ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 457 - 01/06/2003

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Ouganda
La police veut améliorer ses services


VIE SOCIALE


Depuis longtemps, la police ougandaise a la réputation d’être
l’institution la plus corrompue de l’Ouganda,
trop lente dans ses
enquêtes et dans la poursuite des criminels.
Mais elle s’efforce d’améliorer son image et la situation semble évoluer petit à petit.

Les problèmes de la police proviennent en partie des faiblesses internes de cette institution et en partie de la politique. En 2000, après une longue enquête sur la corruption et les abus de la police, une commission judiciaire était arrivée à la conclusion que la corruption règnait surtout parmi des officiers supérieurs, dans le département de la police criminelle (CID) et dans celui du trafic.

Le rapport mentionnait en particulier la corruption quand on demandait la protection de la police. Sous la direction de la juge Julie Sebutinde, magistrat à la Haute Cour, la commission d’enquête a tenu des audiences publiques où les officiers supérieurs devaient justifier leur conduite, tandis que des citoyens exposaient leurs griefs.

Les manquements de la police

La confiance dans la police est tombée à son niveau le plus bas depuis que des officiers supérieurs, surtout ceux qui dirigent les enquêtes sur la grande criminalité, furent accusés d’accepter des pots de vin pour minimiser des affaires ou pour étouffer des délits, permettant ainsi aux suspects d’échapper aux poursuites judiciaires et empêchant à la justice de suivre son cours. Et cela, alors que tout le pays subissait une hausse du taux de criminalité. Ce manque de confiance du public dans la compétence de la police pour enquêter et poursuivre les présumés criminels, a été à l’origine d’une justice de la rue et de lynchages de suspects.

On a pu prouver que plusieurs policiers étaient compromis dans des activités criminelles. Ainsi, la commission judiciaire a mis en lumière l’implication d’un officier supérieur de police dans la location d’armes à des voleurs de Kampala. En juin 2002, environ 12 millions de shillings ougandais disparaissent, alors que la police venait juste de récupérer cette somme après avoir tué quatre voleurs lors d’un braquage à Kampala. En septembre 2002, après un autre vol à Kampala, trois agents de police s’emparent de l’argent volé, 10 millions, et deux d’entre eux s’enfuient avec l’argent.

Après cette enquête judiciaire, quelques policiers incriminés ont été licenciés et d’autres engagés à leur place. Cependant, le gouvernement a refusé de poursuivre en justice les policiers reconnus coupables de corruption, au grand mécontentement du public.

Les mesures prises

Le président Yoweri Museveni avait suggéré que, si on voulait combattre le crime violent, il fallait d’abord réformer la police et cela au plus vite. «J’ai désigné le général Katumba Wamala pour mener à bien cette transformation, avait-il dit. Avec une bonne police et un bon système judiciaire, la situation doit s’améliorer».

Des mesures radicales ont été prises pour combattre les vols à main armée et les crimes violents. Une de ces mesures est l’«Opération Wembley», lancée le 25 juin 2002 sur décision du président. Il s’agit d’une opération conjointe menée par la police ougandaise, l’Organisation de la sécurité interne (ISO) et d’autres agences de sécurité. Depuis sa création, des centaines de présumés criminels ont été arrêtés, et d’autres tués. Certains ont été jugés par un tribunal militaire –- ce que des avocats et des défenseurs des droits de l’homme ont déclaré illégal et anticonstitutionnel.

Mais l’«Opération Wembley» a aussi connu des abus. Des agents ont exagéré, arrêtant arbitrairement et illégalement des suspects, et les soumettant à la torture. On a vu des individus, qui se faisaient passer pour des agents de l’Opération Wembley, arrêter illégalement des personnes innocentes pour leur extorquer de l’argent. Mais, assure le porte-parole de la police, Asuman Mugenyi, l’opération a maintenant été restructurée et est devenue, sous la direction de la police ougandaise, la Violent Crime Crack Unit (VCCU, Unité de combat contre le crime violent).

Si la police a eu des problèmes, c’est parce qu’elle a été négligée par le gouvernement du Mouvement de résistance nationale qui, depuis 1986, quand Museveni a pris le pouvoir, s’est montré plutôt «hostile» à son égard. Museveni lui en voulait parce que, en général, la police n’avait pas voulu voter pour lui, lors des élections présidentielles de 2001.

Le gouvernement a aussi été accusé de négliger la police et de favoriser l’armée. Il ne faut pas oublier que le noyau de l’armée était avec Museveni quand il menait sa guérilla dans la brousse, et qu’il l’a accompagné quand il «est sorti du froid». Le président se défend d’avoir délibérément négligé la police. Il dit que d’autres institutions comme celle de la police ont connu des problèmes, et que ces problèmes ne peuvent pas être changés du jour au lendemain. Sa priorité a été de transformer son armée de guérilla en une nouvelle armée nationale.

