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Cameroun |
CORRUPTION
Ces dernières années, des milliers de Camerounais ont été victimes de ce qui semble être une énorme arnaque financière
Il y a quatre ans, un faux établissement financier commençait à faire des affaires au Cameroun. Aujourd’hui, cette soi-disant banque a disparu avec plus de 5 milliards de francs CFA, déposés par quelque 5.000 Camerounais. Lors de son installation au Cameroun, la banque en question, Leadership Academy S.A., avait décrit ainsi sa mission: «former des hommes d’affaires de très haut niveau au management et aux finances internationales»; être un intermédiaire financier entre les hommes d’affaires du Cameroun et une banque suisse (appelée fictivement la Banque privée du Millénaire); diminuer la pauvreté et le chômage au Cameroun. Les directeurs étaient Ndouma Jean René Fils et Bouloulna Djonkissam, Camerounais, mais formés en Allemagne. Ils organisaient des séminaires et des conférences et faisaient des dons à certains hôpitaux à travers le pays.
Attirés par les propositions financières alléchantes, beaucoup de Camerounais y ont vu la possibilité d’ouvrir un compte en Suisse. Ainsi, entre octobre 1998 et octobre 2000, ils y déposèrent près de 5 milliards de francs CFA.
Au Cameroun, les transactions financières de ce genre sont contrôlées par le gouvernement. Pour éviter d’être prise au piège, la Leadership Academy s’adressa au ministère de l’Economie et des Finances (MINEFI ) pour obtenir l’autorisation appropriée. Après un examen soigné du dossier, le ministère transmit la requête à la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC) pour son commentaire. Cette instance centrale supervise toutes les banques de la région d’Afrique centrale qui utilisent le franc CFA comme monnaie commune. Elle refusa l’autorisation.
Puisque la soi-disant Banque privée du Millénaire était enregistrée en Suisse, elle était techniquement une «banque étrangère» et les Camerounais n’avaient donc pas le droit d’y ouvrir des comptes. Les lois camerounaises interdisent aux citoyens de placer leurs épargnes dans des banques étrangères, si ce n’est par l’intermédiaire d’établissements financiers locaux autorisés au transfert d’argent à l’étranger. Cette autorisation est donnée par le MINEFI . Et c’est là que la Leadership Academy, dûment établie au Cameroun, a vu sa chance.
Durant les mois d’août et de septembre 2000, le MINEFI fit savoir qu’il interdisait toutes les activités de la Leadership Academy et tous les établissements financiers légaux reçurent l’avertissement d’arrêter toute transaction avec elle. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, la Leadership Academy déclara qu’elle ne pouvait informer la Banque privée du Millénaire des décisions du gouvernement. Voyant que la Leadership Academy et la Banque privée du Millénaire continuaient à opérer illégalement, malgré l’interdiction, le ministre de l’Economie et des Finances, M. Edouad Akame Mfoumou, demanda aux Camerounais de respecter sa décision. Cela a causé des «malentendus» entre les deux directeurs, qui s’accusèrent mutuellement de mauvaise gestion. Le 26 août 2000 Bouloulna était suspendu et interdit de signer des documents au nom de la Leadership Academy. Il sera finalement relevé de ses fonctions le 6 septembre 2000.
Les actions en justice
Bouloulna intente alors un procès à la Leadership Academy, revendiquant des dommages importants pour son licenciement. Le 13 octobre 2000, le président du tribunal de première instance à Yaoundé, M. Yap Abdou, désignait l’ancien président du Conseil du barreau du Cameroun, Me Akere Muna, comme administrateur intérimaire de la Leadership Academy. Sa tâche était de convoquer une assemblée, avec Ndouma Jean René Fils et Bouloulna Djonkissam, en vue de régler la crise et les économies de milliers de Camerounais.
Durant cette assemblée tumultueuse, un des participants, un expert financier, M. Eba Evina, fut chargé de vérifier les comptes de la banque et de présenter un rapport. Mais Ndouma Jean René Fils n’accepta pas les conclusions du rapport et demanda des réparations en justice. Le cas fut finalement plaidé au tribunal de Yaoundé, le 8 mars 2001, devant trois magistrats.
Alors que ces audiences étaient en cours à Yaoundé, deux anciens clients de la Leadership Academy à Douala intentaient un procès à la banque, réclamant de grosses sommes d’argent et demandant la liquidation judiciaire de la banque. Le verdict fut donné le 15 mars 2001 par Mme Asu Agbor Lucy, du tribunal de première instance de Douala. Me Akere Muna et M. Dieudonné furent nommés liquidateurs officiels de la banque et M. Emile Essombe fut chargé de superviser l’exercice. Mais Ndouma Jean René Fils déclara la décision «ridicule» et se pourvut en appel. Une nouvelle audience eut lieu à Douala le 7 mars 2002.
La Leadership Academy possède d’imposants bureaux à Yaoundé et est présente à Bamenda (province occidentale), Garoua (province septentrionale), Douala (Littoral), Bafoussam (province occidentale) et Bertoua (province orientale). Quand la banque cessa toutes ses activités, le 18 mars 2000, plus de 5 milliards de francs CFA avaient été confiés à la banque sous forme de comptes à intérêts; 2.178 emplois avaient été créés et il y avait 5.000 clients et 380 actionnaires.
Les Camerounais se posent maintenant plusieurs questions. Comment se fait-il que, le transfert d’argent à l’étranger étant illégal au Cameroun, la Leadership Academy ait pu transférer à l’étranger tout cet argent, sans aucune trace au ministère des Finances? Dans quelles banques étrangères ont-ils transféré ces montants, puisqu’il n’y a pas de trace à la Banque privée du Millénaire? Les comptes dans ces banques ont-ils vraiment été établis au nom des investisseurs de la Leadership Academy? Sinon, d’où les Camerounais auraient-ils commencé à retirer leurs économies?
Charles Nji, Cameroun, mars 2002 — © Reproduction autorisée en citant la source
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