ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 454 - 15/04/2003

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


 Nigeria
La campagne électorale fait rage


ELECTIONS


Les plaisirs, les frissons et les tristesses d’une campagne électorale où 70 millions d’électeurs doivent choisir parmi 30 partis enregistrés


Ndlr — Les élections législatives ont eu lieu le 12 avril.
La présidentielle et celle des gouverneurs sont fixées au 19 avril (d’éventuels 2e tours au 26 et 29 avril);
et les élections des assemblées locales des Etats au 3 mai. L’auteur en esquisse l’atmosphère...


«C’est toi le gagnant o-o-oh! —– le gagnant, o-o-oh oui le gagnant! Jésus tu as gagné, o-o-oh! gagnant!!! Pata-pata tu gagneras toujours! -– gagnant». Voilà un échantillon des poèmes composés en pidgin english par les partisans des partis politiques pour accompagner leurs candidats aux meetings. Parodiant des refrains chrétiens, les partis politiques insèrent les noms de leurs candidats à la place de celui de Jésus, comme dans le refrain plus haut, alors que l’opposition devient «Satan» (comme dans le refrain ci-dessous).

Il existe un répertoire de centaines de poèmes de ce genre qui accompagnent les candidats partout où ils vont, dans leur campagne et leurs meetings. Quasi tous les candidats adorent chanter ces refrains comme une prière, et appellent leurs opposants «perdant». Le candidat est évidemment le gagnant, et l’opposant le perdant. Pour railler leurs opposants, ils chantent le même refrain, mais dans le sens opposé: «Le perdant o-o-oh! – le perdant! Tu es le perdant! le perdant o-o-oh! Satan t’a perdu - le perdant!!! Pata-pata tu perdras toujours! – perdant!».

La campagne est un amusement

C’est amusant de voir Olusegun Obasanjo et son coéquipier Alhaji Atiku Abubaka, candidats à la présidence et à la vice-présidence du Parti populaire démocratique (PDP), se déplacer habillés en costumes traditionnels de la population locale de l’Etat où ils se sont rendus pour un meeting. Comme les campagnes s’intensifient, l’électorat est devenu soudain «la belle fiancée» des hommes politiques.

Le Nigeria n’a jamais connu d’aussi beaux meetings de campagne électorale. C’est souvent un plaisir d’entendre les leaders lancer les plaisanteries à leurs opposants. Chacun veut briller et se proclame le meilleur candidat. Il est passionnant aussi de voir leurs supporters enthousiastes arriver dans des accoutrements et types d’uniformes différents, jouant les acrobates, avec des feux d’artifice et des danses, portant des bannières ornées de slogans criards, comme: «Votez pour Obj/Atiku, pour le progrès; dites non au sous-développement -– Votez UNPP. Votez pour l’équipe gagnante Buhari/Okadigbo».

Si un candidat mérite de gagner à cause de son habileté oratoire, de son éloquence et de sa maîtrise de la langue anglaise, c’est certainement Emeka Odumegwu Ojukwu, ex-leader biafrais et maintenant porte-drapeau de la Grande alliance de tous les peuples (APGA). Mais hélas, tous les Nigérians n’ont pas fait de hautes études, ce qui, à un récent meeting à Ibadan, capitale de l’Etat d’Oyo (ouest), a fait dire à un spectateur plutôt frustré: «Combien parmi nous peuvent bien comprendre cette haute grammaire?».

Un peu d’histoire

La dernière fois que les Nigérians ont assisté à une telle campagne date de 1993, sous le gouvernement militaire du général Ibrahim Babangida. Il n’y avait alors que deux partis politiques: la Convention nationale pour la rédemption (NRC) et le Parti démocratique social (SDP). Alhaji Barkin Tofa était le candidat présidentiel du NRC et Moshood Kashimawo Osuolale Abiola celui du SDP. Mais ces élections, gagnées par M.K.O. Abiola, furent frauduleusement annulées le 12 juin 1993, ce qui provoqua une dégradation de l’ordre public pendant près de 4 mois et, finalement, le général Babangida quitta la scène.

Est ensuite venu un gouvernement national intérimaire (ING), sous la direction de M. Shonekan, un technocrate, jusqu’à ce que, un peu plus tard la même année, le général Sani Abacha s’empare du pouvoir par une révolution de palais.

Le général Abacha a été le leader militaire le plus brutal de l’histoire du pays. Parvenu au pouvoir, il rencontrera une opposition ouverte et vigoureuse de la part de M. Abiola, qui se déclarait le président démocratiquement élu. Après une impasse de 4 mois, Abiola a été arrêté et emprisonné. Le gén. Abacha mourra subitement le 8 juin 1998. Un mois plus tard, Abiola meurt aussi, mystérieusement, alors qu’on s’apprêtait à le libérer.

Le général Abdusalam Abubakar prend alors la barre du pays et organise à la hâte des élections. Le 29 mai 1999, il passe le pouvoir au président élu démocratiquement, Olusegun Obasanjo. Voilà la genèse de la belle politique démocratique à laquelle nous avons assisté au Nigeria.

Se faire réélire

Après quatre années de gouvernement démocratique, les politiciens sont à nouveau dans les rues cherchant à se faire réélire, comme il est stipulé dans la Constitution de 1999. En grand style, la campagne a ramené le plaisir de voir les astucieux politiciens nigérians en action. Ils sont là pour enjôler, et pour se gausser et se moquer de leurs opposants. Ils se pavanent avec leurs drôles de bannières, leurs T-shirts à slogans et leurs casquettes ornées de toutes sortes de logos.

Chacun prétend avoir plus de partisans que ses opposants. Ils tiennent leurs assemblées sur les marchés, les stades ou en plein champ. Ils visitent les chefs traditionnels et ils promettent aux pauvres que leurs villages ou leurs cités deviendront des paradis. Les routes sinueuses seront redressées, les collines nivelées et les vallées comblées. Ils proclament que les Nigérians auront une vie si belle, qu’ils ne devront plus se préoccuper d’aller au paradis. C’est là, la joie de la démocratie. Chacun rend compte de tout ce qu’il a fait, présente le programme de son parti et ses projets de développement.

Les revers de la campagne

Les revers de cette campagne sont les nombreux cas d’assassinats politiques. Depuis que la Commission nationale électorale indépendante (CENI) a donné le signal du début de la campagne, il y six mois, les Nigérians n’ont plus dormi que d’un œil. Plusieurs candidats et financiers de partis ont été tués dans des circonstances qui ont pris la police au dépourvu. Le dernier est M. Marshall Harry, financier du second parti politique en importance, le Parti national de tout le Nigeria (ANPP), tué chez lui, devant toute sa famille, par un inconnu.

Auparavant, dans l’Etat d’Imo, M. Ogbonanya Uche, un autre homme éminent de l’ANPP et candidat au Sénat, a été aussi tué par un inconnu. Sa femme a pris sa place comme candidate pour un siège sénatorial dans le même Etat. Et il y a environ un an, le centre commercial d’Onitsha a été endeuillé par l’assassinat du président national de l’Association du barreau, fervent membre du parti au pouvoir, le Parti démocratique populaire (PDP), tué avec sa femme chez lui, à Port Harcourt.

Toutes les organisations religieuses demandent des prières pour la paix, afin que le régime démocratique ne soit pas sabordé sur l’autel de la violence. Que Dieu, en ce moment de l’histoire, aide le Nigeria.


SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 2003 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement