ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 449 - 01/02/2003

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Mozambique
Une corruption tenace


CORRUPTION

L’ancien président Samora Machel s’était fixé comme objectif d’éradiquer la corruption; mais la mort l’a emporté avant d’avoir rélisé son projet...

La corruption qu’on trouve au Mozambique ou ailleurs en Afrique, n’est pas un phénomène unique, note le journaliste britannique Joseph Hanlon, vétéran des affaires mozambicaines. Cette affirmation va dans la même ligne que celle des journalistes locaux, quand ils tapent sur leur machine à écrire ou sur leur ordinateur pour décrire la pourriture dans le secteur public et privé.

Par exemple, dans le supplément humoristique “Sacana” (un terme portugais pour «véreux») de son édition du 25 octobre 2002, l’hebdomadaire indépendant Savana décrit, d’une façon très imagée et avec un brin d’humour comment l’élite saigne à blanc le pays. «Beaucoup disent que l’économie est en danger, parce que les éléphants la dévorent», lit-on dans le texte, avec une illustration montrant un homme armé d’un fusil et portant des lunettes noires. Des éléphants? Il est clair qu’il fait allusion à l’élite au pouvoir. En dessous du texte, un autre dessin représente deux hommes au pouvoir, assis à une table et déclarant qu’ils sont très intéressés par les compagnies publiques. L’un déclare «Je me porte candidat pour 20 compagnies d’Etat qui doivent être privatisées». L’autre réplique: «Attention, les autres sont à moi!».

Cet humour journalistique dépeint bien ce qui se passe sur le front politique du Mozambique. Les politiciens font tout ce qu’ils peuvent pour gagner le contrôle des entreprises publiques ou pour y mettre des relations, et ainsi mieux en profiter.

Une corruption alarmante

Ces dernières années, la corruption a atteint un niveau si alarmant que même certaines personnalités publiques ont osé la dénoncer. Des personnes ont été assassinées parce qu’elles essayaient de divulguer des transactions louches.

Par exemple, en novembre 2000, le très renommé journaliste Carlos Cardoso était abattu dans la rue et, le 11 août 2001, le banquier Antonio Siba-Siba Macuacua était tué. Chacun d’eux avait essayé, séparément, de dénoncer un gros scandale de corruption dans une banque mozambicaine, la Banco Austral. Plusieurs personnes proches de l’élite au pouvoir, qui avaient obtenu, dans des circonstances douteuses, des crédits pour 144 milliards de meticals (plus que 6 millions de dollars), provoquaient l’effondrement de la Banco Austral en refusant ou retardant tout remboursement.

On apprendra par la suite que la direction politique était au centre de cette transaction louche. Dans un article intitulé «Tuer la poule aux œufs d’or – Se servir de la comptabilité pour voler», Hanlon écrivait dans le metical du 28 septembre 2001: «Quelqu’un, au plus haut niveau du pays, a dû le savoir et y participer. Et il est clair qu’on a protégé les auteurs, car l’enquête a été bloquée.»

Samora Machel

Lorsqu’en 1975 le Portugal accorde son indépendance au Mozambique, les nouveaux dirigeants embrassèrent le socialisme politique et prêchèrent contre l’enrichissement personnel. L’ancien président Samora Machel, mort en 1986 dans un accident d’avion, était un adversaire farouche de la corruption. Aujourd’hui, cependant, très peu d’hommes politiques partagent encore ses idées, et les autres ne songent qu’à se remplir les poches.

Même l’expérience socialiste de Samora Machel a été un échec, son régime s’étant caractérisé par une farouche détermination d’éradiquer l’enrichissement personnel et la corruption. Dans une célèbre déclaration publique, il a dit: «La corruption matérielle, morale ou idéologique, les pots-de-vin, la recherche du confort personnel, les préférences dans l’attribution des emplois et le favoritisme des membres de sa famille, de ses amis ou de ceux de sa région, sont un héritage du système que nous voulons détruire. Aucun écart de notre ligne politique ne sera toléré. Nous serons intransigeants. Nous n’hésiterons pas à exposer ces gens au peuple qui a été lésé par cette conduite». A sa mort, ces principes ont disparu avec lui. Maintenant c’est la corruption qui règne, et tout fonctionnaire, du simple commissionnaire au directeur, exige qu’on lui «graisse la patte» avant d’accorder ce qui lui est demandé.

La corruption dans le judiciaire

En décembre 2001, exaspéré par la corruption toujours croissante, le gouvernement a créé un corps spécial composé de magistrats, pour combattre la corruption dans le judiciaire. En annonçant sa création, le procureur général Joaquini Madeira a parlé de la nécessité de ce corps spécial, car beaucoup de juges se laissent acheter et relâchent les suspects. Mais cette déclaration faite en grande pompe est vite tombée dans l’oubli.

Les cas de corruption sont très fréquents et rien n’est fait pour y remédier. Les grands fauteurs sont les juges et la police. Un cas frustrant parmi tant d’autres est celui de l’évasion de Junior aka Anibalizinho de la prison de haute sécurité de Anibal Dos Santos, le 1er septembre 2002. Emprisonné parce que suspect principal du meurtre de Cardoso, il attendait son procès. Trois différentes unités de police gardaient chacune une partie des clefs de sa cellule. Personne ne peut comprendre comment ils ont pu comploter ensemble pour ouvrir les portes pour qu’il puisse s’échapper. Malgré les nombreuses questions posées, personne n’a encore pu expliquer l’affaire.

Mais cette évasion n’a pas l’air de préoccuper beaucoup le ministre de l’Intérieur, Almerino Mahenje, dont la population exigeait la démission ou le renvoi. Récemment, il a déclaré au Parlement: «Cela arrive souvent que des prisonniers s’échappent de prison dans d’autres parties du monde. Alors, pourquoi tout cet affolement?». On a cité le nom de plusieures personnalités haut placées..., mais où sont les preuves?

Le 19 octobre 2002, le Mozambique a commémoré la mort de Samora Machel, et beaucoup regrettent que ce vaillant leader n’ait pas vécu assez longtemps pour éradiquer la corruption.

  • Frederico Katerere, Mozambique, janvier 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source

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