ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 456 - 15/05/2003

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Congo (RDC)
Un peuple sans papiers


VIE SOCIALE


La ville de Lubumbashi est aujourd’hui la seule ville de la RD-Congo à détenir
une information exacte et actualisée sur sa population,
grâce à la coopération belge

Selon un rapport publié début avril 2003 par l’ONG américaine International Rescue Committee (IRC) basée à New York, la guerre qui sévit au Congo-Kinshasa est la plus meurtrière au monde depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Selon IRC, cette guerre a fait 3,3 millions de morts entre 1998 et 2002 dans l’indifférence presque totale de la presse internationale.

Combien de Congolais reste-t-il après cette tragédie humaine? Si l’on pose aujourd’hui cette question à un ministre congolais, il restera muet. Le Congo-RDC est en effet un des rares pays du monde où les autoriés ne connaissent pas le nombre exact de la population. La plupart des citoyens congolais naissent et meurent dans l’anonymat depuis des décennies. C’est la conséquence de la désorganisation des services de l’état civil depuis l’accession à l’indépendance en 1960 et des guerres civiles qui émaillent l’histoire du pays.

60 ou 50 millions d’habitants? Ou 45?

Le phénomène des naissances non déclarées et de l’absence de cartes d’identité va toujours en s’aggravant. Depuis la chute du régime du dictateur Mobutu en mai 1997 jusqu’à ce mois d’avril 2003, les Congolais n’ont toujours pas de nouvelles cartes d’identité. Il n’existe que d’anciennes  cartes, appelées «Cartes d’identité pour citoyen», frappées de l’ancien drapeau vert au flambeau du parti unique de Mobutu avec la mention «République du Zaïre». Dans le dessein de combattre l’infiltration de rebelles, le régime de Mobutu ne délivrait plus officiellement de «Cartes d’identité pour citoyen» depuis le début des années 1990.

Le régime de Kabila père (1997-2001), puis de Kabila fils (depuis le 26 janvier 2001), semble avoir suivi la même politique. Aux dernières nouvelles, le ministre congolais de l’Intérieur, Théophile Mbemba Nfundu, vient d’annoncer à Kinshasa l’impression en cours de nouvelles cartes d’identité portant la mention «République Démocratique du Congo» pour les Congolais estimés tantôt à 60 millions d’habitants, tantôt à 50 millions. Certaines sources indépendantes avancent même le chiffre de 45 millions d’habitants au Congo-Kinshasa, le troisième pays le plus vaste de l’Afrique après le Soudan et l’Algérie.

Selon un dépliant publié en 2000 par la Division de la Famille de la province du Katanga, 90% des enfants âgés de moins de cinq ans dans la province n’étaient pas déclarés à l’état civil.

Après l’accord de paix de Sun City en Afrique du Sud, le 1er avril 2003, un des plus grands défis du prochain gouvernement d’union nationale devant conduire la RDC aux premières élections libres, est la maîtrise du nombre de la population congolaise afin de lui délivrer des documents d’état civil. Car on ne peut pas voter quand on n’a pas de documents d’identité.

La méconnaissance de la population est aussi un frein au développement et favorise la violation des droits de l’homme. A titre d’exemple, les jeunes filles qui sont violées par des hors-la-loi dans les zones de guerre ne peuvent pas porter plainte contre leurs bourreaux parce qu’elles n’ont aucune existence officielle, faute de carte d’identité. Dans tous les pays démocratiques du monde, l’identification des individus est essentielle pour recevoir des soins médicaux, pour déposer une plainte devant la justice, pour s’inscrire à l’école, pour obtenir un permis de conduire ou un passeport, pour se marier, pour l’enrôlement dans l’armée, pour décliner son identité lors d’un contrôle de police, etc.

Lubumbashi, un îlot dans un océan

Mais en attendant qu’on remette la pendule à l’heure dans ce domaine stratégique, la ville de Lubumbashi, chef-lieu de la province du Katanga, fait exception en RDC. Et ce, grâce à la coopération avec la ville de Liège (Belgique) à laquelle elle est jumelée depuis 1961. Lubumbashi, surnommée la «capitale du cuivre», est la deuxième ville du Congo, subdivisée en sept communes. Selon Mme Carmen Fernandez, du service des relations extérieures de la ville de Liège, Lubumbashi est aujourd’hui «la seule ville du Congo-RDC à détenir une information exacte et actualisée sur sa population».

Selon cette fonctionnaire belge, qui a fait partie de la  deuxième mission de la ville de Liège ayant séjourné à Lubumbashi du 16 au 31 janvier 2003, c’est à la demande des autorités de Lubumbashi que la réorganisation de l’état civil de la capitale du cuivre a été acceptée par la ville de Liège.

En octobre 2001, celle-ci a envoyé quatre fonctionnaires qui ont passé deux semaines à travailler d’arrache-pied avec le maire Floribert Kaseba Makunko et ses bourgmestres pour recenser la population et délivrer gratuitement des actes de naissance à tous les enfants âgés de cinq ans et moins. Ce recensement a mobilisé près de 1.700 recenseurs qui, pendant 15 jours, ont parcouru la ville, recueillant l’information de porte en porte afin d’atteindre toute la population lushoise et d’attirer son attention sur l’importance d’enregistrer les naissances, mariages et décès.

Le dépouillement des données a permis de fixer le chiffre de la population à 1.180.387 habitants au 11 novembre 2001. Grâce à ce recensement, les nom, prénom, date et lieu de naissance, sexe, profession, etc. de chaque habitant de Lubumbashi sont maintenant connus par les autorités municipales, qui peuvent ainsi planifier leurs programmes de développement en matière de lutte contre la pauvreté urbaine.

Le  “ Registre de la population ”

Après ce recensement de 2001, il fallait passer à la création d’un Registre de la population. Avec des subsides accordés par le secrétariat d’Etat belge à la Coopération au développement, la ville de Liège a donné son accord à la mise en oeuvre du projet. Sa réalisation a été fixée pour 2003 et bénéficiait d’une subvention de 61.970 euros couvrant l’ensemble des coûts.

Comme en 2001, une mission de travail de la ville de Liège a séjourné à Lubumbashi pour permettre aux fonctionnaires de l’état civil de Lu’shi de tenir à jour l’ensemble des informations récoltées lors du recensement. Ces informations traitées et mises à jour constituent de véritables registres de population, aujourd’hui inexistants dans le reste du pays. Les Bureaux de la population dans les sept communes de Lubumbashi sont maintenant opérationnels et équipés en fournitures de base. Il convient encore de signaler que cette deuxième action prévoit également l’introduction de l’informatique pour la tenue à jour de l’état civil.

Un fonctionnaire de la ville a toutefois encore fait cette remarque, s’adressant à la Belgique: «C’est bien de nous avoir ainsi équipés. Mais la Belgique devrait maintenant aider notre pays à se doter d’un gouvernement à visage humain, qui puisse nous payer des salaires décents. Sans cela, nous risquons de vendre à la dérobée ces ordinateurs pour tenir le coup. Ce n’est pas facile pour nous, sous-fifres, d’être honnêtes quand on touche un salaire mensuel qui ne dépasse pas l’équivalent de cinq dollars en francs congolais».


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