ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 445 - 01/12/2002

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Madagascar
En attendant «le développement rapide»


PAIX

La partie la plus dure pour le nouveau régime est la relance de l’économie

La situation à Madagascar se rétablit sur le plan de l’institution de l’Etat. En fait, le président Marc Ravalomanana a procédé à des changements au sein de l’appareil de l’Etat, à la Haute Cour constitutionnelle et au Sénat, et tout récemment il a dissout l’Assemblée nationale élue en 1998. Apparemment le retour à la normale est constaté sur tout le territoire national.

Le nouveau pouvoir s’est penché alors sur la reconquête de la reconnaissance internationale. La participation du nouveau président malgache au Sommet de la terre à Johannesburg (début septembre 2002), à l’Assemblée générale des Nations unies à New-York (septembre 2002) et dernièrement au sommet de la Francophonie, au Liban, (18–20 octobre 2002) a confirmé cette reconnaissance.

Il reste encore le retour de la Grande-Ile au sein de l’Union africaine (UA), objet de discussion, le 29 octobre à Pretoria, lors d’un mini-sommet entre le Sud-Africain Thabo Mbeki, le Zambien Levy Mwanawasa, le Premier ministre mozambicain Pascal Mocumbi, et Marc Ravalomanana. A l’issue de cette rencontre, on a établi que la réintégration de Madagascar dans la grande famille africaine figurera dans l’ordre du jour de la conférence extraordinaire de l’UA en janvier 2003.

Bref, sur le plan diplomatique le nouveau régime a atteint son objectif. Toutes les relations bilatérales ont été rétablies: les partenaires de Madagascar ont continué ou repris leurs activités respectives, notamment la Banque mondiale, le FMI et l’Union européenne.

D’autre part, le président Ravalomanana a profité de l’application à la lettre de la Constitution malgache, retouchée par son prédécesseur Didier Ratsiraka, pour bien asseoir son pouvoir présidentiel. Il a changé des personnes dans tous les rouages de l’administration publique. Pratiquement à chaque conseil des ministres, on note des cascades de nouvelles nominations. Même au sein du gouvernement, il y a eu déjà deux changements en l’espace de deux mois. Le nouveau régime cherche la stabilité politique en choisissant des hommes «sûrs» pour le soutenir. Le président a cassé la nomination des 30 sénateurs nommés par son prédécesseur et nommé à son tour les 30 sénateurs du quota présidentiel prévu par la Constitution. Il en est de même pour trois conseillers sur neuf membres de la Haute Cour constitutionnelle.

Toutes ces personnes sont politiquement très proches du président ou ont déjà travaillé avec lui dans sa société. Le président a aussi l’ambition de fonder son propre parti politique: “TIM”. Il est même arrivé à se faire respecter par les forces armées, à l’exception des officiers extrémistes du camp de l’ancien président dont un certain nombre d’ailleurs est actuellement en prison.

La relance de l’économie

La partie la plus dure pour le nouveau régime est la relance de l’économie. Son slogan est “le développement rapide et durable”, dont on attend la concrétisation. Sur le terrain pourtant, cette relance de l’économie tarde à venir. Il y a eu plusieurs rencontres entre le président de la République, les ministres chargés de faire décoller l’économie et des représentants des bailleurs de fonds, ainsi qu’avec des opérateurs économiques.

En juillet à Paris, a eu lieu la rencontre du «Club des amis de Madagascar». Les fonds accordés dans le cadre des relations bilatérales ou multilatérales sont plus que nécessaires pour assurer la reprise dans tous les domaines.

A cause de la crise, 2002 est une année morte pour l’économie avec un taux de croissance de –10,7% et un taux d’inflation de 20%. Les blocages de la vie économique ont entraîné des impacts négatifs sur l’ensemble de la vie de la population: des milliers des gens ont perdu leur travail, des entreprises sont tombées en faillite et, par conséquent, la caisse de l’Etat souffre d’énormes manques à gagner en recettes fiscales. Le PIB enregistre une baisse de 10%.

Le secteur secondaire est le plus touché, avec une diminution de –19,7%, dont 22% pour les entreprises franches. Le secteur tertiaire est également accusé de –14,6%. En fait, la crise a surtout frappé les entreprises franches, les transports et le tourisme. On note une perte de 150.000 emplois, en grande partie dans les zones franches. Toutefois, bon nombre d’entreprises franches ont déjà repris leurs activités. De plus, Madagascar a bénéficié de l’initiative américaine «Agoa» (franchise de douanes aux Etats-Unis). «Gloria Vanderbilt», l’une des grandes entreprises de confection aux USA, vient de confirmer ses commandes d’une valeur d’environ 50 millions de dollars pour une année auprès de cinq entreprises franches. Ceci permettra de sauver 5.000 emplois.