Le point de vue du public

Malgré le manque de personnel et de moyens, la police s’est évertuée à maintenir la loi et l’ordre. Malgré ses défauts, la grande majorité du public est d’accord pour dire que la police fait du bon travail dans des circonstances difficiles. Au lieu de blâmer publiquement la police, le pouvoir exécutif aurait dû chercher des moyens pour la renforcer en lui donnant du personnel et des moyens.

L’ONG Harmony Cares organisait le 28 février 2003, à Kampala, une réunion communautaire pour évaluer la police. Selon sa présidente, Olivia Kyambadde, la police a été trop longtemps l’objet de beaucoup de sarcasmes de la part du public qui a une attitude négative à son égard: «Nous devrions oublier les aspects négatifs et apprendre à apprécier les petites choses positives que fait la police. C’est ainsi que nous l’aiderons à refaire son image».

Améliorer le service

Les députés, la société civile, le grand public, tous sont d’accord pour dire que la police, en tant qu’organisme pour faire respecter la loi, devrait être plus nombreuse, plus forte, bien entraînée et suffisamment équipée pour pouvoir bien exécuter ses obligations imposées par la loi. Il y a moins de 15.000 agents de police dans un pays qui compte 24,6 millions d’habitants.

La police ougandaise continue à recevoir de l’aide du gouvernement britannique, son plus important soutien traditionnel, pour lui permettre d’améliorer ses moyens et la formation de ses agents. Le 28 février dernier, l’ambassadeur des Etats-Unis en Ouganda, Jimmy Kolker, a promis que son gouvernement continuera à financer la formation de la police ougandaise pour les trois années à venir.

L’inspecteur général de la police, le général Wamala, pour qui la corruption reste toujours le principal défi pour la police, a juré de prendre des mesures très sévères vis-à-vis des policiers corrompus et de leurs corrupteurs. De fait, un bon nombre de policiers accusés de corruption a été licencié.

Mais le public a aussi un rôle à jouer dans l’éradication de la corruption. On a déjà mis en garde les automobilistes contre les pots de vin offerts à la police de la circulation: «Nous ne pouvons pas combattre la corruption si nous avons encore cette tendance. Un policier qui accepte des pots de vin ne peut bien faire son travail. Celui-ci se fera au petit bonheur, si même il se fait». Les pots de vin engendrent une escalade dans le nombre de victimes des accidents de la route, affirme Wamala.

Réhabilitation des alcooliques

La police a commencé à inculquer de la discipline dans ses rangs. Fred Yiga, commissaire pour la direction des ressources humaines de la police, est chargé de la réhabilitation des policiers alcooliques. Dès qu’il est identifié, le policier alcoolique doit suivre deux semaines d’exercices physiques très rudes.

En mai 2002, environ 350 policiers, venant de postes de provinces, ont commencé à suivre de tels exercices au centre de formation de Kibuli, à Kampala. 81 d’entre eux ont suivi des séances de conseils professionnels.

Le commissaire Yiga leur rappelle pourquoi ils sont dans la police: «Vous êtes ici pour que vous puissiez vous appliquer à mieux faire votre travail. Nous attendons de vous que, une fois quittés ces lieux, vous vous mettiez au travail avec entrain, et que vous le fassiez avec compétence».

Une initiative intéressante est le programme de police communautaire, dans lequel le public collabore à toutes les activités policières. La prévention du crime en est un point important. Pour John Kamya, responsable de cette police communautaire et de la prévention du crime, la prévention est le meilleur moyen d’arrêter le crime avant qu’il ne soit commis. «On intervient avant le crime, et non après».

Pour diminuer le nombre de crimes, dit-il, il suffit de quelques stratégies bien simples. Il faut, par exemple, rendre difficile et compliqué le vol des objets convoités, avec l’installation de portes solides, de clôtures électrifiées, de systèmes d’alarme, etc.

Un autre moyen de prévention est l’engagement des communautés dans une surveillance mutuelle du voisinage: «La formation de groupes de surveillance du voisinage dans les quartiers résidentiels, est très importante. Les gens devraient surveiller les maisons et les propriétés de leurs voisins et signaler les cas suspects», dit Kamya. Cela demandera aussi une augmentation des postes de police à la campagne, si on veut vraiment assurer une police communautaire efficace.

Tout compte fait, on dirait que l’Ouganda veut sérieusement améliorer ses services de police.


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