ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 453 - 01/04/2003

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Congo-Brazzaville
Le massacre des éléphants se poursuit


ECOLOGIE


Les éléphants font partie des espèces très protégées.
Pourtant dans les régions nord du Congo, ils sont toujours sauvagement massacrés

Au Congo, le braconnage vit encore de beaux jours. Principales victimes de cette pratique ancrée dans les traditions: les éléphants, une espèce pourtant protégée intégralement. Dans la Sangha, une région nord du Congo, autour du parc d’Odzala, une réserve protégée par l’Etat avec l’appui financier de l’Union européenne, plus d’une centaine d’éléphants ont été sauvagement abattus à la kalachnikov. Ce qui représente 5 à 10% de la population du parc. Dans le rapport récent d’un programme de l’Union européenne concernant la protection de la faune et des aires protégées, on note en effet que les éléphants sont devenus rares dans un rayon équivalent à deux jours de marche dans la forêt de Nouabalé-Ndoki, au nord du pays. Ce qui n’était pas le cas il y a dix ans.

Selon Dominique Nsoso, directeur de la Faune protégée, les éléphants sont passés de 50.000 dans les années 1990, à 30.000 aujourd’hui. Et le commerce de l’ivoire, depuis la levée de l’interdiction en 1997, est devenu plus actif qu’auparavant. Début octobre 2002 par exemple, les écogardes ont saisi près de 20 défenses d’éléphants autour du parc d’Odzala. Mais, «ces statistiques sont insignifiantes devant la masse de plus en plus importante des défenses qui échappe à nos écogardes», révèle le ministère de l’Environnement, qui reconnaît son impuissance à lutter efficacement contre le phénomène.

Un marché juteux — En dépit du danger d’extinction que courent les éléphants, la demande de l’ivoire reste forte et les braconniers très actifs. Selon les investigations, cette tendance serait en constante augmentation ces trois dernières années. En 1997, à Mbomo, une localité de la région de la Cuvette au nord, le kilo d’ivoire variait entre 2.000 et 4.000 FCFA. Aujourd’hui, il se négocie entre 4.000 et 8.000 FCFA. Ces transactions s’effectuent dans les villages, entre trafiquants et chasseurs. A Brazzaville, le produit est vendu à prix d’or: le kilo y oscille entre 15.000 et 20.000 FCFA. Une partie de l’ivoire est exportée vers le marché asiatique, mais alimente également l’Afrique de l’Ouest, où beaucoup de pays ont longtemps décimé leurs pachydermes.

Pour mieux profiter de ces bonnes affaires, commerçants et trafiquants ont envahi les localités de l’intérieur, au lieu d’attendre la marchandise à Brazzaville. «A Mbomo par exemple, on ne comptait que deux Ouest-Africains qui tenaient deux boutiques écrans. En 2001, ils étaient plus d’une quinzaine avec des boutiques servant de comptoirs pour la vente de l’ivoire», explique un cadre à la direction de la faune à Brazzaville, qui requiert l’anonymat. Le même phénomène est observé dans d’autres localités de cette zone.

Des complicités — Pourquoi les autorités congolaises n’arrivent-elles pas à protéger les éléphants? Seraient-elles complices comme l’affirment quelques observateurs? Beaucoup de facteurs l’attestent. Plusieurs fois, les agents de police ont surpris des personnes en flagrant délit complotant avec des trafiquants ou agissant directement pour le compte d’une autorité nationale ou régionale. Souvent aussi, les armes de guerre saisies auprès des chasseurs d’éléphants sont ensuite réclamées par les autorités commanditaires. Les chiffres du rapport de l’Union européenne indiquent que, par rapport à 1999 où les saisies des cargaisons étaient de 3,58%, le nombre est sans cesse en hausse. Il a atteint 8,60% en 2001 dans la zone du parc d’Odzala.

C’est la pauvreté qui pousse les habitants autour des réserves protégées à braconner. Eleveurs ou agriculteurs, ces gens vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit avec seulement 500 FCFA (moins d’un dollar) par jour. Or une chasse fructueuse leur rapporte entre 40.000 et 80.000 FCFA par éléphant abattu, sans compter la vente de sa viande. Pour une centaine d’éléphants tués à Mbomo, on estime que 4 à 8 millions de FCFA sont ainsi distribués dans chaque famille. Aux commanditaires et intermédiaires installés à Brazzaville, cet ivoire rapporte près de 20 millions FCFA. Dans les comptoirs des centres urbains comme Brazzaville et Pointe-Noire, la paire de défenses coûte entre 150.000 et 200.000 FCFA. Comme quoi, le braconnage a encore de beaux jours devant lui.

  • Jean-Valère Ngoubangoyi, Congo-Brazza, février 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source

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