ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 439 - 01/09/2002

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Ouganda
L’éveil de la phytothérapie


SANTE


Une merveilleuse forêt pourrait donner un nouvel essor à la phytothérapie

Le sida a éveillé l’intérêt du monde médical ougandais aux possibilités qu’offre la phytothérapie traditionnelle, écartée avec la venue du christianisme, mais qui fait maintenant sa réapparition dans le pays.

Les médecins de la clinique de Mulago ont été déconcertés en voyant des patients, qu’ils croyaient être en phase terminale, quitter leur lit d’hôpital pour reparaître, plusieurs années après, en pleine santé. Des médecins travaillant dans les hôpitaux de Kampala disent qu’ils ont été forcés de croire en la médecine traditionnelle, après avoir rencontré des cas similaires. Chaque fois, ces malades avaient quitté l’hôpital pour aller se faire soigner par un praticien de médecine traditionnelle.

Le Dr Yahaya Sekajja, président de Prometra Uganda, une ONG qui favorise la médecine traditionnelle, fait partie de ces médecins ougandais qui, dans leurs cliniques, administrent des médicaments aussi bien traditionnels que conventionnels. Il décrit un de ses cas: «J’avais une patiente dont les jambes étaient dans un tel état qu’il n’y avait plus que l’amputation pour lui sauver la vie. Quelques jours avant la date fixée pour l’amputation, ma patiente disparut. Comme il arrive souvent que, dans des cas terminaux, les gens préfèrent mourir dans leur village, mon personnel ne prit même pas la peine d’aller à sa recherche, ni même de donner l’alarme. Un an plus tard, je la rencontre par hasard, les jambes intactes! Elle me rappela que j’avais voulu amputer ses deux jambes. Puis elle me raconta qu’elle s’était rendue chez un pharmacologiste traditionnel, qui lui rendit la santé». Et, après cet épisode, il commença aussi à administrer des médicaments à base de plantes dans sa clinique.

Durant des dizaines d’années, les guérisseurs traditionnels ont été ignorés par les médecins conventionnels, mais aujourd’hui ils reviennent à l’avant-scène. D’un air de défi, ils se tiennent dans les corridors de la clinique de Mulago (surtout dans la section des fractures) et attendent que les docteurs aient fini leur ronde, avant de s’approcher des malades avec leurs médicaments. «Ils viennent s’enquérir de notre santé, puis affirment que leur médecine est plus efficace que celle de l’Occident et qu’elle est meilleur marché», raconte une patiente qui s’était cassé les jambes dans un accident de moto.

La confiance des guérisseurs traditionnels s’est aussi accrue par le fait qu’un nombre croissant de gens quittent les hôpitaux pour s’adresser à eux.

Prometra Uganda, qui compte 54 guérisseurs traditionnels, est devenue une force dans le monde médical. Il y a deux ans, l’organisation a commencé un grand projet qui pourrait lancer dans le pays une guerre sérieuse contre la médecine occidentale.

La merveilleuse forêt

En l’an 2000, Prometra Uganda a acheté au Buganda central une forêt de 4 hectares, dans le seul but de promouvoir la médecine traditionnelle. «Cette forêt occupe une place centrale dans notre campagne pour encourager les gens à se faire soigner par les guérisseurs traditionnels», dit Salongo Lubega, du village de Buyijja. Les membres ont élagué presque tous les arbres de la forêt et ont défriché une grande étendue de terre pour des plantes et des arbres dont ils se servent dans l’exercice de leur profession médicale. La forêt de Buyijja, à 64 km de la capitale Kampala, est la première de ce genre en Ouganda. Les habitants de la région l’appellent «la forêt merveilleuse», non qu’elle ait des pouvoirs magiques, mais à cause des merveilleux médicaments que les docteurs extraient des plantes, herbes et arbres qui y poussent.

