ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 440 - 15/09/2002

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Soudan
La guerre s’intensifie


GUERRE CIVILE


Les traités de paix et les cessez-le-feu de toutes sortes font partie de la situation de guerre du pays et rendent incertaine la route vers la paix

Le Soudan est un des pays les plus pauvres du monde, avec des infrastructures dans un état lamentable: routes impraticables, électricité et lignes téléphoniques peu fiables, une économie dévastée par des sécheresses successives et une guerre civile interminable... Les organisations internationales le critiquent pour ses violations des droits de l’homme. Et pourtant, ce pays ne devrait pas se trouver dans cette situation, la nature l’ayant doté des largesses du Nil et de ressources pétrolières, toutes deux bien loin d’avoir été suffisamment exploitées. Bentiu, au Sud-Soudan, est le centre des gisements de pétrole contrôlés par le gouvernement, qui produisent chaque jour plus de 250.000 barils et rapportent au gouvernement plus de 500 millions de dollars par an. Mais la plus grosse partie de ce magot sert à l’achat d’armes, d’hélicoptères et d’avions de combat.

Au début de juin, les agences de l’ONU avaient prévenu que pratiquement toutes les régions du Sud-Soudan (environ 1,7 million de personnes) étaient menacées de famine, à cause de l’intensification de la guerre et de ce qu’on appelle la politique gouvernementale «de la terre brûlée», surtout autour des gisements de pétrole. Selon l’Agence américaine pour le développement international (USAID), plus de 300.000 habitants dans les zones pétrolières ont été chassés de leurs foyers.

Le cessez-le-feu aux monts Nouba, qui est observé depuis quelques mois, permet aux deux camps de transférer leurs forces vers les principaux champs de bataille, surtout vers la région occidentale du Haut-Nil, en plein milieu des gisements de pétrole.

Le International Crisis Group (ICG) parle des jouteux revenus venant du pétrole que le gouvernement pompe au Sud-Soudan. Selon ce rapport, cet argent sert à acheter des MIG-29 russes. Selon les informations transpirées en mai dernier d’un rapport russe, le Soudan avait fait une commande de MIG pour une somme de $120 millions. Ce rapport a été divulgué alors qu’au Kenya, le gouvernement soudanais et l’Armée de libération du peuple soudanais (SPLA) étaient en pourparlers de paix. Et l’auteur du rapport de l’ICG, John Prendergast, ancien expert pour l’Afrique du Conseil national de sécurité sous le président Bill Clinton, faisait remarquer que la guerre civile etait dans sa phase la plus destructive.

L’exemple de Port-Soudan

Port-Soudan, à environ 1.000 km au nord-est de Khartoum, est le seul port de mer, Juba et Kosti étant des ports fluviaux sur le Nil. Port-Soudan compte plus d’un million d’habitants et héberge aussi plus d’un demi-million de déplacés, venant du Sud, des monts Nouba et des collines d’Ingessena, dans la partie sud de Nil Bleu. La ville souffre d’un problème d’eau et d’une carence généralisée de services publics. La température varie de 29 à 42 degrés centigrades.

Albert Ohide, originaire de l’Equatoria oriental, y réside depuis cinq ans en tant que déplacé. Il a écrit un article dans le “Khartoum Monitor” du 23 juin 2002. Selon lui, l’eau potable est le problème le plus grave depuis que le gouvernement s’est décidé à exporter et à prospecter les minerais tels que le pétrole, l’or et d’autres ressources. Port-Soudan est utilisé pour l’importation et l’exportation. Depuis l’indépendance, aucun gouvernement n’a prêté attention au problème de l’eau potable, qui s’aggrave surtout en juillet et août, quand les températures sont très élevées. Durant cette saison, un baril d’eau se vend à environ $4.

«L’eau potable est recueillie dans un réservoir durant la saison des pluies, et livrée à la population par des camions citernes moyennant finance. Pour que ce réservoir soit plein, il faut qu’il ait plu au moins neuf fois durant la saison des pluies précédente. Mais l’an dernier il n’a plu que deux fois, et maintenant le réservoir est vide. Certains ont recours à l’eau salée de la mer Rouge pour prendre leur bain et pour boire».

