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ENFANTS
La malnutrition touche plus d’un enfant sur cinq au Cameroun. Les conséquences sont importantes, tant sur le plan de la survie que du développement des capacités intellectuelles et physiques de l’enfant
Les résultats de trois enquêtes réalisées au Cameroun en 1991, 1998 et mars 2002, indiquent que l’état nutritionnel des enfants de moins de trois ans s’est aggravé, et ceci quel que soit l’indice anthropométrique utilisé (rapport poids et taille, taille et âge, poids et âge).
La situation spécifique du Cameroun s’inscrit dans une tendance à l’aggravation de la situation nutritionnelle en Afrique en général, à la fin de la décennie 90. Elle va à l’encontre des espoirs nés de l’engagement pris lors du Sommet mondial pour l’enfance, tenu à New York le 30 septembre 1990, de réduire de moitié la malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans. En effet, si l’on prend comme base de calcul le taux d’insuffisance pondérale — c’est-à-dire le pourcentage des nouveau-nés dont le poids est inférieur à 2.500 gr., au Cameroun, en 1991 — l’objectif pour notre pays était de réduire ce taux de 16% à 8% à l’horizon 2000. Or, au lieu de se réduire, l’écart s’est creusé, avec un taux estimé, en mars 2002, à 22% d’enfants de moins de 3 ans ayant une insuffisance pondérale modérée ou sévère.
Il existe des disparités régionales en matière de malnutrition. Elle est plus accentuée dans les provinces septentrionales, quel que soit l’indice utilisé. On peut également noter que la malnutrition est plus fréquente en zone rurale qu’en zone urbaine. Le pourcentage d’enfants souffrant d’un retard de croissance en zone urbaine est de 22,4%, alors qu’en zone rurale il est de 31,7%. Les grandes villes, notamment Yaoundé et Douala, enregistrent le taux le moins élevé: 14,8%.
Emaciation et retard de croissance
L’évolution du pourcentage d’enfants sous-alimentés en fonction de l’âge, confirme un phénomène commun aux pays en voie de développement.
Le taux d’enfants en retard de croissance modéré et sévère augmente de façon régulière à partir de la naissance, pour atteindre une valeur plateau (de l’ordre de 30% à 35%, dans le cas du Cameroun) à partir de 24 mois.
Le pourcentage d’enfants avec une émaciation modérée et sévère augmente rapidement à partir du 6e mois, pour atteindre une valeur maximale entre 12 et 23 mois.
La relation entre retard de croissance et émaciation révèle plusieurs aspects de la malnutrition. En général, la proportion d’enfants accusant un retard de croissance augmente pendant les deux premières années de vie, tout comme le pourcentage d’enfants souffrant d’émaciation.
Ensuite, l’émaciation reflète l’impact à court terme de variations dans l’apport alimentaire et de pertes de poids liées à des maladies infectieuses. Elle s’intensifie à partir de la tranche d’âge où l’on commence à introduire des aliments de complément. Qui plus est, l’effet cumulatif des épisodes d’émaciation engendre un retard de croissance.
Ces éléments illustrent à suffisance l’expansion de la malnutrition parmi les pauvres, et son aggravation pendant la décennie écoulée. L’enquête camerounaise de 2002 auprès des ménages (ECAM) a constaté des taux de malnutrition plus élevés dans les catégories “pauvres” et “intermédiaires”, que dans la catégorie “non pauvres”. Les familles pauvres n’ont pas les mêmes capacités de garantir une bonne alimentation pour leurs enfants. Elles n’ont ni les ressources ni la formation pour l’assurer.
ECAM 2002 met ainsi en exergue, un certain nombre de facteurs ayant un impact sur l’état nutritionnel des enfants de moins de 5 ans:
- la malnutrition maternelle: 8% des mères d’enfants de moins de 3 ans souffrent d’insuffisance pondérale;
- le niveau d’instruction de la mère: en 2001, 22% des enfants de moins de 3 ans dont les mères avaient atteint le niveau secondaire ou plus, accusaient un retard de croissance; tandis que parmi les mères qui n’avaient aucune instruction, ce taux atteignait 38%;
- un allaitement maternel exclusif insuffisant: seuls 4,8% des enfants âgés de 4 à 6 mois en bénéficient;
- le manque d’hygiène qui entraîne des maladies qui menacent la santé et la croissance de l’enfant.