Chaque mercredi, les membres de Prometra se rassemblent pour partager leurs connaissances et leurs expériences, et pour apprendre des guérisseurs traditionnels ce à quoi chaque plante peut servir. «Chaque plante dans cette forêt, même la plus petite, a une vertu médicinale», dit Florence Nakibuuka, une guérisseuse traditionnelle qui avait été initiée par sa grand-mère, alors qu’elle n’avait que quatorze ans. Agée maintenant de 60 ans, elle transmet ses connaissances à ses confrères et consœurs guérisseurs. Un guérisseur dit qu’elle est un génie de la médecine traditionnelle et qu’elle connaît 400 arbres et 2.000 plantes aux vertus curatives.

Les guérisseurs ont interdit d’entrer dans leur forêt. «Nous ne permettons à personne de venir couper des arbres ou de les écorcer, et aucun étranger ne peut entrer dans notre forêt sans notre permission», dit Salongo Lubega.

Ce n’est pas le côté financier qui intéresse surtout les guérisseurs. «Notre objectif est d’enseigner à d’autres guérisseurs l’usage de la médecine traditionnelle, et non pas de gagner de l’argent», dit Nakibuuka. «Nous soignons des maladies telles que les ventres gonflés, les morsures de serpents, les fractures de jambes ou de bras... Nous pouvons guérir n’importe quoi!». Alors que les autres s’efforcent de fertiliser leurs plantations d’ananas pour obtenir une bonne récolte, les guérisseurs, intentionnellement, “étouffent” leurs plants d’ananas pour s’en servir contre la déshydratation. «Nous versons de la terre au milieu de la plante, là où pousse le fruit, pour qu’elle meure», dit John Ibanda, qui poursuit actuellement ses études de pharmacologie afin d’apprendre les doses exactes à utiliser.

Employées à tort, certaines plantes peuvent être mortelles, surtout si l’on en prend une dose trop forte. C’est le cas d’une plante appelée dans la langue locale “Emmere ya Namunye”. Elle est réputée être le meilleur remède contre les parasites. Mais si on en prend trop, elle peut tuer en quelques secondes. Au début de cette année, un homme et son fils, dans le district de Luwero, sont morts après avoir ingurgité une trop grande dose de Emmere ya Namunye.

“Emimbiri” est une autre plante qui peut être mortelle. «Nous ne l’employons que contre les rats et les singes», disent les guérisseurs. Elle est si dangereuse que le simple fait de toucher la tige suffit pour causer la mort. «Nous conseillons de se brosser quatre fois le corps avec de l’eau et du savon; si vous ne le faites pas, la mort pourrait s’ensuivre», dit Nakibuuka.

Mais le public reste sceptique envers les guérisseurs. «Ce qu’ils font n’est pas mon affaire, mais je n’aime pas leur façon de vouloir faire revenir les revenants», dit une femme de Kampala. Beaucoup de guérisseurs se barbouillent le visage de peinture et de bouse pour faire peur à leurs patients et donner l’impression qu’ils n’appartiennent pas à ce monde. Cela fait peur à beaucoup d’Ougandais et les répugne.

Cependant, selon les membres de Prometra, le public condamne à tort l’ensemble de leur profession, disant que c’est de la sorcellerie. Afin de promouvoir leur campagne, les guérisseurs traditionnels ont invité récemment le Sénégalais M. Eric Gbodossou, président de Prometra, qui a fait des recherches approfondies sur l’emploi de la médecine traditionnelle dans les soins des malades. Bien qu’il n’ait pas eu l’honneur du tapis rouge de la part du gouvernement, beaucoup de ministres et de docteurs en médecine se sont empressés de le rencontrer. Gbodossou a visité la forêt de Buyijja et y a passé toute une journée, apprenant la fonction des différentes plantes et des arbres qui y poussent. Par après, dans une interview, il a déclaré que maintenant en Afrique, 10% des médecins conventionnels, non seulement croient en la médecine traditionnelle mais la mettent aussi en pratique.


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