CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS
Zambie |
ECONOMIE
Une industrie qui s’étouffe, un chômage extrême, une pauvreté jamais connue, une production de surface, les revenus des mines en baisse... Le président Lévy Mwanawasa pourra-t-il remédier à cette situation?
Alors que la poussière des élections présidentielles controversées du 27 décembre 2001 obscurcit encore l’atmosphère locale, le nouveau président doit faire face au défi le plus grave: l’économie. Voilà dix ans que la Zambie applique le Programme d’ajustement structurel (PAS) du FMI et de la Banque mondiale. Depuis lors, son économie va tout droit à la faillite.
Les statistiques se passent de tout commentaire. Le PNB s’est accru, pendant ces neuf dernières années, d’une moyenne dérisoire de 2% par an, compte tenu du taux annuel de 3,5% de la croissance de la population. Pendant ce temps, l’industrie nationale boitille: la production est inférieure à 30%, alors que les exportations ont diminué considérablement. Ce qui démontre la faible compétitivité des producteurs locaux.
Selon Peter Armont, président de l’Association zambienne des Chambres de commerce et de l’industrie, la montée en flèche des prix de l’électricité, du transport et du fioul aggrave les difficultés de l’industrie. Les hauts taux d’intérêts des banques (d’une moyenne de 50%) et une inflation à deux chiffres font monter les frais de production, les plus élevés de la sous-région.
Ainsi, d’après une étude faite par l’Union nationale des fermiers de la Zambie, le transport coûte au producteur local $0,10 par tonne et par kilomètre, alors qu’en Afrique du Sud ce prix est de $0,02. En Zambie, le diesel à la pompe est presque trois fois plus cher qu’en Afrique du Sud. Pour beaucoup de Zambiens ordinaires, la vie est devenue impossible. Le revenu par tête est tombé à moins de $200, alors qu’en 1991 il était encore à $500.
Des promesses
Pour renverser cette tendance, le président Mwanawasa se trouve devant le défi de créer de nouveaux emplois, de combattre la pauvreté, d’inspirer confiance aux investisseurs et d’élever la production. Sa performance dépendra, en partie, des capacités de ses ministres, notamment le ministre des Finances, Emmanuel Kasonde, qui doit gérer la politique économique du gouvernement et promouvoir l’agriculture et l’industrie.
Mais on ignore encore tout de l’agenda économique de Mwanawasa, ce qui se comprend après une campagne électorale qui s’est concentrée non pas sur des problèmes mais sur des personnalités. Il semble être prêt toutefois à s’écarter, quoique modestement, de l’orthodoxie économique malencontreuse du Mouvement pour une démocratie multipartite (MMD).
Pour créer de nouveaux emplois et assurer l’alimentation, il promet des subsides, surtout à l’agriculture, bien que dans le passé le parti renâclait à ce genre de mesures. Il a promis aussi de pousser le secteur industriel.
Mwanawasa pourra-t-il tenir parole?
Beaucoup sont sceptiques. Car, disent-ils, réchauffer des vieilles politiques ne mène à rien; il faut un tout nouveau programme pour ressusciter l’économie. «Nous devons recommencer à zéro, pour bâtir un nouveau pays», dit le candidat présidentiel perdant, Yobert Shamapande, économiste du développement. «Notre économie est morte».
L’ancien président Frederick Chiluba maintient que les mesures d’austérité adoptées par le MMD étaient bonnes, car le PAS était la seule alternative: «Les réformes ont produit des résultats, il n’y avait pas d’autre alternative». Il affirme que la Zambie a réalisé le plus spectaculaire des programmes de privatisation en Afrique, surtout en menant à bien la vente des mines du pays.
Mais Venkatesh Seshamani, professeur de sciences économiques à l’université de Zambie, affirme que le PAS a fait plus de mal que de bien. Les statistiques en témoignent. L’espérance de vie, estimée à 54 ans en 1990, est tombée à 35 en 2000. Le travail régulier a chuté, suite aux licenciements et à l’effondrement de certaines entreprises privatisées. On estime à plus de 60.000 les emplois perdus depuis 1992. Selon la Banque nationale, la réserve de devises étrangères est tombée à $185,8 millions en novembre dernier, alors qu’elle était le double en 1989. «Si la Zambie avait été une entreprise, il y a des années qu’elle aurait fermé ses portes. Maintenant, c’est un pays en faillite», dit Seshamani.
Ce n’est pas seulement la pauvreté abjecte qu’il trouve consternante, mais surtout la façon dont les réformes ont été appliquées: «La cadence et l’ordre ont été mal choisis. Avoir voulu mener de pair la stabilisation et la libéralisation a été une catastrophe.»
Cette sombre évaluation contredit carrément les perspectives de renouveau auxquelles se cramponnait en 1991 le gouvernement MMD qui, à ce moment-là, avait le vent en poupe aux dépens du régime de l’ancien parti de l’Union pour l’indépendance nationale (UNIP).
Présages inquiétants
Mwanawasa, un avocat de 53 ans converti à la politique, est parvenu à la présidence, mais l’économie du pays ne lui rendra pas ce poste confortable. Déjà les présages sont inquiétants.
Pour survivre économiquement, la Zambie dépend fortement de ses mines de cuivre. La production s’est améliorée depuis qu’elles ont été privatisées, mais les prix internationaux en baisse ont forcé certaines grandes firmes du pays à réduire leurs programmes d’expansion. Anglo-American Corporation a déjà retiré ses investissements majoritaires dans les Konkola Copper Mines (KCM), une société à partenariat qui exploite trois mines en Zambie. Celle de Nchanga, la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert produit à elle seule près de la moitié du cuivre zambien. C’est le résultat des prix trop bas du cuivre, ajoutés à des difficultés opérationnelles.
Anglo s’étant retiré, beaucoup craignent que la KCM ne ferme aussi bientôt ses portes: plus de 11.000 travailleurs de la firme se trouveraient ainsi sans emploi, tout comme plusieurs milliers travaillant indirectement pour elle.
Un climat politique explosif, suite aux massives protestations de l’opposition contre la victoire électorale de Mwanawasa, et la ligne de conduite anti-occidentale adoptée par le nouveau président, pourraient susciter des craintes pour la sécurité. Ce qui pourrait à son tour provoquer l’exode des capitaux et l’annulation des investissements étrangers.
On craint aussi que la situation financière précaire de la Zambie n’empire si — ce qui est probable — les donneurs de fonds (surtout l’Union européenne) mettent fin aux dons qui l’aident à s’acquitter de sa balance de paiement. Ils on en effet émis pas mal de réserves vis-à-vis des résultats des élections.
Le gouvernement semble vouloir mettre en œuvre plusieurs réformes pour redresser son économie et combattre la corruption. Le 1er mars, dans son budget pour 2002, il a annonçé les principaux objectifs à atteindre: un réel accroissement du PNB; une diminution de l’inflation annuelle; un déficit budgétaire limité; un accroissement des réserves des devises étrangères. —Cette approche calmera-t-elle les bailleurs de fonds? Il ne reste plus qu’à attendre.
Les Zambiens observent leur nouveau président pour voir s’il sera capable d’assainir cette économie bien malade.