«L’insalubrité, affirme le secrétaire d’Etat à la Santé publique, Alim Hayatou, perturbe la croissance même avant l’apparition d’une crise aiguë (…) car les enfants qui vivent dans l’insalubrité voient leur système immunitaire soumis à des attaques de faible intensité, mais presque constantes».
Les implications de la malnutrition
Le constat général que dressait le secrétaire d’Etat lors de la présentation, le 20 août 2002, du CD-Rom réalisé par son département sur la malnutrition au Cameroun, est amer. «Un pavé dans la mare dans un pays où l’on parle généralement d’autosuffisance alimentaire», a commenté un observateur.
Selon les experts du ministère de la Santé, l’insuffisance de poids observée chez beaucoup d’enfants augmente le risque de mortalité qui «double en cas de malnutrition légère et quintuple en cas de malnutrition modérée». En outre, on a constaté un lien entre le retard de croissance et les troubles du développement intellectuel de l’enfant, qui persistent en dépit de la scolarisation et diminuent la capacité d’apprentissage.
D’après Alim Hayatou, «l’insuffisance de taille chez les enfants donne à penser qu’il y aura des défaillances dans le développement physique et mental susceptibles d’empêcher les enfants de profiter pleinement des possibilités d’apprentissage à l’école. (...) Cela peut avoir des conséquences sur la réussite ultérieure des enfants dans la vie».
Il est de plus en plus admis que les facteurs qui affectent le développement intellectuel de l’enfant sont le retard de croissance, l’insuffisance de l’allaitement au sein, l’inadéquation des aliments donnés en complément ou en remplacement du lait maternel, et la fréquence des épisodes de diarrhée et d’infection respiratoire.
La malnutrition émousse la motivation et la curiosité et restreint les activités de jeu et d’exploration. D’où des implications sur le développement mental et cognitif, en réduisant les interactions des enfants avec leur environnement et les personnes qui s’occupent d’eux.
Enfin, le retard de croissance est associé à une diminution de la capacité de travail chez les adultes et à une augmentation du risque de contracter des maladies dégénératives à l’âge adulte. Les conséquences économiques et budgétaires sont coûteuses. Non seulement la capacité de l’adulte est amoindrie, mais le recours plus fréquent aux services de santé constitue un fardeau qui aurait pu être évité.
“Vulgariser les micro-nutriments”
Les avancées actuelles sur le plan scientifique ont mis en évidence le rôle des micro-nutriments, tels que les minéraux et vitamines, dans la protection des infections. «Il faut vulgariser les micro-nutriments qui apportent un supplément de vitamines aux enfants et réduisent la mortalité infantile; une incidence comparable, voire supérieure à n’importe quelle vaccination contre une maladie infantile», a souligné le secrétaire d’Etat. D’où la recommandation, lors des Journées nationales de vaccination dans les provinces de l’Extrême Nord, du Nord et de l’Adamaoua, d’administrer systématiquement des compléments de vitamine A aux enfants âgés de 1 à 5 ans.
Depuis 1992, le Cameroun mène une campagne pour adapter sa législation et n’importer que du sel iodé. «Nous sommes satisfaits, a affirmé Alim Hayatou, d’avoir atteint l’objectif fixé lors du Sommet mondial pour l’enfance, celui d’éliminer les troubles liés aux carences en iode. (...) Alors que la situation nutritionnelle des enfants est aujourd’hui mise à jour, nous pistons des voies et moyens qui pourront permettre à la société camerounaise une meilleure prise en compte de ce problème». Parmi ces “voies et moyens”, on évoque:
- le droit qu’a chaque enfant d’avoir un bon état nutritionnel;
- la nécessité d’équilibrer et de varier les approches en fonction de l’appréciation des causes de la malnutrition;
- la promotion de l’allaitement maternel exclusif pendant 6 mois;
- l’encouragement de l’application du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel;
- la promotion de la scolarisation des filles et la réduction des disparités filles-garçons.
«Améliorer l’état nutritionnel des enfants est une obligation morale pour la société, au regard de la Convention sur les droits de l’enfant», a reconnu le secrétaire d’Etat. Une option claire pour cette nouvelle politique du Cameroun.