ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 453 - 01/04/2003

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Congo RDC
Le football pour réconcilier
Congolais et Rwandais


PAIX


Un match annoncé provoque des remous vite apaisés

L’annonce par la Confédération africaine de football (CAF) du match entre l’équipe congolaise “Union sportive Kenya” de Lubumbashi et l’équipe de l’Armée patriotique rwandaise (APR) a suscité des remous susceptibles de provoquer des incidents meurtriers. Mais la tempête a été curieusement apaisée. Et tous les sportifs du Katanga sont prêts à recevoir les Rwandais à Lubumbashi en toute sportivité à la mi-avril prochain.

Premières réactions

«Cette information que l’équipe des militaires rwandais doit venir jouer le match de football ici à Lubumbashi en avril prochain contre l’équipe de notre commune de Kenya, est un poisson d’avril anticipé. C’est une provocation délibérée du président de la CAF, le Camerounais Issa Hayatou. Car s’il y a un Africain qui connaît bien ce que les Rwandais ont fait et font dans ce pays depuis 1998, c’est bien Issa Hayatou. Il ne devrait pas aller jusqu’à nous humilier!».

Des milliers de sportifs de Lubumbashi, dans le sud-est du Congo, ont ainsi accueilli l’information de ce match qui devrait avoir lieu en avril et mai prochain dans le cadre du championnat de la Coupe des coupes de la CAF, dont le siège est au Caire en Egypte.

Dans les bars, les restaurants, les auditoires de l’université, les marchés et les taxi-bus, certains sportifs sont allés bien plus loin. C’est le cas de ce militaire qui n’a même pas peur d’être condamné à mort au cas où les Rwandais viendraient jouer à Lubumbashi: «Les Rwandais ont exterminé toute ma famille à Kalemie en mars 1999. Je jure sur la tombe de ma mère: s’ils viennent jouer ici, je me vengerai, même si je sais que la Cour d’ordre militaire m’enverra devant le peloton d’exécution».

Le déplacé de guerre Pierre Feruzi, qui vit dans un camp de fortune au foyer social de la commune Kenya, prévient la CAF et la Fédération congolaise de football à Kinshasa: «Il est grand temps de changer le calendrier des matches de la Coupe des coupes en nous donnant pour adversaire une équipe du Maroc, du Swaziland ou de la Côte d’Ivoire. S’il y a des morts au cours du match aller à Lubumbashi, Issa Hayatou en endossera la responsabilité. La FIFA peut-elle en ce moment-ci organiser un match de football à Bagdad entre une équipe américaine de New York et une équipe irakienne?».

Calmer le jeu

Face à l’ampleur des remous, les gestionnaires du football et les journalistes du Katanga s’y sont vite mis pour calmer les esprits surchauffés. Président de l’EFLU (Entente de football de Lubumbashi), Vianney Kazad Mwin Tshizal a sillonné la ville de Lubumbashi en caravane motorisée avec des haut-parleurs distillant ce message: «Amis sportifs du Katanga et de Lubumbashi, ce n’est pas Issa Hayatou qui a décidé que la RDC et le Rwanda se rencontrent dans le cadre de ce championnat, c’est le tirage au sort en janvier dernier en Egypte. N’oubliez pas que le football est un facteur d’union entre les peuples souvent divisés par les politiciens. Quand les Rwandais seront ici, il ne faut pas voir en eux des militaires en guerre, mais des ambassadeurs en mission de promotion de la paix. Je promets un cadeau à tous les sportifs qui seront au stade, s’ils se comportent correctement. Je suis un homme d’affaires bien connu de vous tous et je n’ai jamais fait de fausses promesses».

De son côté, le journaliste sportif Etienne Lufulwabo Tshimankinda de la RTNC (radio d’Etat) a dit et redit dans une série d’émissions radio-télévisées: «Amis sportifs, un sportif n’est ni xénophobe, ni revanchard. Quand le jour “J” sera là, ne gâchez pas la fête. Ce match est l’unique occasion qui s’offre à nous pour côtoyer les Rwandais depuis que la guerre nous divise. Vous devez donc avoir un comportement exemplaire. Sachez que le fait de jeter par exemple un caillou sur le terrain ou d’insulter un joueur rwandais, risque de nous coûter cher. La FIFA et la CAF n’hésiteront pas à suspendre le Congo de toutes les compétitions africaines. Et l’U.S.-Kenya, qui représente pour la première fois notre pays dans cette compétition africaine, sera disqualifiée».

Et pour prouver à tous que les sports sont un facteur d’union même entre deux pays en guerre, le président de l’U.S.-Kenya, Georges Psarommatis, a affiché partout, à Lubumbashi, à Likasi, à Kolwezi et à Kamina, le message suivant: «L’équipe nationale de volley-ball de la R.D.-Congo est arrivée le 5 février 2003 à Kigali au Rwanda pour jouer contre une équipe rwandaise dans le cadre des éliminatoires des Jeux africains prévus en octobre prochain au Nigeria. Le gouvernement n’a pas interdit à son équipe d’aller jouer au Rwanda parce qu’il sait que les sports sont un facteur d’union entre les peuples. Et les sportifs rwandais ont très bien accueilli à Kigali notre équipe nationale. Nous devons donc imiter la sportivité du peuple rwandais».

Au plus grand bonheur des autorités locales qui ont soutenu cette campagne de sensibilisation, celle-ci a porté ses fruits. A titre d’exemple, le militaire congolais prêt à passer devant le peloton d’exécution, a demandé pardon à tous les sportifs congolais et rwandais au cours d’une émission radio-télévisée: «Je retire mes propos de vengeance contre les joueurs rwandais. J’ai été touché par le message du président Kazad Mwin Tshizal et du pasteur de mon Eglise méthodiste. Je serai ce jour là au stade, sans bouteille, sans pierre et sans arme blanche dans mes poches, avec lesquelles je comptais blesser mortellement un joueur rwandais».

Aux dernières nouvelles, le match aller entre les deux équipes congolaise et rwandaise pourrait se jouer à Kinshasa. La CAF aurait pris cette décision parce que le terrain du stade de la Kenya à Lubumbashi ne répond plus aux normes internationales. Ainsi, le président de l’EFLU a envoyé ce message à Kinshasa à la Fédération congolaise de football pour large diffusion: «Je sais que les Kinois gardent un mauvais souvenir des militaires rwandais qui avaient voulu prendre d’assaut Kinshasa fin août 1998. Comme vous avez laissé partir en paix l’équipe nationale de volley-ball au Rwanda, au nom du principe que le sport peut promouvoir la paix, agissez de même à l’arrivée de l’équipe de football rwandaise à Kinshasa. Vive le football qui est apolitique».

  • Bethuel Kasamwa-Tuseko, Congo RDC, février 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source

Ndlr - Le match a été joué le 12 avril, et la US-Kenya a battu la APR-Rwanda par 2 buts à 1


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