ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 439 - 01/09/2002

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Burkina Faso
L’implication des femmes en politique


FEMMES


La politique est-elle vraiment une affaire d’homme uniquement? 
Que doivent faire les femmes pour mériter la place qui leur revient?

«La politique est une affaire d’homme, elle n’est pas une chose de femme. Notre rôle, c’est d’élire les différents candidats». C’est en ces termes que s’expriment les femmes du groupement villageois féminin Namangzenga de Oubsé, une localité située dans la province de Sanmatenga, au nord-est du Burkina Faso. «Nous élisons les candidats que nos maris ont choisi parce qu’ils les connaissent», disait la présidente du groupement. Ce qui montre clairement le manque d’engouement des femmes vis-à-vis de la politique, surtout en zone rurale. Cependant, elles constituent une force politique considérable, avec une puissance de mobilisation capable de faire basculer les décisions et les volontés populaires lors des élections.

Depuis 1975, que les Nations unies avait décrété année internationale de la femme, les femmes à travers le monde ont de plus en plus pris conscience de leur potentiel, profondément convaincues qu’elles sont et demeurent les premières artisanes de leur destin. Avec la Révolution démocratique et populaire intervenue en 1983, les femmes burkinabé ont reçu l’adhésion des responsables politiques de ce temps pour faire valoir leur rôle en tant que force active de développement. Elles ont commencé à être nommées à des postes de responsabilité et à être admises à certains concours professionnels réservés auparavant aux seuls hommes.

Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt, car la femme burkinabé reste toujours sous-représentée dans les sphères de décision. Les statistiques en témoignent. Après le remaniement gouvernemental du 12 novembre 2000, dans l’exécutif on retrouve quatre femmes: un ministre à plein titre, chargée de la Promotion de la femme; un ministre “délégué”, chargée du budget et du développement institutionnel, sous la coupe du ministre de l’Economie et des Finances; et deux secrétaires d’Etat, chargées respectivement de la promotion des droits de l’homme (rattachée au ministère de la Justice), et de l’éducation des filles et de la promotion du secteur informel (rattachée au ministère de l’Enseignement de base et de l’alphabétisation).

Dans les institutions, on trouve une femme présidente du Conseil économique et social. Au Parlement, 10% des sièges sont occupés par des femmes, soit 10 femmes députés sur 111. Ces dix femmes sont toutes issues du groupe parlementaire majoritaire, le Congrès pour la démocratie et le progrès, alors que l’hémicycle regroupe une dizaine de partis politiques. Concernant les communes, on enregistre une centaine de femmes conseillères municipales sur mille, trois femmes maires et cinq femmes Hauts-commissaires sur 45. Dans le milieu diplomatique, trois postes d’ambassadeurs sont occupés par les femmes.

Pour elles, oui, mais avec elles

A la sortie de la Conférence internationale de Beijing en 1995, les femmes burkinabé, à l’instar de celles des autres pays, ont décidé de se battre pour mériter leur place au soleil et assurer leur accès aux sphères décisionnelles. La quête d’une meilleure qualité de vie et la vision d’un projet de société plus juste, les ont conduites à se jeter dans une lutte pacifique pour modifier la tendance, c’est-à-dire quitter leur statut d’infériorité, sans pour autant faire basculer l’ordre social patriarcal. Elles ont décidé de ne plus être des bénéficiaires passives de décisions prises par les hommes pour elles, mais sans elles. Désormais, elles revendiquent leur place dans la société, au même titre que les hommes. Elles sont non seulement électrices, mais aussi éligibles.

Le ton est donné en 1991, avec la création de partis politiques dirigés par des femmes. Aux élections présidentielles de 1998, le pays enregistrait sa première candidature féminine au poste de président. Si ces exemples ont été éphémères — de nos jours il n’existe qu’un seul parti dirigé par une femme, et la candidate à la présidence, faute de moyens financiers, n’ira pas jusqu’au bout de sa décision —, les femmes ne désarment pas. Pour mieux se faire entendre, celles qui sont engagées dans les partis politiques — toutes tendances confondues — ont fondé en 1996 l’«Association des femmes élues du Burkina». Elles essaient ainsi de coordonner leurs points de vue. La clé du succès se trouve dans le partenariat avec les hommes, car elles ont compris que la négociation est déterminante pour obtenir la mixité de la sphère politique. D’autre part, si le pouvoir est par essence politique, il ne peut pas être dissocié du social, de l’économique et du culturel.

Enjeux socioculturels,
économiques et politiques

Une représentativité suffisante dans les instances décisionnelles constitue pour les femmes un des enjeux majeurs. Beaucoup de problèmes relevant des secteurs comme l’éducation, la santé, l’environnement, l’emploi, le logement, les droits, etc., sont encore en chantier et ne sauraient attendre. Une réelle cogestion de la sphère politique avec les hommes leur permettra de trouver des solutions appropriées à leurs problèmes spécifiques et de se mettre au service du développement national.

Améliorer la condition féminine, c’est faire évoluer et progresser les lois. Les femmes ont à cœur le bien-être social, la qualité de vie et la satisfaction de besoins liés à leur vécu quotidien. Elles constituent la cheville ouvrière de la famille: travaux domestiques et agricoles, commerce, éducation des enfants, etc. Ce sont les femmes qui gèrent les problèmes de survie (eau, nourriture, énergie, etc.) — mais elles sont les plus pauvres du monde et celles dont les droits sont le moins respectés. Elles sont doublement victimes de la pauvreté et des violences.

