ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 449 - 01/02/2003

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Congo RDC
Culture de la tolérance et de la paix


VIE SOCIALE

Les Katangais accueillent à bras ouverts les Kasaïens qu’ils avaient chassés

Victimes sous Mobutu d’une épuration ethnique souvent ignorée, les Kasaïens ont commencé à rentrer au Katanga, après huit ans d’absence. Ils sont généralement bien accueillis par la population et par les autorités qui veillent à leur cohabitation pacifique avec les Katangais. Chaque mois, ils sont un peu plus nombreux à redémarrer leur commerce, à retrouver leur maison, à réintégrer un emploi. Certains professeurs ont même retrouvé leurs chaires à l’université de Lubumbashi. Et les pasteurs kasaïens ont créé trois stations de radios privées…

Chassés entre 1992 et 1993 de cette région minière au sud-est du pays, alors le Shaba, où la plupart étaient nés, ils se sentaient dépaysés au Kasaï, au centre de la RDC, dont leurs ancêtres étaient originaires. Ils se sentent rassurés par les conditions politiques actuelles au Katanga, région d’origine de Joseph Kabila, l’actuel président.

L’épuration dont les Kasaïens ont été victimes avait été voulue par Mobutu, mécontent de l’élection par la Conférence nationale souveraine (CNS) en août 1992 d’Etienne Tshisekedi, un Kasaïen, son plus farouche opposant politique, au poste de Premier ministre. Par crainte de perdre le pouvoir et pour montrer aux Occidentaux que, sans lui, le Zaïre était ingouvernable, il a poussé l’ex-Premier ministre Jean Nguz Karl-I-Bond et les membres de son parti UFERI (Union des fédéralistes et des républicains indépendants) au Katanga, à s’en prendre aux Kasaïens.

Alléchés par les promesses de récupérer des postes à la Gécamines, l’une des dix plus grosses entreprises de production de cuivre et de cobalt, ou dans l’administration, les jeunes de l’UFERI se sont livrés à toutes sortes d’exactions et de tueries. Le nombre des morts varie d’après les sources. Mais on sait que plus de 10.000 Kasaïens ont longtemps été parqués dans des conditions inhumaines dans les gares et lycées de Likasi et de Kolwezi avant d’êtres évacués par train, en 1995, par des organisations humanitaires vers le Kasaï où la plupart n’avaient jamais mis les pieds.

Leur départ a plongé le Katanga dans le marasme économique, car ils en étaient les principaux acteurs économiques, notamment dans la ville de Kolwezi. Tout ce drame s’est passé dans l’indifférence quasi générale des autorités nationales à Kinshasa et de la communauté internationale. Les plus chanceux sont des jeunes cadres kasaïens qui ont trouvé asile en Zambie, en Afrique du Sud, en Belgique, au Canada et aux Etats-Unis.

Le retour

Depuis le départ de Mobutu, en mai 1997, et l’arrivée au pouvoir des Kabila, le père puis le fils, les Kasaïens reviennent au Katanga, la région la plus industrialisée du pays. Devant une vingtaine de bâtiments sans tôles et sans fenêtres, autrefois propriétés des Kasaïens, Musau Tshibuyi Shambuyi, président de la communauté kasaïenne de Kolwezi explique: «Des 120.000 Kasaïens qu’il y avait ici avant les incidents sur une population totale de 257.000, il n’en reste à ce jour que 1.630. A l’avènement de l’ADFL (le mouvement politico-militaire de Laurent Kabila) en mai 1997, nous étions même moins de 20».

Le maire de Kolwezi, Adrien Nawez-a-Chikwand, fait tout ce qu’il peut pour faciliter la réconciliation des gens et la réinsertion des arrivants. Comme en témoigne M. Shambuyi: «Depuis sa nomination en mai 1997, le maire Adrien se met en quatre pour améliorer les rapports entre Kasaïens et Katangais. Et chaque fois qu’il y a un décès dans nos rangs, il compatit à nos malheurs et il nous assiste financièrement et matériellement». «Mes frères qui rentrent ne rencontrent aucune difficulté pour récupérer leurs biens, notamment les immeubles, poursuit-il. Les quelques extrémistes katangais qui essaient de s’y opposer, sont neutralisés grâce à l’intervention du maire. De plus, notre Comité est chaque fois invité par la mairie aux manifestations publiques et culturelles».

Toutefois certains Katangais se plaignent de la diabolisation dont ils sont victimes surtout en Occident. Comme le précise l’ingénieur métallurgiste André Kapwasa, de Kolwezi, la ville la plus touchée: «A l’étranger, notamment au Canada et en Belgique, les Occidentaux prennent pour parole d’évangile tout ce que certains Kasaïens leur racontent. Ils ne disent pas, par exemple, que tous les Katangais n’ont pas trempé dans l’épuration ethnique. Bien plus, ils ne disent pas que lors des affrontements à Likasi et à Kolwezi il y a eu également des morts dans les rangs des Katangais. Et ils racontent là-bas que tous les Kasaïens ont quitté le Katanga, ce qui n’est pas vrai. Il ne jettent même pas des fleurs aux chefs coutumiers du sud du Katanga et aux évêques catholiques qui se sont opposés à la chasse des Kasaïens».

Se rencontrer par le sport

Profitant de la passion des Katangais et des Kasaïens pour le football, les autorités se servent de ce sport pour promouvoir la paix et la réconciliation en organisant des tournois entre les équipes de la province du Katanga et celles des deux provinces du Kasaï oriental et occidental.

Maire de la ville de Lubumbashi depuis mai 1997, le Katangais Floribert Kaseba Makunko s’est également investi dans la campagne de la culture de la paix et de la tolérance. Ce combat lui a valu en mars 2002, le Prix Unesco «Ville pour la Paix» 2000-2001 pour l’Afrique, qui lui a été décerné à Marrakech au Maroc lors des assises de la 107e Conférence interparlementaire des députés francophones. Parmi les cinq lauréats, M. Kaseba était le seul maire africain.

Un vieux paysan du village de Nkonko, au pied du mont Kundelungu à 250 km au nord-est de Lubumbashi, dans un grand sourire, se réjouit également du retour des Kasaïens: «Avec le retour des Kasaïens, à Lubumbashi et à Likasi, nous ne manquons plus de savon, de sel et de pneus de vélo… Il faut reconnaître que les frères kasaïens sont très dynamiques dans le domaine du commerce et de la débrouillardise. Leur départ nous a causé beaucoup de tort».

  • Bethuel Kasamwa-Tuseko, Congo RDC, décembre 2002 — © Reproduction autorisée en citant la source

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