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Congo-Brazza |
GUERRE CIVILE
La solution se trouve dans le dialogue franc et sincère
Calme, tenace, stratège… L’image de force tranquille de Sassou Nguesso, jadis respecté, surtout pendant l’ère du monopartisme, bat de l’aile. Pas seulement pour l’échec de son candidat, l’ambassadeur et écrivain Henri Lopès, au poste de secrétaire de la Francophonie dont le sommet s’est tenu à Beyrouth en octobre. Mais pour la guerre du Pool, au sud du Congo. Une guerre qui occasionne de très nombreuses violations des droits de l’homme.
Depuis fin septembre, des combats entre forces gouvernementales et rebelles ninjas dirigés par le pasteur Ntoumi ont redoublé d’intensité. Certains affrontements se déroulent non loin de Brazzaville, comme l’attaque récente des Ninjas à Nganga-Lingolo et à Madibou, à 17 km au sud de la capitale. Bilan: 6 morts, deux postes de police incendiés et d’importants dégâts matériels. On assiste depuis quelques jours à un nouvel exode des populations qui fuient les combats pour trouver refuge à Brazzaville.
L’armée, aidée par les troupes angolaises, ne maîtrise finalement rien. Et, pour venir à bout des rebelles, elle fait usage d’armes lourdes et d’hélicoptères de combat pilotés par des Ukrainiens, selon certaines sources. Il semble que les Ninjas seraient passés à une offensive éparse, employant des techniques de guérilla. Leurs cibles de prédilection: les villages où les populations tentaient de se réinstaller, les camions de transport qui ravitaillent la capitale en denrées agricoles, et les trains convoyés par les militaires. Ils brutalisent les populations, sèment la psychose et harcèlent l’armée gouvernementale.
Des informations concordantes rapportent que les combats ont quitté l’axe du chemin de fer pour attaquer celui de Boko, à 200 km de Brazzaville, où la situation était calme jusque-là. Militaires et rebelles brillent les uns et les autres par des actions d’une rare barbarie.
Pourquoi?
Les Ninjas avancent deux raisons à leurs offensives.
Pour les uns, leurs attaques sont une réponse au président Sassou Nguesso qui, lors de sa visite à Paris, en septembre, a déclaré qu’il y avait la paix au Congo. «Nous avons fait une trêve croyant qu’après son élection, que nous n’avons d’ailleurs pas voulu troubler, le président reviendrait à de meilleurs sentiments à notre égard. Cela a été le contraire. A présent, c’est terminé. Il ne peut y avoir de paix pour les uns et de guerre pour les autres», racontait un commandant ninja aux populations.
D’autres déclarent en avoir marre de vivre dans la forêt. «Six ans, c’est trop. Nous voulons sortir. Mais les militaires nous empêchent de vivre, dans la forêt comme dans la ville. Maintenant, cassons ce pays, puisque c’est le vœu de tous», disent-ils.
Cependant, la plus grande exigence des rebelles est plutôt politique. Ils affirment que «l’heure de la négociation est passée. Maintenant, nous exigeons une amnistie générale. Il ne doit plus y avoir d’exilés, ni au Congo ni à l’étranger. Nous voulons le dialogue entre les hommes politiques».
Complicités?
L’attitude des maquisards ninjas est un coup terrible pour Sassou Nguesso, élu avec près de 90% des voix le 10 mars 2002. C’est l’épreuve la plus difficile de son pouvoir, qui reste sur le pied de guerre depuis son retour par les armes en octobre 1997, après avoir renversé le président Pascal Lissouba. Paie-t-il le prix de son intransigeance? Beaucoup de Congolais le pensent. Son refus catégorique de dialoguer avec les leaders en exil, Bernard Kolélas, Pascal Lissouba, Yombi Ophango…, est une épine dans le pied du régime de Brazzaville.
Une opinion répandue dans la capitale affirme, et ce depuis la reprise de la violence en 1998, que les Ninjas bénéficient d’éventuelles complicités dans certains milieux politiques et militaires, proches du pouvoir. Ces complices auraient intérêt à soutenir discrètement le conflit dans le Pool. Fomenteraient-ils un coup d’Etat? Effectivement, plusieurs témoins rapportent que les rebelles ont des armes toutes neuves et portent les mêmes uniformes que les forces armées congolaises. Ce qui sème d’ailleurs la confusion dans les rangs de l’armée quand celle-ci lance des offensives contre les rebelles. Qui leur en fournit?
Il y a quelque temps, l’armée annonçait que les rebelles étaient encerclés, que la prise de leur chef Ntoumi n’était qu’une question d’heures. Tout cela n’était que de la propagande de guerre. Car les mêmes rebelles, le 14 juin, ont fait une incursion à Brazzaville sur des objectifs militaires à l’aéroport, d’où décollaient les hélicoptères pour aller bombarder dans le Pool.
Les populations innocentes payent très cher cette guerre qui s’éternise. Elles en voient de toutes les couleurs: exactions, racketts, pillages, viols, braquages… perpétrés par les militaires mal ou guère payés. Femmes, enfants, personnes âgées errent dans les forêts sans assistance.
Un prêtre catholique, le père Guth, en a fait les frais. Il a été enlevé fin mars par les Ninjas, entre les localités de Kindamba et Mayama, dans le Pool, alors qu’il était en tournée. Les Ninjas lui ont coupé un tendon. Dans la forêt, le père Jean Guth est resté sans assistance et soins. Ce franciscain de 72 ans est finalement mort en août, pour être enterré dans des conditions ignobles. Son corps, exhumé le 27 septembre et transporté à Brazzaville, grâce à l’aide des gendarmes français, a enfin eu droit à des funérailles honorables.
Pour André Milongo, actuel leader du Pool et de l’opposition à Brazzaville, «la crise actuelle n’est pas conjoncturelle, mais le condensé d’une crise structurelle profonde. Un prolongement de la crise fondamentale qui a conduit à la conférence nationale. C’est aussi le résultat inachevé de la transition (1991-92)». Selon lui, la solution pour régler la crise dans le Pool n’est pas à rechercher dans les combats sans merci, mais dans le dialogue franc et sincère, et dans le renoncement à la violence bestiale des insurgés et des forces loyalistes. Des pistes que Sassou et sa famille politique et militaire refusent. Leur choix: la force à tout prix.