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Malawi |
POLITIQUE
Le Malawi connaît une crise économique, la pire depuis son indépendance
Les pauvres au Malawi connaissent des difficultés toujours croissantes suite à la hausse incessante des prix de la nourriture, du logement, de l’éducation, du transport et des soins de santé. La pandémie du SIDA frappe durement le pays: 15% de la population seraient séropositifs. En plus du décès des chefs de famille et du coût des factures des médicaments et des funérailles, on compte des centaines de milliers d’orphelins du SIDA. Certains ont été adoptés par des membres de leur famille élargie, d’autres sont abandonnés dans les rues.
Ce problème a nécessité la création de centres spécialisés pour ces orphelins. Mais ce sont surtout les femmes qui portent le poids social et financier des soins à donner aux membres de leur famille et de l’adoption des enfants, car les services sociaux sont fort limités. Pour recevoir l’aide de l’Etat, il faut remplir un tas de paperasseries avant d’obtenir le peu disponible.
Le Malawi connaît la plus grande crise économique depuis son indépendance. Le FMI, la Banque mondiale et beaucoup de pays donateurs ont refusé de mettre des fonds à la disposition du Malawi, à cause de sa politique économique défaillante. Cela a créé un énorme manque de devises étrangères. On prétend aussi que des sommes colossales ont été gaspillées, lors des meetings du président Muluzi.
En janvier 2002, l’inflation est montée à 26% et elle est restée à 23,1% pour l’ensemble de cette année. Récemment, le prix du pétrole et du diesel a augmenté de plus de 60%, et de 40% le pétrole lampant, dont se servent les ménages pauvres dans les villes. Ainsi, le revenu moyen des familles urbaines pauvres a été érodé encore davantage.
Le 1er novembre 2002, le gouvernement a imposé une surtaxe au commerce de détail, soi-disant pour augmenter les revenus du gouvernement. La hausse des prix qui a suivi, n’a évidemment pas épargné les pauvres. Plus de 85% des 11 millions d’habitants du Malawi vivent dans les régions rurales. Plus de 60% de la population vivent sous le seuil de pauvreté de $1 par jour.
Le “troisième mandat”
La crise économique a encore empiré parce que le Front démocratique uni (UDF) n’a pas trouvé de successeur valable pour remplacer le président Bakili Muluzi. Quand son deuxième mandat arrivera à terme, en 2004, il ne pourra plus se représenter. Le débat sur le “troisième mandat” a été très coûteux en termes humains et financiers. Jusqu’à récemment, le président Muluzi a tenu des meetings pour obtenir l’appui à une candidature: chacun de ces meetings aurait coûté autour des 67.000 dollars. Le 26 janvier 2003, les députés ont été convoqués à une session parlementaire d’urgence pour débattre le projet de loi permettant à Muluzi de se représenter comme président. Cela a encore coûté aux contribuables quelque 110.000 dollars...
Il y a d’autres coûts. Les Malawites ont été obligés de garder le silence, par peur des tout-puissants “Jeunes démocrates”. Des membres de l’opposition ont été brutalisés, les opinions divergentes réduites au silence, le clergé accusé d’être «aveugle et retardataire». Des journalistes ont été attaqués. Le droit de manifester a été révoqué. Certains parlementaires ont «vendu leur conscience» et appuyé le troisième mandat en échange de quelques dons en sous-main.
Ce problème d’une autre candidature de M. Muluzi était devenu une priorité nationale, en lieu et place des vrais problèmes du pays: la pauvreté, le VIH/SIDA, la corruption, l’inefficacité du service civil, l’immigration illégale, le chômage, le déboisement, la baisse des niveaux de l’enseignement et le nombre stagnant de la population.
Durant ce débat, on a aussi examiné de très près le rôle des Eglises. Ainsi par exemple, Mike Mbewe, dans une lettre au rédacteur de The Lamp (nr 40, mars-avril 2003), faisait remarquer que beaucoup de parlementaires favorables au changement de la Constitution étaient des catholiques. «Les Eglises sont-elles en train de perdre la bataille?», se demandait Mike. «Les partis politiques exercent sur les personnes importantes une influence bien plus grande que les Eglises l’aient jamais pu espérer. L’Eglise semble n’avoir une emprise que sur les pauvres et les sans voix». Mais l’Eglise est-elle vraiment perdante? Cela reste encore à prouver.
Les gagnants et les perdants
Les gagnants dans cette crise ont été ceux qui accompagnaient le président Muluzi dans tous ses meetings présidentiels. Ils ont amassé une petite fortune sous forme “d’allocations”. Le président est renommé pour sa générosité lors de ses meetings publics. Chaque groupe de danseurs ou de chanteurs a reçu au moins 100$ en gage de reconnaissance.
Mais le 30 mars, il y eut un changement dramatique. Le président a enfin annoncé son successeur, le Dr Bingu wa Muntharika, enterrant ainsi le débat du troisième mandat. Cela a été un coup rude pour les défenseurs de ce mandat, notamment pour des gens comme Gerald Johnstone et le gouverneur UDF de la région méridionale, Davies Kapito. Si c’est une défaite pour les partisans du projet de loi, c’est une victoire pour les Eglises, la société civile et tous ceux qui sont opposés à un troisième mandat pour le président Muluzi.
Les Malawites ont appris avec soulagement que le Dr Bingu wa Muntharika serait le leader de l’UDF dans les élections générales de 2004. Le Dr Cassim Chilupmha assistera Wa Muntharika en tant que candidat à la vice-présidence. Mais les deux doivent encore être confirmés par la Convention nationale de l’UDF, prévue pour avril de cette année.
Un autre défi
Maintenant que le problème du troisième mandat est solutionné, peut-on espérer que la crise politique du Malawi soit arrivée à son terme? Les défis auxquels le pays doit faire face restent terrifiants. Le pays est toujours appauvri. Les services sociaux se sont effondrés pendant toutes ces années de corruption et de pillage. L’épidémie grandissante du sida pourrait bien submerger toute la société. L’espérance de vie a déjà décliné de 41 ans à 39 ans.
Le père Piergiorgio Gamba, dans son éditorial de la revue The Lamp (nr 38, novembre-décembre 2002), écrivait: «Face à la situation économique actuelle, nous devons conclure que la musique s’est tue et que les danseurs doivent plier bagage et s’en aller. Le défi n’est plus celui du troisième mandat ou tout autre formule qu’on pourrait inventer pour satisfaire le désir d’immortalité personnelle. Le défi actuel est la survie du gouvernement au pouvoir ou plus précisément la survie du peuple».
Bien que le président ait enfin clarifié sa position, le peuple est encore en colère. Le harcèlement subi pendant cette longue lutte contre le troisième mandat, le courroux des Jeunes démocrates de l’UDF, et tout l’argent donné aux députés pour acheter leur appui au troisième mandat, sont des sujets d’inquiétude. Les Malawites pourront-ils jamais pardonner à celui qui a mené son pays dans une telle situation?