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ECONOMIE
Le “combat des chefs” à Madagascar a des répercussions dramatiques sur l’économie du pays
Les impacts de la crise politique malgache, tant sur le plan économique qu’humanitaire et social, sont énormes et dramatiques. Tous les efforts et tous les investissements entrepris depuis plusieurs années sont réduits à néant en l’espace de quelques mois en raison de cette crise qui s’éternise.
L’économie malgache est en chute libre. On prévoit une décroissance jusqu’à –10% cette année, contre +6,7% en 2001. Aucun secteur n’est épargné. Depuis le début, des millions de personnes se trouvent en chômage, les entreprises ferment leurs portes les unes après les autres. Les prévisions les plus optimistes estiment que la Grande Ile attendrait le niveau d’avant la crise vers 2005, à condition que le retour à la normale se fasse dans les prochaines semaines.
L’ampleur des conséquences économiques est d’autant plus importante que les secteurs les plus touchés par les mouvements de grève et les barrages se situent dans les domaines phares de l’économie malgache. Dès les premières semaines, les arrêts de travail ont surtout concerné les entreprises à Tananarive, dans les secteurs des zones franches, du commerce et des services publics. Ces branches sont celles où la dynamique de croissance a été la plus soutenue dans le pays au cours des dernières années, et qui à elles seules expliquent la presque totalité du niveau de croissance économique du pays. Ces secteurs totalisent 60% du PIB. Les arrêts de travail auraient coûté entre 6 et 8 millions de dollars par jour.
La mise en place des barrages, en février, a conduit la plupart de ces entreprises à la cessation progressive de leurs activités, suivie d’une série de mises en chômage technique et de licenciements. Ces barrages, en empêchant la circulation des biens et des marchandises entre Tananarive et les autres provinces, ont entraîné tous les secteurs de la vie économique et sociale du pays dans une crise économique sans précédent.
Les zones franches
Concernant les entreprises de la zone franche industrielle (ZFI), leur contribution directe à la formation du PIB est modeste, de l’ordre de 3%. Mais son importance se trouve dans sa capacité de créer des emplois et d’entraîner les activités d’autres branches économiques (transport de marchandises, transit, télécommunications, commerce, taxes indirectes), créant aussi des emplois indirects. De moins de 20.000 emplois directs créés en 1994, on est passé à 75.000 en 2000, et à environ 100.000 en 2001, auxquels il convient d’ajouter 25.000 emplois indirects. Les zones franches occupent ainsi un peu moins de 20% des travailleurs de la ville de Tana, sur un nombre total d’environ 530.000.
En matière d’exportations, celles du seul secteur de l’habillement s’élèvaient à 293 millions de dollars en 1999, soit un peu moins de 40% du total des exportations. Selon les données du FMI, près de 80% des investissements étrangers à Madagascar vont vers les zones franches. Sur ce total, 38% proviennent de la France, 25% de Maurice et 9% des autres pays européens.
Un bilan dressé en mars par le groupement des entreprises franches fait état d’une perte définitive de 20.000 emplois, suite à la décision de certaines des entreprises de la ZFI de délocaliser leurs activités à Maurice ou au Kenya. Au mois de mai, environ 70.000 employés de la ZFI sont restés inactifs (congé forcé, chômage technique et licenciement). En terme de revenus, cela représenterait pour l’année 2002 environ 125 milliards Fmg (1 euro = 6.700 Fmg) de salaires perdus pour les employés. Par ailleurs, la crise politique a entraîné des coûts supplémentaires pour les entreprises de la zone, cumulés à environ 18 milliards de Fmg (entre janvier et mars), à cause des réparations des dégâts par des actes de vandalisme d’une part, et d’autre part de l’envoi par avion de certaines marchandises à défaut de pouvoir les acheminer vers les ports.
La crise politique a créé un problème de confiance entre les entreprises de la ZFI et leurs clients habituels. Il ne faudrait donc pas s’attendre à un plein redémarrage des activités de la ZFI pour cette année. Au cas d’un retour de la stabilité politique dans le pays, l’avenir des zones franches redeviendrait prometteur à long terme, à condition que Madagascar continue de maintenir ses avantages comparatifs principaux, à savoir l’abondance d’une main-d’œuvre certes peu qualifiée, mais habile et bon marché (le salaire mensuel moyen y est de $50 contre $150 à Maurice), tout comme une productivité horaire élevée.
Le monde rural
Dans le milieu rural, alors que l’on s’attendait à ce que les ruraux bénéficient de façon marquante – pour la première fois depuis de nombreuses années – des effets de la croissance économique, le taux de pauvreté rural serait de 78% en 2002, contre les 72,6% prévus avant la crise. Il apparaît ainsi que le milieu rural subira les contre-coups de la crise économique urbaine, alors que la production agricole a été bonne au cours des deux dernières années. Les principales victimes seront les plus pauvres parmi les ruraux, qui passeraient à 36% en 2002 contre les 32,8% prévus.
Les données actuelles indiquent que le volume de la production agricole ne sera pas ou peu affecté par la crise actuelle. La récolte des produits de rente (vanille, letchis, girofles, café) et la culture des produits vivriers (riz et maïs), pour la première partie de la saison, ont eu lieu avant la mise en place des barrages. Cependant, les revenus des ménages ruraux sont certainement affectés, car les barrages empêchent l’écoulement des produits agricoles vers les marchés.
Les paysans risquent d’être pénalisés de plusieurs côtés à la fois. D’un côté, ils subiront le poids de la flambée des prix dont l’ampleur dépendra de la capacité des autorités politiques à encadrer les flux commerciaux et à réguler la gestion des stocks des produits, en particulier les produits de première nécessité. Ils seront d’autant plus affectés que les dépenses d’alimentation représentent 80% de leurs dépenses totales. Les prix du sucre, de l’huile et du pétrole ont connu, entre mars et avril, des hausses variant de 100 à 200%.
D’un autre côté, les ménages ruraux connaîtront de fortes pertes de revenus en raison à la fois de produits non vendus (surtout les denrées vite périssables comme la tomate et les carottes), et des prix aux producteurs plus faibles que la normale (les collecteurs des produits devant justifier les frais de transport additionnels entraînés par la pénurie de carburant et des “droits informels de péage” aux multiples barrages).
En 5 mois de crise, la baisse enregistrée au niveau du PIB réel, ramènerait celui-ci à son niveau de 1999. En valeur courante, cela équivaudrait à la somme colossale de 450 à 500 millions de dollars perdus, c’est-à-dire une fois et demi le total de toute l’aide publique au développement reçue par le pays pour l’année 2000, ou encore 8 fois le montant des dons reçus dans le cadre de l’IPPTE (Initiative des pays pauvres très endettés) pour 2001.
Les 15 millions de Malgaches, devenus les otages des politiciens, ignorent encore pour le moment quand aura lieu la fin de la crise politique, mais ils savent déjà que la crise économique s’étalera sur le long terme, une fois de plus.
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