissant le respect des droits des mineurs.

Les mineurs privés de liberté doivent pouvoir exercer une activité intéressante et suivre des programmes qui maintiennent et renforcent la santé et le respect de soi, favorisent le sens des responsabilités et les encouragent à adopter des attitudes et à acquérir des connaissances qui les aideront à s’épanouir en tant que membres de la société.

Ils ont pour but de permettre aux enfants de jouir des droits civils, économiques, politiques, sociaux et culturels auxquels ils peuvent prétendre, en vertu de la législation camerounaise ou du droit international, et qui sont compatibles avec une privation de liberté.

Les limites du système carcéral

En dépit de cette réglementation moderne, le pays n’assure toujours pas aux mineurs privés de liberté les conditions minimales recommandées par les Nations unies. Les prisons modèles instituées par les textes n’existent pas encore.

Malgré l’absence de statistiques fiables, les observations qui ressortent des enquêtes du MINAT tendent à indiquer que l’alimentation, l’habillement, et l’hygiène des détenus ne sont assurés que de façon approximative dans beaucoup de maisons d’arrêt.

La santé des mineurs n’est pas davantage préservée. Seuls 47,7% des prisons ont une infirmerie fonctionnelle, alors que 50,5% seulement des enfants ont accès aux soins de santé primaire.

Les enfants reçoivent une formation scolaire générale et technique. Ils peuvent présenter les examens officiels et obtenir les mêmes diplômes que les autres enfants. Mais le niveau de leur formation demeure qualitativement et quantitativement faible. Seuls 34,5% des enfants y ont accès. La formation pêche par la faiblesse de sa durée moyenne hebdomadaire, évaluée à 19,2 h.

Même la formation psychosociale — si nécessaire à la préparation de l’enfant à sa réintégration dans la société — ne peut être dispensée de façon permanente que dans les 21,1% des prisons.

A ces insuffisances, s’ajoutent la pauvre qualité des maintenances des bâtiments, la vétusté des équipements, le faible niveau de formation du personnel d’encadrement et la surpopulation des établissements. Le nombre des mineurs incarcérés représente 116% de la capacité d’accueil des quartiers pour mineurs!

Dans ces conditions, force est de relever que le régime carcéral ne donne pas toujours les résultats souhaités. Si le caractère intimidant de la peine d’emprisonnement et les rudes conditions de son exécution préservent les honnêtes gens de la délinquance, il a été constaté que le manque de maturité des adolescents ne leur permettait pas d’en comprendre les dangers.

La législation nationale prévoit la création dans les prisons de quartiers spéciaux pour mineurs. Cette mesure a pour but d’empêcher les contacts avec les détenus majeurs; contacts qui sont à l’origine de la contamination et des vices liés à la promiscuité. Mais seuls 62,1% des enfants purgent leur peine dans ces quartiers, dont ne disposent que 42,1% de maisons d’arrêt.

Par ailleurs, les locaux existants ne sont pas aménagés pour empêcher les contacts avec les majeurs. Les installations sanitaires sont souvent communes, seuls 59,1% des enfants ont un accès libre et exclusif à l’eau, et 59,9% à l’assainissement. Pour les jeux, les espaces aménagés exclusivement pour les enfants n’existent que pour 31% d’entre eux et les bibliothèques pour 30,5%.

Qu’exige la convention nº 182 des Etats membres qui la ratifient?
Les Etats membres s’engagent:

  • 1. à prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination du trafic des filles et des garçons de moins de 18 ans ;
  • 2. à établir des mécanismes pour surveiller le trafic des enfants : son incidence, son développement, ses structures, ses liens avec le crime organisé. La surveillance inclut le développement de méthodes de collecte de données pertinentes, l’identification et la publication des stratégies couronnées de succès et des examens réguliers de l’efficacité avec laquelle divers acteurs (inspecteurs du travail, fonctionnaires chargés du respect de la loi, fonctionnaires de l’immigration, fonctionnaires des douanes, justice, etc.) assument leurs responsabilités.
  • 3. à  élaborer un programme d’action en vue d’éradiquer le trafic des enfants de toute urgence. Les mesures de lutte contre le trafic doivent être appliquées avec efficacité.
  • 4.à prendre des mesures efficaces dans un délai déterminée pour:
    - empêcher que des enfants ne soient victimes de traite;
    - prévoir l’aide directe nécessaire et appropriée en vue de soustraire les enfants des formes d’exploitation et d’assurer leur réadaptation et leur intégration sociale: sont inclus notamment des procédures de plainte et des lignes téléphoniques, des programmes de réadaptation et des abris pour les enfants victimes d’abus sexuels et d’exploitation et la réunification familiale;
    - assurer l’accès à l’éducation de base gratuite et, lorsque cela est possible et approprié, à la formation professionnelle pour
      tous les enfants qui auront été soustraits du trafic;
    - identifier les enfants particulièrement exposés à des risques de trafic et entrer en contact avec eux ;
    - accorder une attention particulière aux enfants de sexe féminin.
  • 5. à désigner l’autorité compétente chargée de coordonner l’action contre le trafic des enfants, et
  • 6. à rechercher et faire connaître l’assistance internationale en vue de lutter contre le trafic des enfants et d’assister les victimes, par le biais par exemple d’accords bilatéraux ou régionaux axés sur le rapatriement des enfants victimes de traite.

(Panudda Boonpala et June Kane, Le traffic des enfants : problèmes et réponses, BIT, Suisse, décembre 2001 – www.ilo.org/childlabour)


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