ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 457 - 01/06/2003

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Cameroun
Les populations broient du noir


ECONOMIE


Coupures intempestives d’électricité à travers le pays, vieillissement des installations, baisse des débits fluviaux et du niveau d’eau des barrages de retenue,
croissance de la demande en électricité, clientèle indélicate…
La société d’électricité Aes-Sonel semble contrainte à rationner l’énergie

Le vocabulaire des Camerounais s’est enrichi depuis quelques années d’un nouveau terme: “Délestages”. Il s’agit en fait d’un plan de rationnement de l’électricité publié par la société à capitaux majoritairement américains, Aes–Sonel. Une situation qui coïncide avec la grande saison sèche qui va de novembre à mars. Mais le rationnement d’électricité s’étend jusqu’au mois de juillet. Par exemple, les quartiers Emombo, Ekounou, situés au sud de Yaoundé, sont privés d’électricité le mercredi dans la soirée. Il en est de même des habitants de l’est de la capitale. Chaque partie de la ville, comme du pays, a ses jours de rationnement d’électricité.

Contrairement aux autres villes, Yaoundé a un traitement de faveur malgré les plaintes de ses habitants. Mais M. Joseph Ndi Nsamba, fondateur de Radio Lumière, s’insurge: «Nous en avons marre des coupures intempestives d’électricité. Nous pensons à nos auditeurs. Lorsque des programmes sont annoncés et qu’à notre niveau tout est fait pour les passer, comment peut-on travailler sereinement dans un contexte de concurrence avec ces coupures qui abîment les appareils?».

Pour parer au plus pressé, le promoteur de Radio Lumière a jeté son dévolu sur une autre source d’énergie. «Je viens d’acheter un groupe électrogène pour un montant de plus de six millions de FCFA (9.160 euros). Avec le concours de nos techniciens, cet équipement alimente nos installations quelques secondes après les errements d’Aes-Sonel qui est incapable d’alimenter le pays».

Les groupes électrogènes sont à la mode dans les villes du Cameroun. Les principales installations sanitaires, comme l’hôpital général de Yaoundé, et les hôtels de référence s’en sont dotés. A l’imprimerie Africa Multimédias, les employés ne sont pas encore habitués au ronflement de leur groupe électrogène. D’autre part, la plupart des salles de rédaction pâtissent encore des coupures d’électricité, d’autant plus que le plan de rationnement n’est pas toujours respecté. Une triste réalité qui amène très souvent les rédacteurs en chef à écourter les délais au grand dam des reporters en mal de recoupement d’information.

Les causes et les remèdes

Selon Aes-Sonel, repreneur de la Société nationale d’électricité du Cameroun privatisée en 2001, plusieurs raisons expliquent la politique de rationnement dans les villes et villages.

Au nombre des causes figure en bonne place l’absence d’investissements pendant les années précédant la privatisation, des investissements qui auraient dû assurer la fiabilité du réseau et en accroître la capacité de production, vu la croissance de la demande. Le non-remplacement des équipements vétustes a entraîné un effondrement du réseau.

Un point de vue qui n’est pas celui de Marcel Niat Njifenji, directeur général pendant une vingtaine d’années de la société d’électricité reprise. Ses anciens collaborateurs ne manquent pas de rappeler que, sous leur direction, le Cameroun n’a pas connu de rationnement d’électricité. Faux, rétorquent des sources proches d’Aes-Sonel, qui font état d’un rationnement en douce, préservant toutefois Yaoundé et les zones industrielles du pays comme celles de Douala. Toujours est-il qu’Aes-Sonel doit faire face au défi majeur que constituent la réhabilitation des réseaux dégradés et l’augmentation de la capacité de production.

L’autre cause du rationnement d’électricité est consécutive à la baisse des débits fluviaux et du niveau d’eau des barrages de retenue par rapport aux années précédentes. En fait 90% de l’énergie camerounaise sont d’origine hydraulique (barrage sur la Sanaga, principal fleuve du Cameroun). Le réseau sud en particulier dépend essentiellement des débits instables de ce fleuve et de l’accumulation des eaux de pluies dans les barrages de retenue.

Pendant l’année en cours, les pluies ont alimenté les barrages de retenue à 81% de leur capacité, mais le fleuve reste sujet à de fréquentes variations. Les spécialistes rapportent que, tout au long de son histoire, la Sanaga n’a connu de débit aussi bas que dans 15% des cas. Bien que supérieur de 10% par rapport à celui de l’année dernière, il reste largement en dessous de la moyenne.

En même temps, l’unique société d’électricité Aes-Sonel doit faire face à la croissance de la demande. La demande en énergie croît à un taux annuel d’environ 8%. De plus, pendant une journée, elle augmente en moyenne de 60% entre 18h et 22h.

Des clients...indélicats

La tâche d’Aes-Sonel est aussi rendue difficile par une multitude de clients indélicats spécialisés dans la fraude. Le recouvrement des factures impayées s’élève à près de 20 milliards de FCFA (quelque 30 millions d’euros). Ces impayés incluent les factures accumulées depuis juin 2000. A cela s’ajoutent les branchements de clients pirates à partir des poteaux électriques ou sur les lignes des citoyens qui payent régulièrement leurs factures.

Face au besoin en énergie, Aes-Sonel a effectué des investissements, notamment dans l’exploitation de centrales fonctionnant au gasoil. Or, le coût du combustible nécessaire au fonctionnement de ces centrales est de loin plus élevé que les recettes produites par la consommation de l’énergie. Pour produire de l’énergie thermique et limiter le délestage pendant la saison sèche, Aes-Sonel pourrait dépenser 50% de plus que ce qu’elle reçoit du tarif moyen.

Pour améliorer l’état du réseau électrique et limiter l’impact de dégradation, Aes-Sonel a annoncé un plan d’investissements. 53 milliards de FCFA pour l’amélioration du réseau, avec une puissance supplémentaire de 47 Mw, de nouveaux transformateurs, des turbines hydroélectriques réhabilitées… D’autre part, il est demandé aux gros consommateurs de ramener leur consommation en dessous des obligations contractuelles. Aes-Sonel espère ainsi récupérer 15 Mw au profit des populations. Les clients insolvables quant à eux, ont eu une dernière chance de parvenir à un accord de règlement, faute de quoi leur fourniture d’énergie sera suspendue.


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