ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 455 - 01/05/2003

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Gabon
Traitement de déchets industriels


ECOLOGIE


L’extraction excessive de minerais pendant 40 ans, pour répondre aux besoins des pays industrialisés,
a provoqué l’accumulation de milliers de tonnes de déchets industriels nocifs.
Les autorités gabonaises ont signé une convention pour leur traitement en France.
Une première.

Courant janvier, à la suite d’un long processus, le Gabon a pu signer avec la France une convention pour transférer et éliminer ses déchets dans l’Hexagone. «La France se félicite de la signature de cet accord exemplaire qui vise à aider un pays ami et à rendre moins pollué l’environnement gabonais», a déclaré l’ambassadeur de France au Gabon, M. Philippe Selz. L’accord porte “exclusivement” sur des déchets contenant des PCB (diphényles polychlorés), du plomb, du cadmium, de l’amiante et d’autres déchets toxiques générés par divers laboratoires, qui peuvent provoquer notamment des maladies pulmonaires ou des cancers de la gorge, explique un médecin de l’hôpital de Franceville, situé non loin des sites miniers de Mounana.

Dans un ouvrage intitulé “Les 3 piliers de la durabilité”, réalisé sous la direction du professeur Juste Boussienguet, on peut lire: «L’exploitation de l’uranium et du manganèse a commencé au début des années 1960, avant l’adoption du premier code minier de 1962. En conséquence, à l’exception de la construction de l’usine de concentration de l’uranium, non seulement l’appareil de production date des années 1960, mais les procédés utilisés sont ceux qui avaient cours à une époque où les préoccupations environnementales étaient considérées comme  secondaires».

Avec l’appui de l’Union européenne, la réhabilitation du site d’exploitation de l’uranium par la Compagnie minière de Franceville a été réalisée de 1997 à 1999. Les activités minières sont faiblement encadrées par la législation nationale et l’organisation de l’exploitation n’a pas été conçue pour répondre aux critères de performance environnementale. De sorte que les opérateurs étrangers se réfèrent à leurs propres règles ou à celles en vigueur dans la société mère ou au plan international.

Le sol et le sous-sol gabonais recèlent des richesses considérables: bois, pétrole, manganèse, uranium, fer, niobium, baryte, zinc, potasse, phosphate, soufre, or, qui constituent des atouts pour le développement du pays, mais qui, à l’inverse, ont transformé leurs terrains d’extraction en véritables poubelles géantes en l’absence de normes de réhabilitation de ces sites. Selon les ONG environnementales et le gouvernement, «le coût annuel de la dégradation de l’environnement est de 20 milliards de FCFA».

L’inquiétude des villageois

Les conséquences environnementales de l’exploitation minière se localisent évidemment autour des zones d’exploitation. Elles affectent les principales ressources naturelles et particulièrement les cours d’eau, les sols, la faune, la flore, les paysages, l’air et la santé des populations.

«Je n’aurai pas plusieurs enfants comme mes jeunes sœurs parties vivre en ville!». C’est le cri de désespoir que lançait dans une maternité de Franceville, dans le sud du Gabon, une jeune mère qui a toutes les peines du monde à avoir des enfants après avoir accouché d’un unique garçon, aujourd’hui âgé de 8 ans. A cause d’une grave affection pulmonaire, ce dernier a été contraint de quitter son village pour être soigné dans un hôpital de la capitale, Libreville.

La jeune mère et le garçon habitaient non loin du site qu’occupait l’usine (aujourd’hui fermée) de production d’uranium, un minerai qui, enrichi, est très recherché en Occident car entrant dans la composition du combustible destiné aux centrales nucléaires. Outre l’uranium, on exploite également dans cette région un autre minerai: le manganèse. «La tristesse se lit sur les visages des femmes et des hommes qui ne peuvent avoir une famille dans cette région minière du pays, où leurs plaintes ont mis en alerte les services de santé. De village en village, on a avancé que la toxicité ambiante, résultant des déchets d’uranium, était responsable des maux dont souffrent les villageois», confie Pascal Moussadji, l’infirmier du village.

