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POLITIQUE
Une crise d’identité menace maintenant les Soudanais du Nord
«Même si la population du Sud optait librement pour l’unité du pays, les gens du Nord pourraient être peu enclins à l’accepter», affirme Ahmed Owrabi dans un article intitulé “Le sort du Soudan du Nord”, publié le 24 décembre 2002 dans les Emirats arabes unis par le journal Al-Biyan.
Owrabi réagissait à un autre article, écrit par l’ingénieur Al-Tayeb Mustafa, membre du Congrès national (parti au pouvoir) et ministre de l’Information et de la Communication, et publié à Khartoum le 16 décembre 2002 dans le journal cité plus haut. Mustafa y posait plusieurs questions, telles que: «Pourquoi ne reconnaît-on pas aux gens du Nord les mêmes droits à l’autodétermination qu’à ceux du Sud? Qui trompe qui?». Il soulignait aussi les différences entre les deux peuples: leur langue, leur religion, leur race, leurs traditions et leur culture. «Comment peut-on réaliser l’unité entre deux nations, alors que ce qui les divise l’emporte largement sur ce qui les unit?», demandait-t-il.
Owrabi considère le Soudan du Nord et celui du Sud comme deux nations distinctes: «Je crois que la solution idéale à notre conflit serait une complète séparation du Soudan en deux nations». Il représente l’opinion de la majorité des Soudanais du Nord, victimes d’une politique sectaire. Ces Soudanais de descendance arabe semblent réaliser maintenant qu’ils ont été leurrés au cours de plusieurs décennies et désirent prendre leur destinée en main.
Pas de Nord sans Sud
et pas de Sud sans NordDans un autre article paru le 21 janvier 2003 dans le journal anglophone Khartoum Monitor sous le titre “Autodétermination pour les Nordistes”, Mohammed Ali Sharif Osman écrivait: «J’espère et je désire que l’an qui vient nous puissions voir un nouveau Soudan ou du moins un nouveau Soudan du Nord, et oublier le chant que nous avons appris à l’école primaire “Il n’y a pas de Nord sans le Sud et pas de Sud sans le Nord, nous sommes tous des frères”».
Ce chant a été composé au temps du dictateur Jaafar Mohammed Nimeiri, peu après la signature de l’accord d’Addis-Abeba qui avait fait entrer le pays dans une décade de calme trompeur. C’était un slogan pour l’unité des deux parties inconciliables du pays. Il incarnait une unité qui n’était qu’une imposture, caractérisée par la duperie, l’hégémonie, l’exploitation et l’oppression du Sud par le Nord.
De ce temps là, les écoliers devaient chanter des chants exaltant cette absurde unité nationale et son dictateur Nimeiri. De nos jours, les gens du Nord sont les premiers à reconnaître que ceux du Sud sont totalement différents, sous presque tous les aspects. Il est intéressant d’entendre comment ceux du Nord sortent des illusions entretenues durant près de cinquante ans à propos de l’unité du Soudan. C’est en effet une percée dans la politique moderne.
Même le président Omar El-Béchir a dit dans un de ses discours politiques: «Nous ne voulons pas une unité liée à la guerre». Et un intellectuel soudanais du Nord, Abu Al-Qassim Haj Hammed, lassé de la guerre, a dit: «Il n’existe aucune interaction civilisatrice entre Nordistes et Sudistes, mais uniquement des relations administratives imposées par les colonisateurs. Depuis 1955, nos relations avec les Sudistes n’ont été que des relations de guerre».
Un journal anglophone, The Journalist International, (qui ne paraît plus pour des raisons inconnues), écrivait l’an dernier dans sa page d’opinions: «La situation actuelle n’est pas juste. Les Nordistes devraient avoir eux aussi le droit de déterminer leur position vis-à-vis du Sud. Pourquoi seuls les Sudistes auraient-ils ce droit?».
Tout ceci montre bien que les gens du Nord font entendre maintenant le même son de cloche que ceux du Sud. De fait, un des objectifs du parti au pouvoir, le Congrès national, est de permettre la séparation du Sud, s’il devenait une trop grande menace. C’est pour cela que des figures très en vue, comme Al-Tayeb Mustafa, ministre de l’Information et des Communications, sont prêts à demander cette séparation.
Une crise d’identité
On pourrait poser la question: comment cela affectera-t-il l’adhésion du Soudan à la Ligue arabe? Al-Bagir al-Afit Mukhtar, un Soudanais du Nord vivant aux Etats-Unis, a présenté une étude intitulée “La crise d’identité au Soudan du Nord: Un dilemme pour une population noire avec une culture blanche”. Il y écrit: «Que les Nordistes aient un problème, cela apparaît dans le comportement politique de leur classe dirigeante. Une des premières décisions prises après l’indépendance, a été d’adhérer à la Ligue arabe. Tout comme d’autres groupes marginalisés, le Soudan était presque oublié par le monde arabe en temps normal. Ce n’est qu’une fois démoralisés et humiliés par la défaite stupéfiante, leur infligée par Israël en 1967, que les Arabes se sont souvenus du Soudan, lui ont donné une place centrale, et lui ont permis de jouer un rôle important dans la Ligue. Sa neutralité, ou plutôt son statut de spectateur, le désignait pour accueillir le Sommet arabe de 1967… Les Nordistes se considèrent comme des Arabes, mais les Arabes non. Quand les Nordistes ont des contacts avec le monde arabe, surtout dans le Golfe, ils sentent clairement qu’ils ne sont pas considérés comme de vrais Arabes, mais plutôt comme des “abid”». (abid, en arabe, est le pluriel pour esclave).
- Yusuf el-Hussei, Soudan, janvier 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source