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Zimbabwe |
VIE SOCIALE
Pour joindre les deux bouts, les soutiens de famille sont obligés de trouver du travail supplémentaire
Harare Jonathan travaille comme journaliste dans une grande compagnie d’édition, mais on le voit rarement à son bureau. Durant ses heures de service, il fait aussi des petits travaux. Il partage son temps avec soin, veillant à ce qu’il ait du temps pour son employeur officiel et pour ses boulots personnels. Pour beaucoup de Zimbabwéens, c’est une nouvelle stratégie pour survivre, leurs salaires n’y suffisant pas. D’autres ont eu moins de chances, et ils ont été relevés de leurs fonctions à cause de ce travail au noir.
Comme l’économie continue à se détériorer de plus en plus, la majorité des employés est dans l’impossibilité de vivre de son salaire, et doit chercher du travail au noir pour joindre les deux bouts. Les plus malins ont émigré dans d’autres pays où ils sont mieux payés, et, après quelques années, ils reviennent millionnaires, vu la dépréciation du dollar zimbabwéen vis-à-vis des autres devises importantes.
Inflation galopante
Il y a quelques années, l’économiste zimbabwéen Schliselo Mpofu disait déjà: «quand l’économie se porte bien, peu de personnes travaillent au noir; mais maintenant ce phénomène s’est généralisé à cause de la baisse des revenus». Malgré quelques ajustements, la situation est telle que chaque augmentation de salaire est aussitôt érodée par une inflation galopante, qui a atteint le record de 40% en septembre 2002.
Victor Chisi, directeur du Consumer Council of Zimbabwe’s (CCZ), a calculé que, pour vivre décemment, une famille de quatre personnes a besoin d’au moins ZWD 35.000 par mois ( soit 653,8 $USA, au 11 février 2003, Ndr). Or, peu d’ouvriers atteignent un tel salaire, dans un pays où 75% de la population sont considérés comme pauvres.
Selon Mpofu, aujourd’hui le travail au noir se pratique à grande échelle, et ce par des personnes de différents niveaux d’autorité et de responsabilité. Des enseignants, des professeurs d’université, des comptables, des journalistes, des médecins..., tous font du travail au noir pendant ou après leurs heures de travail, ou pendant les week-ends et les vacances. Dans plusieurs cas, le travail au noir est devenu la source principale de revenu, et pas seulement un supplément, le travail formel n’étant souvent gardé que pour des raisons de sécurité.
Des économistes affirment que beaucoup d’employés sont pleins d’amertume parce que, vu l’accroissement constant du coût de la vie, leur niveau de vie descend continuellement. Alors que certains fonctionnaires haut placés peuvent même s’acheter une maison ou une voiture, avec les revenus provenant d’un second emploi non déclaré. Dans certains cas, ces revenus sont en devises étrangères, échangées au marché parallèle à un taux plus élevé que celui du marché officiel. Une incitation de plus pour chercher à travailler au noir.
Les taxes
Concernant le revenu déclaré: une grande partie des revenus, personnels et autres, est payée au gouvernement sous forme de taxes. En même temps, le pouvoir d’achat a diminué, et la pauvreté et le chômage sont augmentés. Mais la plupart du temps, les revenus du travail au noir échappent à cette taxation, puisqu’ils ne sont pas déclarés...
A cause de cette situation et de la brusque baisse des revenus, dit Mpofu, les employés des entreprises ne sont plus intéressés à leur travail. La plupart sont découragés et mécontents. Les conditions de travail se sont dégradées dans la majorité des entreprises, qui sont obligées de réduire les avantages accordés aux employés, les poussant ainsi à augmenter leurs revenus par le travail au noir.
Gerald Samakoni travaille à Harare. «J’envisage de quitter mon travail d’employé, dit-il. Chaque mois, après avoir acheté mes provisions, il me reste juste assez d’argent pour payer le bus. La vie au Zimbabwe est devenue impossible. Vous venez juster de recevoir une augmentation de salaire, que tout est déjà balayé par l’inflation».
La taxe sur les revenus est extrêmement élevée, mais, puisque les commerçants dans le secteur non officiel ne sont pas taxés par le gouvernement, leur activité reste très lucrative.
Les raisons pour un travail au noir sont nombreuses et variées, dit encore Mpofu. Ce travail augmente le revenu des particuliers, mais aux dépens des institutions. Les employés, pour leurs travaux privés, utilisent les facilités offertes par l’entreprise, qui voit augmenter ses frais, alors que les employés se remplissent les poches en se servant du téléphone, du fax, de la papeterie, du bureau et des transports de l’entreprise. Une autre raison pour laquelle les emplois formels se détériorent est le manque d’application au travail et le manque de rendement.
Par ailleurs, plusiers experts médicaux estiment que le travail au noir provoque beaucoup de stress, des attaques d’apoplexie et même des maladies mentales. Au plan social, il met les mariages à l’épreuve et brise l’unité de la famille, car le mari est toujours en quête de gagne-pain.
Selon les économistes, le gouvernement pourrait résoudre ce problème en améliorant les prestations économiques et en réduisant l’inflation.