En 1980, on a construit dans cette région le Centre international de recherche médicale de Franceville (CIRMF), un vaste observatoire de la santé. Des études effectuées à ce centre ont révélé les raisons d’une vaste zone d’hypofécondité. En effet, au cours de ces dernières années, la fécondité a constitué un problème  préoccupant pour les autorités gabonaises. Le CIRMF dispose d’un budget annuel d’environ 5,5 milliards de fcfa (plus de $10 millions) dont le financement est assuré par l’Etat gabonais (30%), Elf Gabon (55%) et la coopération française (10%). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a attribué au CIRMF le label de “Centre régional de l’OMS pour la reproduction, les MST et le sida”.

Maladies dans les zones radioactives

Un taux anormalement élevé de maladies pulmonaires et épidermiques dues à l’acidité du milieu ambiant a été observé dans la région minière de Mounana. D’autre part, les scientifiques du CIRMF ont émis l’hypothèse selon laquelle l’accumulation des déchets radioactifs serait la cause prépondérante des stérilités dans les deux sexes (78% des cas) qui caractérisent cette région du Gabon.

Des cas d’obstruction des organes génitaux, chez des femmes qui ont développé des maladies sexuellement transmissibles, ont retenu l’attention des médecins. «Au Gabon, les maladies parasitaires et le paludisme, fréquent chez la femme enceinte (33%), sont également responsables de la stérilité», disent les médecins du CIRMF. Pour eux, la seule solution thérapeutique des stérilités féminines liées à des obstructions tubaires est la fécondation in vitro ou fécondation médicalement assistée. Selon le docteur Félix Caillaud, «cette technique onéreuse a pu être pratiquée au plan expérimental par le CIRMF».

L’uranium a été exploité à ciel ouvert dans le sud du pays dans la région de Mounana, sur plusieurs dizaines d’hectares, et serait à l’origine d’une dégradation des sols et de la végétation. Sur les 36.000 tonnes de minerai marchand annoncées en 1996, on a constaté après 40 ans d’exploitation que le volume du minerai commercialisé a été de l’ordre de 28.000 tonnes.

Les points d’eau

Le professeur Juste Boussienguet soutient que «les perturbations imputables au traitement du minerai d’uranium affectent principalement les ressources en eau», et il cite la pollution physico-chimique des eaux de surface. Il souligne en outre que, dans la région de Mounana, «les eaux des rivières Ngamaboungou et Mitembé sont acides, et donc impropres au développement de la vie aquatique». Le traitement de l’uranium dans l’usine de Mounana est responsable de la pollution radioactive dans les zones de stockage de résidus de l’usine et du minerai commercialisable.

Pour les scientifiques, cela aurait entraîné la contamination des chaînes alimentaires. En outre, les agrégats de carrières d’uranium créent des excavations qui créent des milieux favorables au développement des vecteurs de maladies parasitaires.

La première alerte de menace de déchets industriels est venue de la région minière de Mounana, où les cours d’eau  augmentaient en acidité: des bancs de poissons en décomposition flottaient à la surface des rivières. Or, la pêche constitue pour les villageois l’une des principales activités dévolues aux femmes et aux jeunes filles. «Des maladies avec des symptômes étranges sont apparues après la fermeture de l’usine d’uranium en 1999. Au début tout se passait bien, même si les déchets n’ont jamais été traités mais déversés dans les cours d’eau environnants», témoigne Charles Sambat, un ancien mineur à la retraite.

Sylvie Menga, de l’association “Femme et environnement”, affirme que «les principales causes de la dégradation de l’environnement sont imputables à l’exploitation de l’uranium et du manganèse qui utilise des procédés qui avaient cours à une époque où les préoccupations environnementales étaient secondaires».

L’un des précurseurs au Gabon en matière de protection de la biodiversité est la compagnie pétrolière anglo-néerlandaise Shell-Gabon, qui a toujours traduit ses engagements en actes. La direction de cette compagnie a l’habitude de réaliser des études d’impacts environnementaux avant le début de toute activité. Depuis 40 ans, elle mène des activités dans le complexe de Gamba (au sud-ouest du Gabon), un important site de production pétrolière réputé à l’échelle internationale pour son potentiel biologique. Récemment, par exemple, elle a mis à la disposition de la Wildlife Conservation Society (WCS), d’Aventures sans frontières (ASF) et de la Direction faune et chasse (DFC) un remorqueur à trois niveaux pour l’observation des baleines à bosses, qui viennent pondre leurs œufs deux fois par an sur les côtes gabonaises.


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