ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 456 - 15/05/2003

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Ghana
L’horreur apparaît au grand jour


JUSTICE


En janvier 2003, le Ghana a commencé les sessions publiques de sa Commission de réconciliation

Des faits horrifiants continuent à se dévoiler et beaucoup de victimes peuvent espérer que leurs récits seront portés à  la connaissance du public. Elles ne cherchent pas à se venger, mais de mettre un terme, une fois pour toutes, à des années de supplices, de frustrations et de colère.

Depuis le début de l’exercice de réconciliation cette année, les victimes des violations des droits de l’homme continuent à revivre les atrocités déjà endurées à divers moments de l’histoire politique du Ghana. Pendant ce temps, le public apprend et sympathise avec leurs peines, leurs souffrances et leur mal.

Cet exercice de réconciliation, du même style que celui de l’Afrique du Sud, fut instauré en 2002 par une loi votée au Parlement pour rendre justice, établir les responsabilités et servir de base à des excuses et à la restitution.

Les récits des victimes font frémir. Il y a des rapports de torture, d’emprisonnement illégal de personnes innocentes à l’époque du Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC) et du Conseil de défense national provisoire (PNDC) de Jerry Rawlings. Et il y a aussi des rapports de violations des droits de l’homme durant l’administration civile.

Les témoignages

Inaugurée en janvier de cette année, la Commission de réconciliation nationale est maintenant en pleine action. Mais elle avait déjà commencé à recevoir les plaintes depuis septembre de l’an dernier. Elle en a enregistré 2.800, venant de personnes, de familles ou de groupes, dont une centaine a déjà été examinée à fond.

La commission est un bon point pour le gouvernement de John Kufuor qui l’avait promise, lors de sa victoire aux élections présidentielles en 2000, en vue de réconcilier la nation, après des années de graves violations des droits de l’homme et de violences sous des régimes inconstitutionnels. Ce sont ces faits-là, qui aujourd’hui sont examinés par la commission.

On s’est pourtant posé des questions sur la sincérité de tout le processus, puisqu’on a connu de mêmes abus sous des gouvernements élus constitutionnellement. Le Congrès national démocratique (NDC, opposition), dirigé par Rawlings, a accusé l’exercice de tendre à discréditer les deux régimes militaires, dirigés par Rawlings lui-même avant d’être constitutionnellement élu comme président.

Ce problème a été résolu en insérant une clause spéciale dans la loi qui s’y rapporte. Elle a créé «des nouvelles possibilités» pour des cas qui se sont produits durant la période des gouvernements constitutionnels et qui peuvent maintenant être présentés à la commission pour être examinés. Le ministre de la Justice, Nana Akufo-Addo, a souligné: «Le processus ne veut pas devenir une chasse aux sorcières. Son but est de reconnaître publiquement que des milliers de Ghanéens ont dû payer bien cher la lutte pour établir la démocratie et rejeter la tyrannie. La commission n’est pas un tribunal et n’a pas le pouvoir d’imposer des peines ou des sanctions. Son approche est centrée sur la  victime. Sa tâche, dans les cas appropriés, est de faire des recommandations pour que des réparations soient faites aux victimes qui ont été sujettes à de graves violations des droits de l’homme».

La plupart des plaintes reçues jusqu’ici, ou révélées lors d’une audience publique, se rapportent surtout aux domaines de confiscations illégales de propriétés ou de leur destruction, d’emprisonnements illégaux, de tortures, d’arrestations, mauvais traitements et assassinats par les forces de la sécurité. Tous ces cas s’étaient intensifiés durant les deux termes de Rawlings comme commandant militaire.

La liste des cas

Il faut noter que la plupart des plaintes en cours ont été déposées par des anciens militaires et policiers, soupçonnés par leurs collègues d’avoir pris part à un coup militaire, ou licenciés sans tenir compte de leurs conditions de service. Quelques-unes viennent de civils malmenés par des militaires par trop zélés.

L’ex-caporal Rex Ohemeng a décrit les tortures que lui et ses co-détenus ont dû subir sans avoir été jugés. C’était durant le régime du PNDC. L’ancien soldat Paul King Asimeng a racconté son arrestation, son emprisonnement illégal, les tortures et les menaces de mort que lui ont infligé en 1982 les agents du défunt PNDC, parce qu’il était soupçonné d’avoir participé à un putsch pour faire tomber ce gouvernement.

Togwe Satsimadza Afari II, un chef traditionnel, a fondu en larmes devant la commission. Il a déclaré qu’il avait été emprisonné illégalement et torturé, et que tous ses biens avaient été vendus durant le régime du PNDC. Sa santé s’en est détériorée et il n’a pu donner une bonne éducation à ses enfants.

Assistance et réconciliation

La Commission de réconciliation nationale (NRC) a pu installer des conseillers dans tous ses bureaux à travers le pays pour aider les victimes dans leurs besoins psychologiques. Annie Anipa, directrice des affaires publiques de la NRC, fait remarquer: «Nos conseillers font des visites de contrôle dans les maisons des personnes affligées qui ne peuvent venir aux bureaux de la commission, parce que le soutien psychologique est un aspect important de la réconciliation. A la différence des tribunaux ordinaires, la NRC ne cherche pas à identifier et à punir des délinquants, mais à établir la véracité des plaintes et à demander au gouvernement que les torts subis par les victimes soient réparés et leurs biens restitués». Elle reconnaît que réconcilier une nation n’est pas chose facile, mais «la commission est aidée du fait que la majorité des Ghanéens reconnaît le besoin de réconciliation, et elle travaille dur pour que ce processus se réalise».

La commission a pu réconcilier bon nombre de personnes, qui avaient été maltraitées, avec les auteurs de ces crimes. Il y eut un tonnerre d’applaudissements, des rires et des  sourires, tant parmi les membres de la commission que les autres personnes présentes, quand un gardien de prison qui avait maltraité un détenu, s’est publiquement réconcilié avec ce dernier lors d’une audience. Le gardien a publiquement demandé pardon, en son nom et en celui de ses collègues, pour les excès qu’ils avaient commis. Et en geste de réconciliation, il a embrassé une de ses victimes, à la grande émotion de la commission et du grand public.

Bien que quelques victimes aient cité le nom de Rawlings comme instigateur de certaines atrocités, la commission a jugé qu’il n’y a pas de preuves tangibles permettant de faire comparaître l’ex-président.

Le gouvernement a promis toute son aide pour que la commission puisse accomplir sa tâche avec succès. Il s’est aussi engagé à respecter l’indépendance de la commission et à lui donner une aide financière et logistique substantielle. Et avant que la commission n’achève sa tâche, il veut également consulter la population sur la création d’un Fonds de réparations pour les victimes des violations des droits de l’homme.

Mais qu’est-ce qui encourage les membres de la commission à persévérer dans leur tâche? Selon Mgr Charles Palmer-Buckel, évêque catholique de Koforidua et membre de la NRC, c’est la foi en Dieu qui donne à la plupart des Ghanéens la force de pardonner aux auteurs de ces violations durant les régimes inconstitutionnels.

Certaines victimes ont été déstabilisées, mentalement et émotionnellement, et souffrent de désordres physiques et psychologiques. Leurs témoignages lors des audiences publiques les aident à se défouler des peines qui leur restent sur le cœur et à retrouver leur dignité perdue.


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