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Kenya |
POLITIQUE
Un regard sur les événements du 30 décembre 2002, quand le président sortant ,
Daniel Toroitich Arap Moi, passa le pouvoir au 3e président du pays, M. Mwai Kibaki.Lors d’une cérémonie dans le parc Uhuru au centre de Nairobi, à laquelle participait cinq chefs d’Etats et de gouvernements africains, Moi a passé le pouvoir au nouveau président, au milieu de huées humiliantes et de chants en l’honneur de Kibaki venant d’une foule en délire, estimée à un demi-million de personnes. Arrivé sur l’estrade peu après M. Mwai Kibaki, le président sortant a été conspué et, alors qu’il gardait le salut pendant le chant de l’hymne national, il a été la cible de toutes sortes de projectiles (boue, pierres, etc.) lancés par une foule excitée. Il était clair que beaucoup de Kényans percevaient le départ de Moi comme un soulagement.
Dans son discours d’acceptation, le président Kibaki n’a rien mentionné de positif au sujet des 24 années de l’ère Moi. Il a plutôt développé l’engagement de son gouvernement à honorer les promesses faites durant la campagne électorale, remerciant les Kényans de l’avoir élu et d’avoir exigé un changement. M. Kibaki a ensuite décrit ce qu’est une bonne gouvernance, tout en condamnant la corruption généralisée qui a mené la population à la pauvreté et la misère. «Le gouvernement, a-t-dit, ne doit jamais être un fardeau pour les citoyens. Un gouvernement responsable doit trouver et approuver des réformes pour le bien général de toute la nation». Beaucoup d’analystes et de critiques ont considéré ce discours comme une attaque directe au gouvernement de Moi.
Rappelons que M. Kibaki a remporté les élections avec 64% des votes exprimés, alors que M. Uhuru Kenyatta, le dauphin que Moi avait choisi pour lui succéder, n’en obtenait que 28%. Au Parlement, la Coalition nationale arc-en-ciel (NARC), de Kibaki, a remporté 67% des sièges, contre les 24% de l’Union nationale africaine du Kenya (KANU).
Le succès de M. Kibaki marque une étape dans l’histoire politique du Kenya. Pour la première fois, la KANU a perdu la présidence et le contrôle au Parlement. La victoire de Kibaki montre aussi que Moi, qui s’était pourtant déclaré expert en politique, a dû quitter la scène pour avoir perdu le sens des réalités. Avec ce vote, le peuple a rejeté le dauphin de Moi, mais aussi son travail de chef de l’Etat et du gouvernement.
Beaucoup de Kényans n’ont pas voté contre M. Uhuru Kenyatta, mais bien contre toute tentative de prolonger le système Moi: ils ont voté contre M. Kenyatta pour se débarrasser de Moi. La plus grosse erreur de Moi semble avoir été de choisir M. Kenyatta comme successeur, tout en affirmant que lui, Moi, resterait à la tête de la KANU, s’assurant ainsi le contrôle des affaires nationales. Il avait même amendé les statuts du parti pour donner plus de pouvoir à son président, de telle sorte que son candidat, une fois élu, serait pratiquement devenu une marionnette entre ses mains.
La colère du peuple
La colère des Kenyans a éclaté dans un cri pour le changement. Ils ont rejeté la responsabilité de leurs malheurs sur la mauvaise gouvernance de la KANU, persuadés que seul un changement de le tête et du gouvernement pouvait les sortir du marasme. Quand les Kényans ont enfin appris la défaite de Moi, ils n’ont pas pu retenir leur excitation et leur colère, convaincus que Moi était la cause de leur mal. Ils voulaient oublier ces 24 ans de la présidence de Moi.
Lorsque le président de l’Ouganda, Yoweri Museveni, a voulu louer le sens démocratique de Moi, qui acceptait de passer paisiblement le pouvoir à Kibaki selon les désirs des Kényans, il a été hué par la foule et a dû modifier son discours. Il s’est alors limité a remercier les Kényans en général pour leur conduite pacifique pendant les élections...
Au moment de se retirer, Moi était visiblement un homme amer. Après avoir servi son pays pendant plus de deux décennies dans la plus haute fonction, il n’a récolté comme reconnaissance que des huées et de la boue de la part de la foule. Quel «merci»!
- James Pod, Kenya, janvier 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source