ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 452 - 15/03/2003

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Tchad
La chefferie traditionnelle


VIE SOCIALE


Vers une redéfinition de son rôle

Au cours du mois d’octobre 2002, l’Association des chefs traditionnels du Niger (ACTN) a rendu visite à l’Association des chefs traditionnels du Tchad (ACTT) à N’Djaména. Les délégués ont rencontré les autorités politiques et les responsables de l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance). Une conférence-débat au Centre d’études et de formation pour le développement (Cefod), qui a drainé intellectuels, étudiants, associations de femmes et de jeunes et des chefs de quartier de la ville de N’Djaména, a précisé les nouvelles ambitions des chefs traditionnels.

La prévention des conflits

Avec les autorités politiques, il a été question de l’élaboration des textes qui doivent redéfinir clairement le nouveau rôle de la chefferie traditionnelle dans un monde en profonde mutation. Les textes actuels confinent les chefs traditionnels dans un rôle d’auxiliaires de l’administration. Or, au Niger par exemple, les chefs traditionnels sont efficacement impliqués dans le travail de prévention des conflits, en particulier dans la médiation des différends entre agriculteurs et éleveurs nomades.

Les chefs ambitionnent de participer activement aux sanglantes querelles transfrontalières qui opposent très souvent les populations au sujet de terres cultivables et de pâturages. Ils justifient leur rôle dans ces conflits par le fait que les politiques n’ont jamais réussi à maîtriser ces crises souvent très meurtrières; au contraire, ils les exacerbent parce qu’ils ne comprennent pas les croyances et les comportements de ces populations. Les chefs de cantons et les sultans, de par leurs liens de parenté et de vassalité qui vont généralement au-delà des frontières, peuvent être un élément catalyseur de ces conflits.

Les autorités tchadiennes en ont pris bonne note et projettent d’étudier dans les meilleurs délais le véritable rôle à donner aux chefs traditionnels. Ils ont invité les chefs traditionnels du Soudan et du Tchad à la 4ème session de la sous-commission mixte de sécurité entre le Soudan (Etat du Darfour Ouest) et le Tchad (départements de Biltine, Assongha, Wadday, Sila et Ennedi), les 30 et 31 octobre 2002. Signalons que, depuis quelques années, des bandes armées, la contrebande, le braconnage et l’occupation anarchique des terrains, dans cette région frontalière, troublent la circulation des biens et des personnes, le commerce frontalier et les immigrations.

Rôle social

Les chefs traditionnels des deux pays ont eu aussi des entretiens «très fructueux» avec les responsables de l’Unicef au Tchad. Pour M. Ali Mahamoudi Malick, secrétaire général de l’ACTT, «la chefferie traditionnelle, au Niger comme au Tchad, est un canal approprié de transmission de l’information auprès des communautés et se distingue par sa grande capacité de mobilisation sociale». A ce titre, les chefs entendent signer un protocole d’accord de partenariat avec le bureau de l’Unicef de N’Djaména.

Cela leur permettra de mener sur tout le territoire tchadien des campagnes de sensibilisation sur la vaccination, la scolarisation des filles, la malaria, les mariages et les grossesses précoces. «L’Unicef et surtout les Etats sont ainsi interpellés, car il s’agit de questions de survie, de la protection et du développement de l’enfance», martèle Elhadj Tahirou Ali, trésorier de l’ACCT.

Cette nouvelle attitude tranche nettement avec les réactions négatives des autorités traditionnelles des cinq dernières années face aux mots d’ordre de santé (prévention contre le VIH-sida et les infections sexuellement transmissibles) et aux mutations politiques issues des vagues de démocratisation (ils craignaient d’être dépossédés de leurs prérogatives traditionnelles).

Questions

Toutefois, les autorités traditionnelles n’ont pas vraiment convaincu les participants sur le nouveau rôle qu’ils entendent jouer.

Pour certains participants, l’ambition actuelle des chefs traditionnels cache mal leur vraie préoccupation: accéder aux moyens financiers des organismes internationaux et autres bailleurs de fonds. En effet, ces dernières années, les questions de santé, de la protection de l’environnement, de l’éducation et surtout du développement humain durable et de la bonne gouvernance sont devenues des préoccupations planétaires. Les bailleurs de fonds n’hésitent pas à injecter de gros moyens financiers dans les projets qui se préoccupent de ces questions. Le fait que les chefs traditionnels visent ces domaines fait croire à beaucoup qu’ils tendent à s’accaparer de financements, au moment où les ressources économiques se raréfient dans les communautés rurales.

Pour d’autres participants, le revirement actuel de la chefferie traditionnelle se comprend dans la mesure où la plupart des chefs qui dirigent de nos jours les cantons, les sultanats et les ferricks (campements nomades), sont des intellectuels, enseignants d’universités ou économistes chevronnés. Ali Mahamoudi Malik, par exemple, chef de canton d’Abu-Charib dans la sous-préfecture d’Am-zoer (nord du Tchad), est géographe, enseignant et chercheur à l’université de N’Djaména. On se demande comment un intellectuel comme lui peut continuer à traiter ses gouvernés comme des sujets et non des citoyens qui ont leurs droits et leurs devoirs.

En fait, la nouvelle attitude des chefs traditionnels ne relève pas totalement de l’opportunisme, mais plutôt d’une certaine volonté de s’ajuster par rapport à l’actualité.

C’est pourquoi le communiqué final de la rencontre, qui a insisté tout particulièrement sur le travail de fond à développer auprès des femmes et des jeunes, a été pris positivement par tous ceux qui observent la mutation des chefs traditionnels. Il leur reste à faire preuve d’engagement réel pour dissiper tout soupçon quant au nouveau rôle qu’ils prétendent jouer.


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