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Kenya |
ENFANTS
Au Kenya, le travail des enfants se répand toujours plus sous différentes formes.
La petite Wairimu a à peine cinq ans. Chaque matin, elle s’installe à un point stratégique à Nairobi, sur l’avenue très fréquentée Aga Khan, pour solliciter la charité des passants. «Oncle, donne-moi un shilling», implore-t-elle à ceux qui passent. Certains mettent la main à la poche et donnent quelques pièces à la fillette aux pieds nus. Mais la plupart l’ignorent. Wairimu a donc adopté une nouvelle technique. Chaque fois qu’un passant ne répond pas à ses supplications, elle prend son bras et le retient jusqu’à ce qu’embarrassé, il lui donne à contrecœur quelques piécettes. Même alors, très peu sont assez compatissants pour le faire.
La mère de Wairimu se tient cachée non loin de là, derrière un buisson de bougainvillées, portant son plus jeune enfant de 8 mois sur le dos. Avec deux autres femmes, elle observe de près les mouvements de Wairimu et de deux autres fillettes. Les mères les grondent chaque fois qu’elles oublient de demander l’aumône ou que les pièces ne viennent pas assez vite. Parfois, elles leur donnent une raclée et leur ordonnent de changer de technique. Chaque fois que la petite Wairimu n’a rien reçu des passants, on lit dans ses yeux la peur d’être battue.
Dans les rues
Wairimu n’est pas un cas isolé. Elle fait partie des quelque quatre millions d’enfants condamnés à travailler. Le travail des enfants implique 41,38% des enfants du Kenya, âgés de six à seize ans.
Dans des centres urbains comme Nairobi, des milliers d’enfants vivent dans une pauvreté abjecte. La grande majorité d’entre eux sont, comme Wairimu, des mendiants dans les rues des centres urbains. Ceux qui sont plus âgés, colportent et ramassent du papier de rebut pour gagner quelques sous pour leur entretien et celui de leurs familles. Ils sont extrêmement pauvres et vivent dans les bas quartiers de Kibera, Korogocho, Kariobangi, Kia Maiko et Mukuru Kalyaba, privés des nécessités de base: eau propre et toilettes.
Beaucoup sont des enfants de parents célibataires, qui ne peuvent leur procurer les besoins élémentaires, ne recevant qu’un maigre salaire en travaillant dans les plantations ou comme domestiques. Souvent, ces enfants sont abandonnés par leurs parents qui n’ont pas les moyens de les élever.
Dans les fermes
Le travail des enfants est répandu surtout dans les régions de production agricole. Dans les plantations de café, dans la province centrale du Kenya, les enfants quittent souvent l’école pour aider leurs parents à cueillir le café, pour 50 sh (0,65EUR) par jour. Au début de cette année, M. Joseph Ngutu, ministre kényan du Travail, a reconnu que les plantations de thé, de café, d’ananas, de miraa (khat) et de fleurs, ainsi que les mines de sel dans le district de Malindi à la côte, étaient tristement célèbres pour le travail des enfants. Cependant, après une action conjointe du gouvernement et du Programme international pour l’élimination du travail des enfants (IPEC), les enfants qui travaillaient dans les mines de sel, ont trouvé maintenant d’autres occupations, telle que la pêche.
Dans le district de Busia, le long de la frontière entre le Kenya et l’Ouganda, des enfants sont employés dans la contrebande pour gagner de quoi subvenir aux besoins de leurs familles. Le problème est devenu tellement sérieux, que le Kenya est classé le sixième pays du monde à utiliser le travail d’enfants. Des statistiques du ministère du Travail montrent que les enfants constituent près d’un quart de tous les ouvriers agricoles du pays.
11% d’entre eux ont à peine 10 ans et beaucoup travaillent dans des conditions à risques et sont exploités. Ceux qui travaillent dans les fermes doivent parfois faire la cueillette d’une récolte dont les pesticides dégoulinent encore, ou sont couverts de produits chimiques quand ils sont obligés de pulvériser les plantations. Ils sont aussi exposés aux morsures de serpents venimeux et d’insectes, et se coupent avec les tiges ou avec les outils qu’ils doivent manier. De telles conditions de travail sapent leur dignité et empêchent leur plein développement.
Les employés de maison
Les enfants qui deviennent employés de maison sont souvent engagés par des membres de la famille, qui donnent à leurs parents dans les régions rurales une somme de 300 ou 500 sh (4,07 ou 6,78EUR). En plus, ils s’engagent à les nourrir et à en prendre soin.
Parfois, certains employeurs abusent sexuellement de ces enfants. Ceux-ci souffrent beaucoup, socialement et psychologiquement. Ils sont isolés de leur communauté, privés de sommeil et de jeux. On peut regretter que seulement 200 cas par an relatifs au travail des enfants soient présentés au tribunal, et la majorité de ces cas passent encore inaperçus.
Des experts attribuent ce triste état de choses à la pauvreté généralisée qui empêche de supprimer le travail des enfants. Selon eux, si l’on veut y arriver, il faudrait d’abord prévoir des programmes pour réduire la pauvreté.
Ce qui contribue surtout au travail des enfants, c’est le grand nombre d’élèves qui quittent l’école après avoir passé le certificat d’enseignement primaire. L’an dernier, plus de 500.000 candidats ont passé l’examen, mais seulement la moitié a réussi à trouver une place dans les 3.100 écoles secondaires du pays.
La prostitution enfantine reste un problème caché mais florissant, à cause du secret qui l’entoure et l’immobilité du gouvernement pour éradiquer ce mal. De plus, les enfants prostitués ne reçoivent pas eux-mêmes le revenu de leur activité, et ne peuvent exiger un “sexe sans risques”. Le Kenya a été en première ligne dans la campagne pour classifier cette prostitution comme la pire forme de travail des enfants, mais jusqu’ici le gouvernement tarde à développer des stratégies pour son éradication.
La législation
En décembre dernier, le Kenya a signé un “Mémorandum de compréhension”, visant à instaurer une politique et une législation pour combattre les pires formes du travail des enfants, en conformité avec les dispositions de la convention 182 de l’Organisation internationale du travail. Cette convention demande aux pays de poursuivre une politique nationale pour abolir effectivement le travail des enfants et élever progressivement l’âge minimum requis pour être embauché.
Malgré cela, disent les experts, le travail des enfants ne fait que se propager, par manque d’une législation efficace pour le combattre. Selon eux, le Kenya n’a toujours pas de stratégie pour s’attaquer aux racines du vice au moyen d’une politique, de lois et de programmes adaptés. On réclame toujours l’enseignement primaire gratuit, universel et obligatoire, mais ces appels restent sans réponse.
La nouvelle Loi des enfants qui vient d’être votée, interdit formellement le travail des enfants, l’exploitation sexuelle telle que la prostitution, l’incitation ou la coercition à toute action sexuelle et les représentations obscènes. C’est certainement un pas dans la bonne direction. Mais cette nouvelle loi est insuffisante, car elle ne stipule pas les peines qui peuvent être imposées à ceux qui emploient illégalement des enfants.
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