ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 437 - 01/07/2002

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 Afrique de l’Ouest
Filière cotonnière en crise


ECONOMIE


Une action concertée contre la crise du coton a été lancée dans les pays de l’UEMOA

La BOAD (Banque ouest-africaine de développement) a initié, le 1er mars 2002 à Lomé, une réunion de concertation pour diagnostiquer les causes de la crise qui, depuis quelques années déjà, gangrène la filière cotonnière dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Ont participé à la rencontre les responsables des sociétés cotonnières et huilières, des industries de filature, des investisseurs, des organisations paysannes et des ONG. La situation est préoccupante car elle a causé un manque à gagner estimé à 100 milliards de FCFA par an pour ces pays. Comme l’a constaté le Premier ministre togolais qui a ouvert les travaux: «L’année 2001 a été particulièrement traumatisante pour les producteurs de coton. Sur 95 millions de personnes que représente l’UEMOA, la culture du coton fait vivre 12 millions de personnes et rapporte 300 milliards de FCFA».

Causes internes et externes

Les causes du malaise sont multiples. La chute brutale des cours mondiaux du coton en 2001, passés de 64 cents la livre en janvier à 38 cents neuf mois plus tard, soit une baisse de 41%, n’explique pas tout. Pour les acteurs de la filière, la crise dans la sous-région trouve son origine dans les subventions qu’accordent les pays du nord et la Chine à leurs producteurs. Même si l’inorganisation du secteur y est aussi pour quelque chose.

Sur les 800.000 tonnes de coton produites par an dans ces pays, seulement 5% sont transformés sur place. Le reste est exporté, exposant ainsi les producteurs aux flux fantaisistes du marché international. Tous les secteurs sont exposés: la production, l’égrenage, les transports et l’industrie textile.

Les programmes d’ajustement structurel ont conduits ces pays à réduire considérablement l’effectif du personnel d’encadrement des producteurs, créant un lourd tribut à la production. Compte tenu du fait que le coton sert de culture locomotive pour les autres productions agricoles dans la sous-région, les Etats ont conservé la tendance à laisser tout le monde le produire, même dans les zones les plus marginales, provoquant ainsi un dénouement difficile des crédits d’intrants mis en place par les distributeurs.

Ce phénomène engendre une augmentation du prix de revient, véritable source de déséquilibre des comptes financiers de la filière. Dans la même foulée, les financements de la recherche se sont raréfiés, privant les producteurs d’outils de performance, puisque les densités de semis mal calculées, ou encore le mauvais dosage d’intrants chimiques, ont pesé sur la compétitivité du coton de la sous-région.

La multiplication des usines d’égrenage constatée ces dernières années s’est faite alors même que la production de coton-graine était en deçà de leurs capacités, provoquant une flambée des prix de revient de la fibre. Le rendement de ces usines se situe en général autour de 40%.

Le marché de commercialisation primaire de coton-graine, selon les experts, est en général mal organisé, augmentant les coûts de collecte. D’autant que les transporteurs évitent les opérations de groupage et les facturent aux sociétés d’égrenage. Au pire des cas, ils en abandonnent des tas, isolés à cause des pistes en mauvais état.

Dans les industries textiles, les unités de filature sont pour la plupart inadaptées aux besoins du marché de la sous-région. D’une part parce qu’elles sont sous-équipées, et d’autre part parce quelles produisent des tissus écrus de grandes dimensions alors que le marché a plutôt besoin de petites pour les pagnes. Leurs productions sont alors détournées vers la grande exportation, au détriment de l’approvisionnement des unités nationales d’impression.

De plus, l’importante exportation des produits de friperie et les produits du Nigeria à bon marché mettent l’industrie textile locale à rude épreuve. La concurrence traditionnelle entre la fibre coton et les fibres artificielles d’origine chimique se poursuit de son côté.

Les planteurs eux sont exposés à de cruciaux problèmes de financement, n’ayant pas les moyens de fournir de garanties pour des prêts bancaires. Par contre, l’importation et la distribution des intrants, les activités de commercialisation primaire et de l’égrenage de coton sont aisément financées par les banques commerciales. Alors que l’industrie cotonnière, notamment l’égrenage, la trituration des graines, la filature, le tissage et l’impression, est obligée de se tourner vers des financements hors UEMOA.

Mais si la filière coton est en crise dans la région, c’est principalement parce que certains pays, notamment l’Union européenne, la Chine et les Etats-Unis, continuent d’accorder des subventions colossales (2 milliards de dollars en Chine et 750 millions de dollars aux Etats-Unis entre 1997 et 1999) à leurs producteurs, en violation flagrante des règles de l’OMC. Car, comme l’a reconnu le Dr Yayi Boni, président de la BOAD: «le coton est la culture industrielle dominante représentant la première recette d’exportation pour la plupart des pays producteurs de la zone UEMOA».

L’union fait la force

Les participants ont recommandé aux Etats membres, en collaboration avec les sociétés cotonnières et la commission de l’UEMOA, d’entreprendre des actions d’urgence en vue d’améliorer la productivité du coton, à travers notamment la mise en œuvre de programmes de formation des producteurs, d’intensification de la recherche-développement, et de généralisation des actions de protection des plantes.

Ils ont appelé à des investissements de modernisation nécessaires à l’amélioration des rendements et à l’amélioration de qualité de la fibre. Pour une promotion et un développement de la filière élargie à l’industrie textile, les acteurs présents à Lomé ont invité les Etats membres à poursuivre les efforts en vue de réduire les coûts de l’énergie, de l’eau, des intrants et des transports pour une meilleure compétitivité des produits. Car, selon Ibrahima Macodou Fall, président de l’Organisation des industries cotonnières et textiles des pays de l’UEMOA, «le faible degré d’intégration de l’industrie textile dans l’UEMOA constitue un handicap majeur».

Les producteurs ont été invités à créer des structures de soutien et de stabilisation de prix (caisse de stabilisation), à gestion privée, et à financer par les Etats, les égreneurs, les producteurs, les institutions financières locales et les partenaires en développement pour appuyer la filière.

Un appel a été lancé aux Etats pour prendre des mesures nécessaires afin de protéger les industries textiles contre les importations de friperie, et à l’UEMOA pour mettre en œuvre un cadre communautaire de lutte contre la fraude des produits de la filière. Enfin la rencontre de Lomé a recommandé la mise en place d’un comité de suivi de toutes ces actions en vue de maîtriser la crise.


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