ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 457 - 01/06/2003

CONTENTS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


Afrique centrale
Protéger les forêts du bassin du Congo


ECONOMIE


Dans l’ensemble, les forêts africaines couvrent environ 650 millions d’hectares
et représentent près de 17% de la couverture forestière mondiale.

Le bassin du Congo est le deuxième massif forestier mondial après l’Amazonie. Mais, chose curieuse, les six pays de l’Afrique centrale sur lesquels s’étend le bassin du Congo (Congo-Brazzaville, Congo-Kinshasa, République centrafricaine, Cameroun, Gabon et Guinée équatoriale), disposent de législations forestières mal gérées. Certains espaces forestiers de ce bassin subissent régulièrement des coupes sauvages et illégales. A quoi s’ajoute la mauvaise application des lois dans le secteur forestier, la mauvaise gestion et la corruption devenue monnaie courante dans ces pays.

Plusieurs causes expliquent la mauvaise exploitation des forêts: environnement politique dominé par les conflits armés, instabilité institutionnelle, pression démographique et, surtout, le fait que la plupart des entreprises évoluent dans un contexte de pénurie des “intrants” favorisant de facto la sous-traitance.

Ces forêts regorgent d’une biodiversité abondante, et leur protection permettrait aux pays membres de renforcer leurs économies respectives: ils perdent environ 10 milliards de dollars par an à cause uniquement de l’exploitation illégale. Au Cameroun, par exemple, la surface de forêt dense s’élève à 22,5 millions d’hectares, dont 17,5 sont exploitables à des fins de production de bois d’oeuvre. Mais l’approvisionnement des différentes scieries se fait souvent en grumes de mauvaise qualité, impropres à l’exploitation. D’où le faible rendement. Les sciages du secteur informel sont estimés en 1997 à 230.000 m3 et la gamme d’essences exploitées est réduite.

Autre cas de figure: le Congo-Brazza. Ici, l’intervention des opérateurs nationaux est presqu’inexistante. On y rencontre beaucoup de sociétés privées placées sous la houlette d’expatriés. Avec une superficie de 342.000 km², et quatrième pays du bassin du Congo, la République du Congo possède une forêt produisant du bois qui, jusqu’en 1973, était le premier produit d’exportation. Le pays attend à l’horizon 2006, son premier boom forestier. On prévoit que sa production en or vert passera à plus de 2 millions de m3 contre les 800.000 de 2001.

France et Etats-Unis

Du 21 au 23 janvier 2003, une réunion sur le partenariat pour la protection des forêts du bassin du Congo a permis aux experts africains, français, américains, canadiens, belges, etc, de se concerter sur les contributions et les domaines d’action prioritaires des pays partenaires, sur l’identification des domaines potentiels de collaboration et de coopération, ainsi que sur la mise en oeuvre du partenariat. Dans le but de conserver l’environnement, les partenaires au développement sont passés à la vitesse supérieure.

La France, principal créancier et partenaire économique de nombre d’Etats du bassin, entend affecter 15 millions d’euros sur les trois ans qui viennent. Le Fonds français pour la préservation de l’énergie mondiale ajoutera sa contribution de l’ordre de 5 millions d’euros. Et l’Agence française de développement donnera sous forme de prêt, pour trois ans, 30 millions d’euros.

«Nous allons essayer de trouver d’autres contributions. Il y a un effort pour cette opération qui nous paraît à la fois urgente et importante, mais aussi exemplaire pour les nouvelles méthodes de développement concerté en Afrique, à laquelle nous sommes particulièrement attachés», souligne Pierre André Wiltzer, ministre français délégué à la Coopération. Actions concrètes: face au désastre écologique, les experts en matière de développement forestier ne cessent d’élaborer des stratégies visant à améliorer la gouvernance des forêts africaines.

Pour aider les six pays du bassin du Congo, notamment dans la gestion rationnelle des ressources naturelles, les Etats-Unis entendent contribuer à hauteur de 53 millions de dollars. L’initiative concerne onze aires protégées et sera concentrée également dans le renforcement des capacités locales.

Avec ses 145 millions d’hectares, le deuxième poumon vert du monde est gravement menacé. Ses forêts font l’objet d’une exploitation abusive. Les mesures contenues dans les codes forestiers sont souvent foulées au pied.

