ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 445 - 01/12/2002

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Kenya
La révision de la Constitution


POLITIQUE

Beaucoup se demandent pourquoi le président Moi
est si obstinément opposé à la Commission de révision de la Constitution...

Les observateurs sont intrigués par l’intransigeance et la défiance du président Arap Moi envers l’opinion générale qui, depuis longtemps, aspire à un changement de la Constitution. Il a déjà rejeté une ébauche d’une nouvelle Constitution et a même accusé le président de la commission, le professeur Yash Pal Ghai, de n’être qu’un «étranger».

Peu de temps avant de s’embarquer dans le processus de révision, certains commissaires avaient rendu une visite, jugée assez suspecte, au palais présidentiel, mettant ainsi en péril, selon les observateurs, l’indépendance du processus de réforme. Arap Moi, bien qu’apparemment peu intéressé à un changement de la loi suprême, avait promis pour «bientôt» une nouvelle Constitution.

Mais, dans son discours pour le nouvel an 1995, il fait volte-face et promet d’inviter des hommes de loi de réputation internationale pour rédiger un nouveau système constitutionnel. Ce qui déclenche un branle-bas d’activités dans les groupes politiques et civiques. En réalité, rien n’a bougé et on est allé aux élections de 1997 sous l’ancien système.

Un ensemble de réformes improvisées a bien été présenté par le Groupe parlementaire inter-partis et accepté par les différents partis, mais l’Union nationale africaine du Kenya (KANU, au pouvoir), la police et l’administration provinciale ont trahi à plusieurs reprises l’esprit de l’accord.

En fait, le président Moi s’est toujours opposé à une nouvelle Constitution. Selon les observateurs, il a joué alternativement le rôle d’animateur ou de gâcheur, selon que le processus favorisait ou menaçait ses chances politiques. Les critiques soutiennent que ses déclarations différentes et divergentes ne sont que de simples discours politiques. «Il n’a jamais dit clairement pourquoi il s’oppose à une nouvelle Constitution», affirme Mme Raychelle Omamo, présidente de la Société des juristes du Kenya, dans une interview au Sunday Nation.

Le dénominateur commun dans les arguments du président et de ses proches alliés, dont les ministres Julius Sunkuli et Willian Ruto, est que les propositions de la Commission ne reflètent pas ce que veulent les Kényans. Mais le président Moi a ajouté un nouvel aspect au débat quand il a traité le prof. Yash Pal Ghai d’«étranger», alors qu’il est prouvé que le professeur est né et a grandi au Kenya.

Les points de vue

Beaucoup s’interrogent sur l’attitude du président.

Mme Martha Koome, de la section kényane de la Fédération internationale des femmes avocates (FIDA), fait observer que tout le monde s’attendait à ce que Moi laisse derrière lui un nouvel ordre politique; mais, au contraire, le président se bat contre l’aspiration générale d’une nouvelle Constitution. Les détracteurs de la KANU voient des tendances parallèles entre la position intransigeante du président vis-à-vis de la réforme, et les luttes successives qui font rage et qui arriveront à leur apogée au début de janvier, quand son second et dernier mandat dans le multipartisme arrivera à terme. Selon le président du conseil d’administration des organisations non gouvernementales, M. Oduor Ong’wen, Moi n’a pas l’air de vouloir s’en aller: «Il a besoin de l’ancienne Constitution, lui conférant des pouvoirs élevés qui lui permettent de continuer à gouverner par fondé de pouvoir».

D’autres prétendent que le président devait se dépêcher pour saborder les efforts de la commission de réforme, de peur que la conférence constitutionnelle nationale envisagée ne se transforme en un référendum national, qui aurait plus de poids que la Constitution et le Parlement. Arap Moi aurait dit qu’il pourrait y avoir un vote de non-confiance contre son gouvernement. M. Gichira Kibara, directeur exécutif du Centre pour la gouvernance et la démocratie, dit que la fluidité politique pourrait faire craindre à Moi que la conférence ne se change en une assemblée constitutionnelle. «Elle est soutenue par la population. Donc elle pourrait le faire».

La venue de Uhuru Kenyatta

Depuis des années, la KANU étouffe la dissidence par une polarisation politique et la séculaire tactique de diviser pour régner. Le président se trouve dans une situation précaire: il doit récompenser la loyauté et la fidélité, en distribuant des places importantes dans le gouvernement. Mais, cette fois, la mise est si importante qu’il lui faut bien plus que de la rhétorique politique et de l’intrigue pour apaiser les groupes loyaux.

Selon certains observateurs, le candidat présidentiel de la KANU, M.Uhuru Kenyatta, aura beaucoup de mal à affronter l’opposition sous une nouvelle Constitution. S’il gagne les élections, il lui faudra des pouvoirs importants sur ses rivaux. Et ce sont justement de tels pouvoirs que la nouvelle Constitution s’efforce de faire disparaître. Les observateurs sont convaincus qu’une nouvelle Constitution marquera le début de nouvelles institutions et d’une nouvelle culture, qui remettront en question les erreurs du passé.

  • James Pod, Kenya, novembre 2002 — © Reproduction autorisée en citant la source

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