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Ghana |
JUSTICE
Contestations autour du système judiciaire dit de procédure accélérée, dont le but est de raccourcir la durée des jugements
Le 28 février 2002, la Cour suprême a jugé inconstitutionnels (par 5 voix contre 4) les tribunaux à procédure accélérée (“Fast-Track Courts, FTC), instaurés l’an dernier. Ce jugement a surpris bon nombre de Ghanéens et, bien que les 9 juges n’aient pas encore explicité leurs raisons, il pourrait avoir de multiples rebondissements.
A ce stade, on en était à se demander s’il avait un effet rétroactif sur les sentences précédentes du FTC. Si ces tribunaux sont inconstitutionnels, comme le prétend la Cour suprême, il s’ensuivra que toute sentence promulguée par les FTC pourrait être déclarée nulle et non avenue.
Certains procès retentissants devraient même être révisés. Comme celui de l’ancien ministre des Sports, Mallan Yusuf Issa, reconnu coupable d’avoir fait perdre au gouvernement une somme de $46.000. Ou comme celui de Victor Selormey, ancien ministre adjoint des Finances, condamné à huit ans de prison pour un payement frauduleux de $1,29 million dans un programme d’informatisation des tribunaux. D’autres procès en cours, comme celui d’un ancien ministre au gouvernement du Congrès démocratique national (NDC), de Jerry Rawlings, devraient également être mis au rancart.
Contestations réciproques
La décision de la Cour suprême fait suite à une assignation en justice déposée par Tsatsu Tsikata, ancien directeur de la Corporation nationale pétrolière du Ghana (GNPC), mettant en cause la légalité des FTC. Accusé d’avoir fait perdre à l’Etat une grosse somme d’argent, Tsatsu demanda une interprétation de cette juridiction et, subséquemment, déposa une requête pour que le FTC cesse de le poursuivre en justice. Le procès, qui avait d’abord débuté dans un tribunal ordinaire d’Accra, fut retiré de ce tribunal par le bureau du procureur général et confié au FTC. Outré par ce changement, l’ancien patron du GNPC, un proche de Rawlings, affirma que les FTC étaient contraires à la Constitution. Affirmation bien sûr contestée par le procureur général.
Le fond du problème était de savoir si le président de la Cour suprême a, oui ou non, le pouvoir d’instituer de nouveaux tribunaux. Selon le procureur général, si le président de la Cour suprême transforme un tribunal de haute instance en tribunal à procédure accélérée, ce dernier est compétent et parfaitement constitutionnel.
L’avocat de Tsikata, prof. Emmanuel Dankwa, au contraire, soutenait que la Constitution ne reconnaît pas les FTC. Selon lui, d’après l’article 126,1 de la Constitution de 1992, le système judiciaire se compose des cours de justice qui comprennent la Cour suprême, la cour d’appel et les tribunaux de première instance ou tribunaux régionaux. De plus, des cours et des tribunaux territoriaux peuvent être légalement établis par le Parlement. Mais, ajoute Dankwa, «nulle part dans la Constitution on ne trouve la possibilité d’établir de tribunaux à procédure accélérée, et le Parlement n’a jamais usé de son pouvoir (selon l’art. 126,1,b) pour constituer un tribunal à procédure accélérée». Se basant sur cet argument, Dankwa concluait que le FTC n’a pas la compétence de juger son client.
A cela, M. Nana Akufo-Addo, procureur général et ministre de la Justice, réplique que la section 69 de la loi sur les tribunaux, donne au président de la Cour suprême le droit de créer des tribunaux et de déterminer la façon dont les tribunaux doivent mener leurs procès. Et cela vaut aussi pour les FTC, puisque le président de la Cour suprême les a institués pour permettre des jugements plus rapides, comme stipulé dans la Constitution. Le président de la Cour suprême, ajoute M. Nana Akufo, a institué les FTC en accord avec des magistrats autorisés, et il n’y a là aucun problème constitutionnel. Le nom FTC n’est qu’une façon de décrire le tribunal.
Le ministre de la Justice a déclaré qu’il voulait faire réviser la décision du 28 février, car le problème appartient à l’administration judiciaire et non pas au législatif. Sidéré toutefois par le jugement de la Cour suprême, Nana Akufo-Addo a annoncé que l’action en justice contre Tsikata serait déposée immédiatement devant un tribunal de première instance traditionnel.
Les FTC
Les FTC s’occupent normalement de procès concernant des investisseurs et des investissements, des banques, des contestations commerciales et industrielles bien précises, des requêtes à propos d’élections et de droits de l’homme, d’ordonnances rendues par un tribunal supérieur, et s’il s’agit des revenus de l’Etat (pour des sommes importantes, lors de procès intentés par ou contre les douanes, ou par les inspecteurs des contributions et du commerce intérieur et d’autres agences ou départements gouvernementaux).
Des sources judiciaires laissent entendre que le concept du FTC avait été bien accueilli parmi les parties plaidantes. Bon nombre d’entre elles ont demandé que leurs procès soient transférés aux FTC pour une procédure plus rapide. En effet, la particularité des FTC vient du fait que ces tribunaux ont été institués comme un remède aux retards dans l’administration de la justice. C’est pour cela que ces tribunaux ont eu recours à des pratiques de gestion moderne et ont cherché à introduire des mécanismes administratifs qui accélèrent la procédure, surtout avec des équipements d’enregistrement et de transcription qui épargnent aux juges le procès-verbal par écrit.
La création des FTC a fourni un heureux répit. Tous ceux qui ont dû faire les cent pas dans les corridors des tribunaux du Ghana, peuvent témoigner des délais inhérents au système habituel et des nombreux cas d’ajournements que connaisent les tribunaux.
Le 20 mars, les neuf juges ont enfin publié les raisons de leur verdict, que les Ghanéens attendaient avec beaucoup d’intérêt. Le thème central de leurs raisons pour déclarer les FTC inconstitutionnels est le fait que ceux-ci opèrent selon des règles différentes de celles suivies par les tribunaux de première instance traditionnels.
26 juin 2002
Ces péripéties autour du FTC ont eu des rebondissements intéressants et les méandres des argumentations se sont terminés le 26 juin. Le gouvernement a gagné son procès à la Cour suprême, après avoir demandé une révision de la décision précédente.
Rappelez-vous: cette décision avait été prise par neuf juges. Or, ce jour-là, il y avait dix juges à la Cour suprême. Mais, d’habitude, les juges qui s’occupent d’un cas particulier siègent en nombre impair. Alors le gouvernement a nommé un autre juge, portant ainsi leur nombre à onze, ce qui a donné un résultat de 6 contre 5, comme voulait le gouvernement — une décision majoritaire rétablissant les FTC.
L’opposition a crié au scandale, disant que cette décision de la Cour suprême de restaurer les FTC est une preuve manifeste de la manipulation du système judiciaire pour des fins politiques. Elle a même mis en garde contre de graves dangers que cette décision laisse présager pour la démocratie...
Comme d’habitude, les opinions divergent pour savoir si le gouvernement a pris la bonne décision. Le débat fait toujours rage. Mais entre-temps, les FTC sont de nouveau opérationnels et les procès qui avaient été suspendus ont repris. Le danger qui menaçait a été écarté et, depuis juillet, les FTC siègent de nouveau.