ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 443 - 01/11/2002

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Cameroun
La CIJ a tranché...


RELATIONS INTERNATIONALES


Au terme d’une procédure de huit ans, la Cour internationale de justice de la Haye reconnaît la souveraineté camerounaise sur la presqu’île de Bakassi, préserve les intérêts de la Guinée équatoriale et rejette la demande en réparation formulée par le Cameroun.

Le Cour international de justice de la Haye (CIJ) s’est prononcée le 10 octobre 2002 sur le différend frontalier opposant la République fédérale du Nigeria au Cameroun, avec comme intervenant la Guinée équatoriale. En substance, la Cour a décidé que par application de la convention anglo-allemande du 11 mars 1913, la souveraineté sur la zone frontalière Bakassi est camerounaise. De même, la Cour a fixé la frontière dans la région du lac Tchad conformément à l’échange de notes franco-britaniques Henderson-Fleuriau du 9 janvier 1931, et a rejeté les prétentions du Nigeria sur la zone camerounaise de Darak et des villages environnants. La Cour internationale réhabilite ainsi le tracé frontalier des puissances coloniales, la Grande-Bretagne pour le Nigeria, l’Allemagne puis la France pour le Cameroun.

Cet arrêt sans appel rejette pour l’essentiel les prétentions du Nigeria sur quelques parties du territoire camerounais de Bakassi et dans la région du lac Tchad. Le Nigeria, géant voisin (118,4 millions d’habitants en 1997), affirmait déjà sa souveraineté sur la zone litigieuse par le biais de la collecte d’impôts. Il a tiré argument de ce fait pour demander que sa souveraineté y soit reconnue. Mais M. Gilbert Guillaume, président de la CIJ, explique: «La Cour rejette la théorie de la consolidation historique avancée par le Nigeria et refuse de prendre en considération les effectivités invoquées par lui. Elle a jugé qu’en l’absence d’acquiescement du Cameroun, ces effectivités ne pouvaient l’emporter sur des titres conventionnels». En d’autres termes, la CIJ recommande au Nigeria de retirer, «dans les plus brefs délais et sans conditions, son administration, ses forces armées et sa police de la presqu’île de Bakassi». C’est le résultat final d’une procédure coûteuse de huit ans, à laquelle s’est invitée la Guinée équatoriale en demandant à la Cour de l’autoriser à intervenir officiellement pour préserver ses intérêts à la frontière maritime avec le Nigeria et le Cameroun.

La procédure

Le prologue de cette affaire remonte à 1994, quand la République fédérale du Nigeria décide d’occuper militairement la péninsule de Bakassi, que des rumeurs persistantes disent riche en pétrole. La réaction du Cameroun ne s’est pas faite attendre, mais l’option juridique l’emporte sur l’hypothèse d’un affrontement ouvert sur le terrain. Le 29 mars 1994, le Cameroun dépose sa requête introductive d’instance contre le Nigeria, demandant à la Cour de reconnaître sa souveraineté sur la presqu’île de Bakassi. Une requête additionnelle est déposée le 6 juin 1994, réclamant à la CIJ de délimiter les frontières terrestre et maritime entre les deux pays. Le Cameroun demande en outre à la Cour de condamner le Nigeria à payer une réparation pour dommages subis par le fait de l’occupation de son territoire par les troupes militaires nigérianes.

Le 16 juin 1994, la CIJ prend une ordonnance qui fixe au 16 mars 1995 la date butoir pour le dépôt du mémoire du Cameroun, et au 18 décembre 1995 pour le Nigeria. A quelques mois après cette échéance, le 13 décembre 1995, le Nigeria, en lieu et place du contre-mémoire, soulève des exceptions préliminaires à la compétence de la CIJ et à la requête du Cameroun. La procédure connaît alors une suspension. Il est recommandé au Cameroun de produire, au plus tard le 15 mai 1996, un exposé contenant ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires du Nigeria.

Pendant ce temps, la tension monte sur le terrain. Lors d’incidents graves, les deux pays comptent des dizaines de morts, et des militaires sont pris en otage. Un échange de prisonniers aura lieu sous les auspices du Comité international de la Croix-Rouge. Le 15 mars 1996, la Cour demande aux deux parties d’éviter «tout acte, en particulier de leurs forces armées, qui risquerait de porter atteinte aux droits de l’autre partie au regard de tout arrêt que la Cour pourrait rendre en l’affaire ou qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend porté devant elle».

La Cour internationale réagira à nouveau le 11 juin 1998, avec un arrêt qui rejette sept des huit exceptions soulevées par le Nigeria, et où elle affirme sa compétence. La huitième exception devra être étudiée lors d’un examen de fond du différend. Le Nigeria demande alors une interprétation dudit arrêt, mais cette demande est jugée irrecevable le 25 mars 1999.

Inquiétée par quelques allusions, la Guinée équatoriale dépose aux greffes de la CIJ, le 30 juin 1999, une requête en intervention dans le conflit frontalier. Elle assure vouloir protéger ses droits dans le golfe de Guinée par la voie juridique. Le 21 octobre de la même année, la CIJ autorise la Guinée équatoriale à intervenir et celle-ci y dépose une déclaration.

Le verdict

La longue procédure connaît une tournure décisive avec l’ouverture des plaidoiries à la Haye le 18 février 2002. Elles prendront un mois, laissant à la Cour le temps d’un retrait pour son délibéré. Et le 10 octobre 2002, la Cour prononce son verdict. Elle reconnaît la souveraineté du Cameroun sur la presqu’île de Bakassi, délimite les frontières terrestre et maritime entre les deux pays, préserve les intérêts de la Guinée équatoriale et rejette la demande en réparation formulée par le Cameroun. Selon Radio France Internationale, les autorités du Nigeria auraient déclaré, le même jour, reconnaître et se soumettre au verdict de l’instance juridique de la Haye.

A Yaoundé, la nouvelle est accueillie sans triomphalisme. Un communiqué de Jacques Fame Ndongo, ministre de la Communication, précise que le gouvernement camerounais renouvelle son engagement à respecter l’arrêt, «conformément à la politique de bon voisinage et de règlement pacifique des différends prônée par le président de la République». Par ailleurs, le communiqué de Yaoundé réitère la ferme volonté des autorités de consolider et d’intensifier les relations de coopération et de bon voisinage qui existent entre les deux pays.

  • François-Xavier Eya, Cameroun, octobre 2002 — © Reproduction autorisée en citant la source

Ndlr - Le 24 octobre, le Nigeria a communiqué à l’ONU sa décision de rejeter le verdict de la CIJ accordant au Cameroun la souveraineté sur la péninsule de Bakassi.    (ANB-BIA, Bruxelles, 25 octobre 2002)


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