ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 440 - 15/09/2002

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 Congo-Brazza
Les évêques touchent le nerf de la guerre


EGLISE-ETAT


Au Congo, les affaires du pétrole restent une question tabou.
Mais les évêques ont brisé le mythe en interpellant les autorités congolaises
à une gestion plus transparente et efficace de ce produit 
et à une équité plus grande pour tous les Congolais

Les évêques congolais sont courageux. En juillet dernier ils ont osé publier une accablante déclaration sur le pétrole dans le journal catholique «La Semaine Africaine». Ceci, suite à une réunion extraordinaire, tenue début juin à Brazzaville, sous le thème «Le pétrole et la mission de l’Eglise au Congo».

Ce n’est pas la première fois que les évêques catholiques du Congo se prononcent sur le problème. Déjà en 1998, au sortir de la terrible guerre civile de 1997, qui renversa le président Pascal Lissouba, dans une lettre pastorale intitulée «Le Congo a faim et soif de paix», ils s’étaient interrogés sur ce produit hautement stratégique. Sans crainte, ils constataient que le Congo possède de nombreuses possibilités de développement. Mais ils posaient la question: comment se fait-il que, pendant 30 ans, les découvertes régulières de puits de pétrole, toujours plus importantes, n’aient pas été accompagnées d’un quelconque signe visible de transformation de la situation de la population congolaise? «Notre pétrole doit être une instrument de vie et non de mort de notre peuple», martelaient-ils.

Plus récemment encore, en mai 2001, dans la lettre intitulée «Dialogue, vérité, justice, chemin de paix», ils écrivaient: «Il n’y a pas de paix durable sans une bonne gestion du revenu national, sans emploi pour les jeunes. Le développement et la paix ne seront jamais possibles avec la croissance d’inégalités scandaleuses entre ceux qui ont et qui accumulent, et la masse de ceux qui n’ont rien».

Mais tous ces messages, aussi percutants qu’ils soient, n’ont pas eu l’écho escompté au sein de la classe politique, ni dans l’opinion publique d’ailleurs.

Une bombe

Cette fois-ci, la réaction a été très différente. La déclaration des évêques a fait l’effet d’une bombe, surtout au sein des médias internationaux qui lui ont donné un large écho. Au point d’avoir fâché les autorités congolaises et les journaux qui soutiennent le régime de Brazzaville.

En fait, les évêques n’ont fait que rappeler les informations dont on parle peu sur la place publique. Les régimes qui se succèdent, de même que les sociétés pétrolières qui travaillent au Congo, comme TotalFinaElf, Agip, Chevron, n’aiment pas qu’on y regarde de trop près.

L’économie du Congo repose sur le pétrole, qui représente 72% des recettes fiscales et 92% des recettes d’exportation. «Non seulement le pétrole n’est pas éternel, mais sa gestion n’est pas transparente», dénoncent les évêques. Citant une source digne de foi, la déclaration souligne que le Congo est le troisième pays producteur de pétrole d’Afrique noire, après le Nigeria et l’Angola. Ceci avec une production estimée à 1,3 million de tonnes en 2000, soit 265.000 barils par jour.

Fort curieusement, le Congo est fortement endetté. Fin 1999, la dette publique totale était de $5,4 milliards ($2.000 par habitant), dont 80% de dette extérieure. Avec cela, «les souffrances, les guerres, la misère, le manque d’infrastructures, les violences et les pillages ont gravement augmenté la pauvreté de nos populations: 70% de la population vivent en dessous du seuil de la pauvreté», analyse la déclaration, qui souligne aussi que le chômage touche plus de 60% de la population active. «Il est du devoir de l’Etat d’assurer une société plus juste et fraternelle et un minimum vital pour tous. Ceci est du l’ordre du possible».

Par conséquent, les évêques demandent au chef de l’Etat congolais Sassou Nguesso, élu à près de 90% de voix, et aux nouveaux parlementaires qui ont la responsabilité de la gestion des affaires publiques, une gestion efficace du bien commun.

Les propositions des évêques

Ils proposent de s’inspirer de l’expérience du Tchad. Une loi sur la répartition des revenus pétroliers devrait voir le jour. Elle porterait sur la création d’un comité de contrôle, constitué de représentants de l’Etat, de l’Eglise et de la société civile. Il faudrait ouvrir des comptes spéciaux au Trésor public ainsi que dans les institutions financières internationales.

Les évêques demandent aussi l’ouverture d’un dialogue entre le gouvernement, les sociétés pétrolières travaillant au Congo et la société civile sur la question de la dette du Congo. Car, comme le souligne le rapport sur le développement du Congo 2002 produit par le PNUD, la dette du Congo constitue une contrainte majeure pour son développement économique.

Selon les évêques, cette nouvelle loi devrait fixer les pourcentages de répartition entre l’Etat central et les régions, sans oublier les investissements et les infrastructures prioritaires. De même qu’elle prévoirait la publication régulière des activités financières de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), une société qui fonctionne comme un vrai cabinet occulte.

Cette loi, une fois en place, espèrent les hommes d’Eglise, devrait aussi prévoir un pourcentage à épargner dans une institution financière «pour nos générations futures, à l’instar de ce qui se fait en Norvège, et dont l’épargne ne serait disponible qu’après épuisement de la production pétrolière du pays».

S’adressant à la communauté internationale, les évêques du Congo lui demandent un peu plus d’attention. Le Congo, disent-ils, vient de «renouer avec le processus démocratique et veut aujourd’hui consolider la paix. Il n’y a pas de paix sans justice sociale. Nous croyons que la paix ne peut se construire sans une assistance de la communauté internationale, des institutions financières internationales et des multinationales travaillant dans notre pays». Aussi, les évêques sollicitent la coopération des institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale) pour accorder au Congo une reconversion de sa dette en investissements sociaux.


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