ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 441 - 01/10/2002

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Congo-RDC
Fosses communes à Kisangani


GUERRE CIVILE

Depuis 1997, Kisangani est devenue une ville à sensation, malheureusement tragique.

En mars 1997, on a connu l’avènement de Laurent Désiré Kabila, avec son AFDL (Alliance des forces démocratiques de libération) et ses “kadogo” qui mirent en déroute, contre toute attente, le pouvoir de l’intraitable Mobutu. En août 1998, c’est au tour du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie) de chasser Kabila. En 1999, le prof. Ernest Wamba dia Wamba, président déchu du RCD/Goma, se replie sur Kisangani. Son repli est ponctué, en 1999 et 2000, d’une série d’affrontements entre l’Ouganda et le Rwanda, qui se battent à Kisangani, soutenus timidement de part et d’autre par des soldats congolais, et cela malgré la présence des observateurs militaires envoyés par le Conseil de sécurité de l’ONU. En 2001, la ville semble pouvoir respirer un peu avec la venue des casques bleus.

Mai 2002 a connu la tragique “mutinerie” des policiers et des militaires du RCD, suivie d’arrestations arbitraires, de massacres à large échelle et d’exécutions sommaires et extrajudiciaires. Les corps des victimes furent jetés dans la rivière Tshopo ou enterrés dans des fosses communes à l’aéroport de Bangboka.

Mais le 12 et le 18 août 2002, un événement sensationnel a défrayé la chronique: la découverte d’ossements humains près du camp du contigent marocain des casques bleus, implanté dans l’ancienne résidence des gouverneurs de la province orientale, le long du fleuve Congo. Les soldats onusiens ont fait cette macabre découverte en creusant des fondations pour le mur de leur camp.

A première vue, rien ne permet de déterminer à qui appartenaient ces ossements. On aurait remarqué seulement que quelques-uns présentent un profil effilé...

Les hypothèses

Alors, à qui pourrait-on les attribuer? Toutes les hypothèses sont bonnes, mais quatre paraissent plus probables que d’autres.

Première hypothèse - Ces ossements appartiendraient à des personnes de souche rwandaise, ou supposées telles, et tuées au début du mois d’août 1998, lorsque le gouvernement de Laurent Désiré Kabila demanda au gouverneur de résister contre toute agression des Rwandais et de leurs alliés congolais. Comme le gouverneur, à l’époque, habitait cette résidence au bord du fleuve, on peut penser que certains corps de personnes tuées ont été enterrés derrière cette résidence, loin de toute indiscrétion.

Deuxième hypothèse - Ces ossements proviennent de corps de soldats rwandais, enterrés par les Rwandais eux-mêmes, lors des différents affrontements entre 1999 et 2002. Les Rwandais sont en effet habitués à vite retirer les cadavres de leurs compagnons d’armes tombés au combat. Ceci, pour ne pas décourager les survivants, ou pour donner à l’ennemi l’impression d’être invincibles. Ils auraient alors enterré les corps des leurs dans la discrétion la plus totale.

Troisième hypothèse - Ces ossements appartiennent aux nombreuses personnes enlevées par des soldats congolais «kadogo», à l’arrivée de Kabila, et portées disparues.

Quatrième hypothèse - Ils appartiennent à des gens enlevés par des soldats rwandais à partir d’août 1998. L’opinion populaire à l’époque parlait même de quelques cas de cannibalisme.

Combien de fosses communes?

Il est clair que, au-delà de toute hypothèse, seuls les experts en la matière pourront déterminer avec exactitude la période de la mort, et remonter peut-être ainsi aux personnes à qui appartiennent ces squelettes.

Mais ces ossements retrouvés relancent le débat sur toutes les fosses communes existant à Kisangani. On en trouve derrière l’hopital général, ainsi qu’au bout de la piste de l’aéroport de Simisimi et de celui de Bangboka, dont les alentours seraient minés par les soldats du RCD après les massacres des 14 et 15 mai 2002.

Si les experts pouvaient étendre leur recherche à toutes ces fosses communes dissiminées dans la ville de Kisangani, ils pourraient éclairer les tragiques réalités. (Et dans ce cas, pourquoi ne pas aller plus loin: les fosses des femmes enterrrées vivantes à Makobola (Sud-Kivu), celles des corps enterrés à Mudzipela et à la résidence du gouverneur à Bunia, en Ituri...?)

Parler de fosses communes revient à parler de mort d’hommes, de mort provoquée avec violence par d’autres hommes... Cette violence semble s’être intégrée dans les habitudes des Congolais pendant toutes ces rébellions: de l’AFDL de Kabila au RCD de Bizima Karaha et d’Ondekane, en passant par le MLC (Mouvement de libération du Conco) de Bemba, le RCD/K-ML (RDC/Kisangani-Mouvement de libération) de Wamba et de Mbusa, et le RCD-National de Roger Lumbala... Même la rébellion des mulelistes n’avait pas atteint une telle ampleur de violence!

Les Congolais ont reculé de plusieurs siècles. Nos ancêtres, au moins, se battaient à l’arme blanche, et étaient sur pied de guerre pour sécuriser leur communauté. Aujourd’hui, ceux qui orchestrent de telles violences sont les hommes politiques de haut rang, sur qui compte la Nation congolaise tout entière!

  • Cats-Ta, Congo RDC, septembre 2002 — © Reproduction autorisée en citant la source

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