Les financements

Un autre domaine important pour cette relance est la construction ou la réhabilitation des routes nationales: sur les 31.000 km de routes, 5.000 seulement sont bitumés. D’autres nécessitent un sérieux entretien. Si d’un côté le financement des travaux routiers dépend à plus de 90% des sources extérieures, de l’autre, la faible capacité des entreprises locales n’arrive à réaliser que 1.600 km de routes par an.

Toutefois, le gouvernement compte sur les 2,477 milliards de dollars promis par le «Club des amis de Madagascar». Selon des observateurs, si cette somme est débloquée et bien utilisée, la situation pourra être vite rétablie, d’autant plus que le nouveau régime bénéficie de la confiance des bailleurs de fonds. Mais à présent, seule la troisième tranche de CAS II (deuxième Crédit d’ajustement structurel) de 32,9 millions de dollars a été débloquée par la Banque mondiale pour que l’Etat puisse payer ses factures.

Face à cette situation critique, on se pose des questions sur les mesures de différentes détaxations prises récemment par le président. Après les matériaux de construction, le secteur des entreprises franches textiles vient de bénéficier aussi d’une détaxation sur les produits de mercerie et les outillages de confection. Le président compte ainsi résorber rapidement le chômage, mais en contrepartie cette mesure aggrave davantage les déficits de budget de l’Etat. De plus, le président a annoncé la prise en charge par l’Etat des droits d’entrée scolaire dans les écoles publiques et privées, et l’achat d’un avion présidentiel à 11 millions de dollars. Auparavant, toutes ces mesures étaient interdites par la Banque mondiale et le FMI, mais selon un quotidien sur place, les bailleurs de fonds se montreraient indulgents à l’égard du nouveau régime.

Toujours en matière de financement, la Banque mondiale a choisi la politique de continuité malgré la crise, mais cela a perturbé l’exécution de ses projets. Depuis des années, à Madagascar, on a constaté un faible taux d’exécution des différents projets financés par la banque. Ainsi, au lieu de 150 millions de dollars par an, le niveau de décaissement annuel se situe seulement à 50 millions de dollars, alors que 500 millions sont disponibles. La Banque mondiale a donc demandé une restructuration totale afin d’améliorer l’exécution des travaux.

Trois priorités ont été définies, selon le directeur de l’opération: apporter un soutien aux pauvres; faire redémarrer le secteur privé; et améliorer les services publics, surtout l’éducation et la santé. Par ailleurs, la banque a souligné l’absence de pérennité des projets une fois que les financements sont terminés.

La démocratie

Sur le plan purement politique, après la dissolution de l’Assemblée nationale le 16 octobre, on observe un manque flagrant de contre-pouvoir, pourtant un des garants de la démocratie. L’ancien président Zafy Albert, au sein du comité de la réconciliation nationale, ose critiquer ouvertement le pouvoir en place, surtout concernant les arrestations, plus ou moins arbitraires, à l’endroit des gens côtiers proches de l’ancien régime. Pour Zafy Albert, le régime de Marc Ravalomanana exercerait une forme d’exclusion ou une vengeance contre les côtiers.

Seul le parti Arema, fondé par Didier Ratsiraka, affiche une opposition, mais se trouve aujourd’hui bien mal parti d’autant plus que son secrétaire national, Pierrot Rajaonarivelo, est obligé de rester à Paris menacé de poursuites judiciaires, comme ses proches collaborateurs, une fois rentré au pays.

Tout récemment, les membres du bureau national ont dénoncé dans un communiqué de presse une manœuvre de déstabilisation du parti Arema dans le but de l’écarter aux élections législatives anticipées pour le 15 décembre prochain. En vue de ces élections, le nouveau parti TIM, fondé par Ravalomanana, espère rafler la majorité des sièges. Les autres partis politiques qui ont soutenu Marc Ravalomanana durant la «lutte populaire», voudraient faire un même bloc dans cette course pour assurer la majorité au niveau de la Chambre basse.

Concernant les «détenus de sécurité» ou prisonniers politiques, il n’y a pas de chiffre officiel avancé, mais on note parmi eux deux Premiers ministres de Didier Ratsiraka (le général Victor Ramahatra et Tantely Andrianarivo), des officiers militaires, des anciens ministres, des anciens gouverneurs des provinces autonomes et des barons de l’ancien régime. Le parti Arema, par l’intermédiaire de ses membres élus au Sénat, a demandé une amnistie générale pour toutes ces personnes incarcérées suite à la crise.

  • Ramasiarisolo M.C., Madagascar, novembre 2002 — © Reproduction autorisée en citant la source

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