Dès lors, les femmes aux postes de décision dans les appareils de pouvoir vont en priorité s’attaquer aux questions relevant de la famille, d’autant plus qu’avec l’éclatement du tissu social, elles deviennent de plus en plus chefs de famille (environ 20% à l’heure actuelle au Burkina).

En participant au débat politique, elles apporteront des réponses concrètes avec des propositions pour la révision de certains articles du Code des personnes et de la famille: accès égalitaire à la propriété foncière, à la succession (sans aucune condition contraignante), suppression des pratiques obsolètes telles que le lévirat, le sororat, les mariages précoces et forcés. En tout état de cause, les femmes politiques exerceront des pressions sur le législateur burkinabé pour mettre un terme à la dualité entre le droit positif et les droits coutumier et religieux.

L’amélioration du statut de la femme est un thème fédérateur et récurrent, parce qu’il constitue une aspiration collective de toutes les femmes, c’est leur cause commune. Les femmes parlementaires devront œuvrer, au-delà de leurs clivages politiques, pour faire voter des lois favorables aux femmes et aux filles (par exemple la loi relative au harcèlement sexuel en milieu scolaire). Elles restent les meilleurs défenseurs des lois visant à protéger les intérêts de l’ensemble des membres de la famille. Par conséquent, les femmes politiques devront non seulement faire progresser la législation relative aux questions de la famille, mais aussi faire changer les priorités du développement.

Redéfinir les priorités du développement

L’entrée massive des femmes en politique aura des incidences sur un certain nombre de priorités du développement, à commencer par l’éducation.

L’éducation est un droit universel et constitue à maints égards la clé de l’égalité des chances, voire l’égalité des sexes. Il faut garantir ce droit aux filles au même titre qu’aux garçons. Ainsi les femmes politiques devront agir ensemble pour contribuer à renforcer les mesures de discrimination positive à l’égard des filles. Une révision systématique des manuels scolaires en vue d’extirper les stéréotypes sexistes et les images dévalorisantes de la fille s’avère une action prioritaire.

— La promotion de la santé des femmes et des filles est essentielle. En raison de la prégnance des préjugés sexistes et des pratiques socioculturelles discriminatoires (interdits et tabous alimentaires, mutilations génitales féminines), absence ou insuffisance des infrastructures sanitaires (maternités, centres de santé et non accès des femmes à l’information) en particulier dans les zones rurales, les femmes sont exposées à toutes sortes de risques qui précarisent leur santé et mettent en péril leur vie: grossesses répétées, accouchement à haut risque, pandémie du VIH/SIDA. Les filles et les adolescentes ne sont pas à l’abri des abus sexuels, des grossesses non désirées, des avortements clandestins et des infections MST/SIDA. Les femmes politiques, en particulier les parlementaires, devront unir leurs énergies pour obtenir que des lois positives soient votées pour protéger la santé des femmes et des filles.

— La question cruciale de l’emploi est un autre combat non moindre qui s’impose aux femmes politiques. Nul ne peut nier le rôle vital joué par les femmes des secteurs publics, parapublics et privés dans la croissance économique. Cependant, en dépit de leurs poids, les femmes sont discriminées dans la répartition des postes de responsabilité. Certes, des efforts sont déployés pour promouvoir les femmes, mais il reste encore beaucoup à faire. Il revient donc aux femmes politiques de se battre pour que le principe «à compétences égales, responsabilités égales» soit reconnu pour tous.

— La femme burkinabé est tout aussi motivée pour que sa place déterminante dans l’économie soit reconnue et revalorisée. Au Burkina, 85% de la production économique sont le fait des femmes, mais seulement 10% des dividendes leur reviennent. Les premières actrices du monde rural agricole sont les femmes: responsables de 70% de la production vivrière, 50% du stockage des denrées alimentaires, 100% du traitement et de la transformation des produits vivriers, elles assurent 50% de l’élevage et 90% de la commercialisation. Mais à quel prix et avec quelles ressources? Comment font-elles pour s’occuper des exploitations des produits de rente dont les revenus reviennent pratiquement aux hommes, leurs maris?

Dans toutes les régions du Burkina, les femmes sont confrontées aux mêmes contraintes qui freinent leur intégration économique: discrimination dans l’accès aux facilités bancaires, difficultés d’accès à la propriété foncière, etc. Les femmes parlementaires au sein des instances de décision doivent lutter pour l’adoption de lois agraires et foncières plus favorables aux femmes.

Les femmes engagées dans les partis politiques ne doivent pas baisser les bras. Il faut que dans les instances décisionnelles, les hommes sentent qu’ils doivent désormais composer avec les femmes qui constituent une force en marche. Leur participation à l’ensemble des processus de décision est non seulement un impératif moral mais également une condition essentielle pour la démocratie. Toutes les questions publiques intéressent les femmes politiques, mais certaines d’entre elles ont un lien spécial avec l’expérience et les préoccupations particulières des femmes. Les femmes jouant un rôle dans les sphères de décision doivent aider à transformer ces problèmes en question d’intérêt public.


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