Banque mondiale et fiscalité forestière

Pour être en conformité avec une étude menée par la Banque mondiale sur la fiscalité forestière en zone de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), le gouvernement congolais vient de rehausser le niveau de la fiscalité forestière de 4% à 8%. Ce qui devient un peu plus proche des fiscalités du Gabon et du Cameroun (17%). La révision de cette fiscalité vise un objectif précis: redonner de la valeur à ce secteur et faire rentrer plus de revenus. Mais comme il fallait s’y attendre, cela suscite des grincements de dents parmi les exploitants forestiers...

En effet, le gouvernement congolais avait signé avec les entreprises forestières une convention d’établissement portant sur 10 ans (de 1996 à 2006). Elles accusent donc le Congo de casser unilatéralement cette convention: «La convention de 1996-2006 stipule que l’Etat s’engage à garantir une stabilité fiscale qui ne pourra pas, dans le futur, être contredite par des textes légaux, quels qu’ils soient», écrivent-elles.

La plainte des forestiers

Selon ces compagnies, la convention est claire et «toujours valable». Jean-Marie Mevelec, directeur général de CIB-Congo (Congolaise industrielle du bois), souligne: «Nous avons respecté cette convention, parce que nous avons créé beaucoup d’emplois en l’espace de 4 ans. Nous sommes passés de 850 emplois à 1.700 à la Cib. On a ensuite respecté tout ce qui nous a été demandé, même ce qui n’était pas prévu par la convention elle-même. C’est le cas de la gestion durable de la forêt que nous faisons, voici trois ans, à travers des plans d’aménagement. La Cib a en charge 35 éco-gardes et 150 agents pour l’aménagement durable». Et Bruno Delanoue, directeur administratif et financier de la société IFO (Industrie forestière d’Ouesso), du groupe Danzer, ajoute: «Actuellement, on a une loi fiscale qui pénalise la production industrielle. C’est déplorable pour nous. Les entreprises ont été poussées par le gouvernement congolais à des engagements. Curieusement, ce même gouvernement revient aujourd’hui sur ces engagements. Il y a deux ans, on nous disait: investissez et produisez, donc transformez jusqu’à 80%. On le fait. Aujourd’hui, on nous tape dessus, en taxant la production industrielle. C’est un porte-à-faux qui n’encourage pas l’investissement dans le secteur du bois. Pourtant nous sommes d’assez bons contribuables qui payons régulièrement nos taxes. Il n’y a pas faillite du respect des engagements de la part des sociétés forestières. C’est l’Etat qui se contredit».

Pour Ifo, l’augmentation des taxes est de 204%. Les pertes dépassent 100 millions de FCFA par an. Pour la Cib, l’augmentation des taxes est de 250% en valeur et de 13% du chiffre d’affaires qui varie entre 28 et 30 milliards de FCFA, soit une augmentation de l’ordre de 4 milliards. «Ces taux sont supérieurs à nos bénéfices et à nos capitaux. Ensuite, on n’aura plus rien à investir. Ce qui voudrait dire qu’il faut tout réduire», assurent les forestiers.

En fait, l’augmentation des taxes forestières représente à peu près 9 milliards de FCFA par rapport à l’ancienne taxation. Ce qui représente 2% du budget de l’Etat. «Alors, comment peut-on mettre en danger la vie de 1.700 employés, en ce qui concerne la Cib, pour 2% du budget? Je pense que la Banque mondiale s’est trompée de cible. Ce n’est pas la décision qu’il faut, car une société qui tombe est très difficile à relever. La Banque mondiale a fait pression sur le pays, pour s’arrimer à la taxation de la CEMAC. Il faut comprendre que nous sommes à 1.250 km de Douala, et que la plupart des sociétés forestières camerounaises sont à 600 km de Douala. La réalité échappe aux décideurs. Le transport est très lourd. De Dolisie à Pointe-noire, le mètre cube coûte 12.000 FCFA. Mais de Pokola à Pointe-Noire, le mètre cube coûte 55.000 à 60.000 FCFA», affirme un forestier.

Pour remédier à cette situation, les forestiers ont sollicité l’arbitrage du chef de l’Etat et des pourparlers ont été lancés avec le gouvernement. «L’arrêt des activités est une option que nous envisageons. Dire que nous ne voulons pas mourir est un non-sens, puisqu’on va mourir à court terme», déclarent les compagnies forestières.


SOMMAIRE FRANCAIS | ANB-BIA HOMEPAGE | WEEKLY NEWS


PeaceLink 2003 - Reproduction authorised, with usual acknowledgement