ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 451 - 01/03/2003

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Congo-Brazza
Départ des soldats angolais: quel impact?


TENSIONS


Le foyer de tension dans le Pool persiste encore après le départ des soldats angolais

 Le Congo-Brazza et l’Angola sont régis par un accord cadre de coopération militaire, signé vers la fin des années 90, et focalisé sur l’appui en logistique et en hommes, ainsi que sur la formation militaire.

Rappel historique

Depuis les règnes du commandant Marien Ngouabi (Congo) et Agostino Néto (Angola), les deux pays ont entretenus des bons rapports, tant au plan militaire que diplomatique. En témoigne le soutien du Congo à l’indépendance de l’Angola (obtenue en 1975).

Les soldats angolais sont entrés au Congo-Brazza lors de la guerre de juin-octobre 1997, opposant les partisans de l’ancien président Pascal Lissouba aux rebelles Cobras de Denis Sassou Nguesso. Ils sont intervenus aux côtés des Cobras en septembre 1997, soit un mois avant l’offensive dite “généralisée” d’octobre. Cette offensive avait provoqué la débâcle des forces de Lissouba, mettant fin à une guerre qui a causé plus de 20.000 morts.

Pour le gouvernement angolais, cette intervention était justifiée par le soutien que Lissouba avait donné à Jonas Savimbi, leader de l’Union nationale pour l’indépendance de l’Angola (Unita). Partant de l’enclave de Cabinda, l’Unita utilisait le Congo-Brazza comme base arrière et comme marché pour écouler ses matières premières, notamment le diamant, et surtout pour revendre (au régime Lissouba) son matériel militaire. L’intervention angolaise a permis de «mettre hors d’état de nuire» les Cocoyes, miliciens de Lissouba, et les Ninjas de l’ancien maire de Brazzaville, Bernard Kolélas.

Après 1997, le contingent angolais a été maintenu au sud du pays, notamment dans l’axe Brazzaville-Pointe-Noire, afin d’aider Sassou Nguesso à consolider son pouvoir. Toutefois, il ne pèsera pas tellement pendant les hostilités de 1998 qui ont embrasé les quartiers sud de Brazzaville. La guerre ne prendra fin que par la signature des accords de décembre 1999, entre les rebelles et les Forces armées congolaises (FAC).

Impact militaire

Depuis la mort de Jonas Savimbi, l’Angola est entré dans une phase de réconciliation nationale. L’extinction de la rébellion de l’Unita ne justifiait plus la présence de ses soldats dans les pays voisins. Les militaires angolais ont donc quitté le Congo-Kinshasa en septembre 2002, et le Congo-Brazza le 15 décembre.

Ce départ devait être synonyme de la fin des hostilités. En fait, le président Nguesso est toujours confronté à un grand foyer de tension créé par la rébellion du pasteur Fréderic Bitsangou, alias Ntumi, et ses miliciens ninjas dans le département du Pool et dans certains quartiers de Brazzaville. Quelques jours seulement après le départ des Angolais, les Ninjas attaquent trois localités, à une centaine de kilomètres de Brazzaville, tuent plus de 30 personnes, pillent et brûlent des cases. La population prend la fuite. C’est un nouvel épisode de la guerre dans le département du Pool.

Dans un message qu’il a fait parvenir à l’AFP, le 10 janvier 2003, Ntumi réclame la tenue «d’un véritable dialogue national sans exclusive», affirmant que celui tenu en mars 2001 était sélectif. «Compte tenu de ce qui prévaut dans notre pays, j’interpelle la communauté internationale pour qu’elle rétablisse une sécurité pour tous, et pour que se tienne, dès que possible, un véritable dialogue national sans exclusive», écrit-il. Sinon, les miliciens ninjas entendent descendre dans les grandes villes du pays...

Le gouvernement, par le biais de son porte-parole, Alain Akouala, réplique: «Les Congolais, premiers concernés par la question, ne sont pas dupes. Ils sont témoins des exactions et des actes de terreur commis dans le Pool par Ntumi. Dans ce pays, il y a eu un dialogue politique qui a abouti à la réconciliation des Congolais. Le processus se poursuit à travers la disponibilité constante des autorités, à commencer par le président Denis Sassou Nguesso».

De son côté, le haut commandement des FAC (Forces armées congolaises) invite la population à la vigilance, à une franche collaboration avec la force publique pour mettre un terme aux bandits armés à la solde de Ntumi. Mais toutes ces déclarations sont loin de préserver la population congolaise de l’angoisse.

Impact politique

Aux yeux de plusieurs observateurs, le départ des Angolais ouvre de nouvelles perspectives. D’aucuns pensent qu’il prépare les conditions d’un dialogue franc avec les exilés. D’autres, par contre, estiment qu’il n’arrange nullement les choses au plan politique.

Leur départ devrait contribuer à l’avancement du processus de paix. Espoir perdu? Le temps n’est pas encore venu de le dire. Quelques initiatives en vue d’un retour à la normalisation ont été prises par certains leaders politiques et de la société civile. Un comité parlementaire de paix dans le Pool composé de 30 députés a été mis sur pied avec mission principale de poursuivre la réflexion sur une une méthodologie pouvant conduire à une sortie de la crise.

Le rôle de ce comité est de rencontrer Ntumi et lui faire entendre raison. Mais, chose curieuse, il ne fait pas l’unanimité parmi les parlementaires. Trois députés de l’opposition, avec André Milongo comme chef de file, viennent de claquer la porte et posent comme conditions à leur participation: l’établissement du dialogue avec Ntumi; l’amnistie générale; le cessez-le-feu entre les belligérants; et la sortie des “pillards” dans le département du Pool.

Quant aux rebelles ninjas, ils affirment: «Aucune guerre ne peut se gagner définitivement par les armes... Mais quand les droits civiques d’un groupe quelconque sont violés, les droits d’aucun autre groupe ne sont en sécurité. De nombreux jeunes Congolais aujourd’hui s’opposent à toutes restrictions visant les libertés et les droits fondamentaux».

Les membres de la société civile ne veulent pas rester en marge des initiatives. Des femmes, des Eglises, des associations et autres ONG continuent de multiplier les marches de pacification à travers les grandes villes du pays. Mais les multiples souffrances qu’endurent les Congolais à cause des guerres à répétition, devraient interpeller toutes les consciences.

  • Médard Libani, Congo Brazza, janvier 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source

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