ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 451 - 01/03/2003

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Congo-Brazzaville
L'irruption d’Ebola aurait pu être contrôlée


SANTE


Les autorités congolaises avaient été prévenues depuis le 15 décembre...

L’irruption au Congo de l’épidémie de fièvre hémorragique de type Ebola aurait pu être contrôlée si les autorités congolaises avaient rapidement pris des mesures de prévention. Depuis le 15 décembre dernier elles avaient été informées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et par ECOFAC  (Ecosystèmes forestiers d’Afrique centrale) des premiers décès de grands gorilles et de quelques villageois, au sud du village Lenguelengue, sur l’axe Mbomo-Ekwata. ECOFAC est un projet régional  financé par la Commission européenne.

Les chercheurs espagnols Magdalena Bermejo et German Illera, qui ont étudié les gorilles au village de Lossi ces neuf dernières années, rapportent que les huit familles (139 individus) suivies depuis 1994 ont disparu de la zone d’étude d’une superficie 40 km² dans le sanctuaire. Bermejo, Illera et leurs équipes de pisteurs ont sillonné la zone à la recherche de signes de grands singes; ils n’ont trouvé qu’un groupe de six gorilles en bordure est de leur zone d’étude.

Deux des familles manquantes avaient été habituées au “tourisme de vision” de gorilles. Ils étaient les premiers gorilles de plaine en Afrique centrale à avoir été habitués aux visiteurs, et généraient des revenus significatifs pour les villageois. Le sanctuaire de Lossi avait été créé à la demande des villageois, quand ils ont réalisé que les revenus à long terme de ce tourisme étaient de loin supérieurs aux bénéfices à court terme procurés par la chasse. La disparition des gorilles est évidemment une énorme perte pour ces populations.

«Les premiers décès de ces primates ont été signalés le 26 novembre 2002 et à la mi-décembre. Des chercheurs du Centre international de recherches médicales de Franceville (CIRMF), au Gabon, ont collecté des échantillons sur les carcasses de quatre gorilles et de deux chimpanzés, permettant de confirmer la présence du virus Ebola dans les six cas», a déclaré M. Conrad Aveling, coordonnateur de l’ECOFAC.

Disparition inquiétante

L’épidémie d’Ebola serait responsable de ce qui semble être une disparition massive des gorilles et des chimpanzés dans le sanctuaire de Lossi (250 km²), situé à environ 15 km au sud-ouest du fameux parc national d’Odzala (13.600 km²). Les scientifiques considèrent que l’irruption de la maladie chez les hommes aurait pu être contrôlée si les autorités du Congo avaient rapidement pris des mesures de prévention depuis le 15 décembre, a déclaré Conrad Aveling.

L’épidémie semble se répandre de l’ouest vers l’est du Congo. Parallèlement, des chercheurs du Fonds mondial pour la nature (WWF), travaillant dans le parc national de Minkebe, au nord du Gabon, ont déjà révélé la disparition d’une population de grands singes sur une superficie estimée à 20.000 km². Cet incident est survenu entre 1990 et 2000, et l’on suspecte que le virus Ebola puisse en être la cause. Trois épidémies avaient été constatées entre 1994 et 1996 dans les villages de la zone de Minkebe.

«La zone concernée par l’épidémie, à 60 km du Gabon, est une zone où les chasseurs ont l’habitude de s’aventurer et il leur arrive de toucher des carcasses de gibiers, notamment de gorilles gisant par terre», a souligné Aveling. «C’est précisément entre la savane et la forêt, au sud-est de Mbomo, que s’est déclarée la nouvelle épidémie. En fait, il existe beaucoup de campements d’orpailleurs à la frontière avec le Gabon».

Petits moyens pour grands maux

«Le 7 février 2003, l’équipe de médecins congolais ne disposait que d’un budget de quelque 20 millions de FCFA , ce qui est dérisoire pour mener une lutte efficace contre l’épidémie Ebola», révèle Aveling.

Le virus «Ebola», du nom d’une rivière de la République démocratique du Congo, a été découvert dans ce pays en 1976, à Yambuku, sur la rivière Ebola précisément. En cette même année, il était identifié pour la première fois à Nzara, dans la province ouest-équatoriale du Soudan, proche de cette région. Selon l’OMS, Ebola est une maladie virale dépourvue de vaccin et transmise par contact direct avec du sang, des sécrétions, des organes ou le sperme des personnes infectées. Elle est mortelle dans 50 à 90% des cas. Les premiers symptômes se traduisent par une fièvre soudaine, des douleurs musculaires et des maux de tête. Ces signes sont suivis de vomissements, de diarrhées, de troubles rénaux; puis surviennent des hémorragies internes et externes.

Depuis 1976, le virus réapparaît aussi mystérieusement que régulièrement en Afrique centrale. Entre novembre 2001 et juin 2002 au moins 80 personnes sont décédées durant l’épidémie qui s’est répandue sur la frontière entre le nord-est du Gabon et le nord-ouest du Congo-Brazzaville (Mekambo-Ekata-Mbomo-Kelle). Lors de cet épisode, les chercheurs d’ECOFAC, du CIRMF et de WCS (Wildlife Conservation Society) ont constaté la mort de grands singes dans cette même zone et le virus Ebola fut confirmé sur une des carcasses. Dans de nombreux cas, il fut attesté que les humains ont été contaminés lors de la manipulation de carcasses de grands primates trouvées en forêt.

La nouvelle irruption de l’épidémie à Lossi laisse penser que les effets dévastateurs du virus sur les populations de grands primates pourraient se répandre vers l’Est. Les forêts dans et autour du parc national d’Odzala sont connues pour abriter les plus fortes densités de gorilles de plaine en Afrique. Bermejo et Illera ont enregistré jusqu’à 9 gorilles/km² dans certaines zones de l’écosystème d’Odzala. Les chercheurs de l’université de Rennes (France) travaillant avec ECOFAC ont relevé jusqu’à 47 familles de gorilles visitant une seule clairière de 3ha au nord du parc national d’Odzala.

Le programme ECOFAC craint qu’il ne faille s’attendre à un déclin catastrophique des populations de grands singes au cœur de leur habitat en Afrique centrale. Cette zone est censée abriter la plus grande partie des populations de gorilles de plaine en Afrique centrale du fait de son éloignement des grandes concentrations humaines, de la présence de plusieurs aires protégées et de grandes superficies d’habitats particulièrement appréciées des gorilles et encore peu perturbées par l’activité humaine.


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