Ohide est amer: «Le régime d’Omar el-Béchir a réussi à relier le sud du Soudan à Port-Soudan par un oléoduc de quelque 1.500 km, mais, en treize années de règne, il n’a pas encore pu relier le Nil à Port-Soudan par un aqueduc. Et pourtant les eaux du Nil sont plus près de Port-Soudan que le pétrole du Sud». Bien que les revenus pétroliers ne fassent que croître, la population continue à souffrir dans tout le pays.

Appels peu sincères à l’unité

En fait, le régime islamique du Nord est fixé sur la guerre. Il insiste sur l’unité du Soudan, mais il n’est pas sincère. Le régime veut le Sud, mais pas les sudistes. Tout le développement est concentré dans le triangle de Khartoum, Khartoum-Nord et Ondurman. Le reste du pays est ignoré. Il n’y a pas de routes, pas d’électricité, pas de bâtiments scolaires en bon état, les services publics sont très pauvres. Au Soudan occidental, certains ignorent même le nom du président du Soudan. Pour eux, Khartoum est un autre pays.

Dans son édition du 6 juillet, le Khartoum Monitor rapportait que le gouvernement soudanais avait rejeté le droit constitutionnel des sudistes d’entreprendre un référendum sur l’autodétermination. L’article citait le Dr Ibrahim, secrétaire général du Congrès national (NCP, parti au pouvoir), affirmant que, bien que le droit à l’autodétermination soit inscrit dans la Constitution de 1998, le grand public n’avait pas compris l’esprit de cette autodétermination. Lors des négociations de 1996, et surtout dans l’accord de paix de 1997, la séparation ne faisait pas partie des options: «Les deux parties ont délibérément accepté l’unité du Soudan». Il ajoutait que, selon la loi internationale, le principe d’autodétermination ne pouvait s’appliquer au Soudan, parce que le gouvernement au pouvoir n’est pas un gouvernement colonial. «La charia (loi islamique) et l’unité du pays ne peuvent être mises en question».

Le conseiller présidentiel pour la paix, Dr Gazi Salah Eddin, a décrété que toute mention d’autodétermination dans la presse constituait un acte de trahison. Il y a quelques mois, quand le Khartoum Monitor publia un article sur ce sujet, le président de son conseil d’administration, M. Alfred Taban, et le rédacteur en chef ont été les premiers à être interpellés par les agents de la sécurité, avec l’accusation de «crimes contre l’Etat». Le 7 juillet 2002, le secrétaire du NC pour les affaires politiques, El Sharif Ahamed Mohamed, disait que «le Congrès national au pouvoir, maintiendra toujours sa position que le Soudan doit rester un seul pays avec une seule Constitution». Il commentait la proposition faite par le SPLA aux pourparlers de paix à Nairobi, suggérant que le Soudan soit gouverné par deux systèmes différents, un dans le Sud et l’autre dans le Nord. Selon lui, le Sud pourrait avoir un statut spécial dans un Soudan uni, non seulement dans sa forme de gouvernement, mais aussi pour les finances et le développement.

Cependant, ce qui préoccupe ceux qui vivent dans le Sud, c’est que «un Soudan uni signifie que la controversée charia sera imposée aux musulmans et aux non musulmans». Avec le pétrole, le régime islamique a accumulé assez d’argent pour acheter des avions de chasse et écraser toute opposition. Des décennies de guerre ont affaibli le Sud, qui a donc raison de se préoccuper de ce qui adviendra dans l’avenir.

Le protocole de Machakos

Le protocole de Machakos, signé le 20 juillet dans cette ville, veut inaugurer une ère de paix au Soudan, mais il a suscité une vague de débats houleux à Khartoum. Certains approuvent et soutiennent pleinement ce protocole, d’autres le condamnent. Gazi Suleiman (du Nord), un avocat et militant des droits de l’homme, affirme: «Je suis pour la paix dans un nouveau Soudan, mais je suis contre le protocole, parce que celui-ci pourrait conduire à une sécession du Sud. Notre programme au contraire, vise un Soudan uni dans la diversité». D’autre part, Makluac Teng Youk (du Sud), ministre des Relations fédérales, applaudit à ce protocole: «Les Soudanais du Sud souffrent et ont besoin de paix. Malgré nos différences, nous devons soutenir l’accord de Machakos, qui complète l’accord de paix de Khartoum signé en 1997. Il importe peu qui apporte la paix; ce qui est important, c’est la paix elle-même».


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