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ECONOMIE
Jadis petit eldorado pétrolier de l’Afrique centrale, le Gabon est considéré
Malgré les revenus que lui procurent ses richesses minières et son pétrole, dont les réserves s’amenuisent, le Gabon a besoin d’explorer d’autres ressources. Cette alternative est rendue nécessaire, car le pays, qui traverse une crise financière, a une économie bâtie sur les revenus pétroliers.
La vie est devenue chère à Libreville, où vit plus de la moitié de la population gabonaise. La baguette de pain est passée de 100 à 125 FCFA (Ndlr: 1 EUR = 656 FCFA). Le poulet peut valoir jusqu’à 7.000 FCFA et plus. Une cuisse de poulet, dans un restaurant, est facturée à 4.000 FCFA. Le sucre a grimpé de 700 à 850 FCFA le kilo; les 4 doigts de banane plantain sont proposés à 1.000 FCFA, alors qu’à Malabo, en Guinée équatoriale, 6 doigts coûtent 500 FCFA. Les commerçantes proposent un ananas à 1.000 FCFA. Au supermarché M’Bolo, la fourchette des prix est tout aussi impressionnante. Les postes radio vendus à Abidjan entre 10.000 et 30.000 FCFA, coûtent à Libreville entre 40.000 et 70.000 FCFA. Quant aux téléviseurs ou aux congélateurs, les prix sont ahurissants.
Selon le classement publié à la mi-décembre 2002 par The Economist Intelligence Unit, la capitale gabonaise apparaît de loin comme la ville la plus coûteuse du continent africain. Dans un pays durement touché par la baisse de la production pétrolière et par l’absence de nouvelles découvertes, le coût de la vie pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages. Ce qui préoccupe beaucoup les bailleurs de fonds internationaux, à l’instar du Fonds monétaire international. Si le salaire minimum gravite autour de 47.000 FCFA, le coût élevé de la vie au Gabon est dû en grande partie à l’absence de concurrence sur le marché.
Libreville fait partie des cinq villes les plus chères du monde. Aussi, la cherté de la vie a-t-elle engendré la paupérisation des populations qui y vivent. Les énormes taxes douanières obligent les entrepreneurs à adapter leurs prix. «Beaucoup de sociétés pratiquent des prix élevés et disposent généralement de marchandises correspondant aux besoins d’une clientèle aisée», remarque Mme Sylvianne Nimbo, contrôleur des prix.
Comme pour compliquer la situation, certains commerçants créent artificiellement des pénuries de marchandises. Le pays est soumis à une dépendance alimentaire presque chronique, car la plupart de ses denrées alimentaires proviennent des pays de la sous-région (Cameroun, Sao Tomé et Principe, Congo, Tchad, Guinée équatoriale...), ainsi que d’Europe, d’Asie, d’Afrique du Sud et, depuis peu, des Emirats arabes unis. En outre, l’absence de routes fiables ne facilite pas le déplacement des gens, contraints de prendre l’avion.
L’agriculture comme alternative
«Pour réduire de manière substantielle la cherté de la vie, le Gabon tente, non sans difficultés, de promouvoir une agriculture qui assure actuellement moins de 20% des besoins alimentaires du pays. Depuis la dévaluation du FCFA, en janvier 1994, le pays ne s’est pas remis des crises financières successives des années 1998 et 1999», analyse M. Cyriaque Mba, ingénieur agricole. Avec la baisse des revenus pétroliers qui représentent près de 80% des exportations, et la délocalisation, entre autres, de l’entreprise pétrolière Shell-Gabon (dont le siège a été transféré de Port-Gentil à Gamba, au sud-ouest du Gabon), le chômage a gagné les grandes villes. Bien que le climat équatorial, avec ses pluies abondantes, soit favorable au développement de l’agriculture qui peut se substituer à l’exploitation pétrolière, le Gabon a toujours délaissé ce pan de l’économie.
Longtemps marginalisée, l’activité agricole semble connaître un timide essor. Bon nombre de Gabonais s’adonnent aussi à l’agriculture de subsistance pour faire face à la dégradation du pouvoir d’achat. «L’idée a fait son chemin et, lentement, quelques familles ont créé des potagers derrière leurs maisons. Les champs de manioc et de bananes se sont développés», fait remarquer Didier Ogoula, fonctionnaire au ministère de l’Agriculture. «Les prix sont chers au marché et il est difficile de nourrir toute la famille. Il y a cinq ans, avec 5.000 FCFA on pouvait préparer un repas pour dix personnes. Aujourd’hui, il faut le triple du prix et nous ne disposons plus de moyens. Je plante pour nourrir ma famille», déclare l’agriculteur Michel Mintsa.
Face à un environnement marqué, entre autres, par la globalisation de l’économie, les fonctionnaires et les travailleurs du privé vivent de crédits cycliques, car les travailleurs manquent d’argent généralement une semaine après avoir perçu leur salaire… déjà amputé par “la quinzaine”, un retrait intermédiaire que leur octroie les banques moyennant un intérêt.
Les pouvoirs publics et les organisations internationales ont initié quelques actions pour promouvoir l’agriculture. Ainsi, l’Institut gabonais d’appui au développement, qui soutient et encadre la création d’entreprises agricoles et para-agricoles, a permis la création de 210 entreprises qui injectent chaque jour sur le marché local 15 tonnes de légumes, 15 tonnes de volailles et 2,5 tonnes de viande de porc. Mais les produits de première nécessité font l’objet de pénuries fréquentes à cause des monopoles, mettant ces produits hors de la portée de toutes les bourses. En février 2003, l’huile de cuisine était introuvable à Libreville, mais elle se négociait dans l’informel entre 1.500 et 2.500 FCFA, alors que son prix habituel plafonnait à 1.000 FCFA.
De nouvelles habitudes alimentaires
Jadis réservés aux familles de faibles revenus, la queue de boeuf, les pâtes de poule et les côtelettes de bœuf, dont les prix ont augmenté à cause de la forte demande, se retrouvent sur la table des cadres aisés. Notons que la queue de bœuf représentait le plat familial populaire au début des années 90.
M. Cyprien Moussavou, électricien et père d’une famille de 7 enfants, considère qu’«il est difficile de varier son alimentation, car l’argent réservé pour la nourriture est limité». A cause de son prix abordable, le riz est devenu l’aliment incontournable des ménages et cela a contribué à modifier les habitudes alimentaires des Gabonais. «Mais toutes les initiatives pour développer l’agriculture demeurent encore insuffisantes, car elle n’est pas encore ancrée dans les mœurs, l’Etat n’ayant pas fait de ce secteur une priorité depuis les années 70, période du grand boom pétrolier», note l’économiste Clément Mbourou. Pour réussir son pari agricole, l’Etat devra mettre en place de nombreuses structures tout en formant du personnel technique qualifié dans l’agro-alimentaire.
Mauvaise répartition des revenus
«Les revenus du pays sont inégalement répartis entre la population, au point qu’on trouve une minorité qui se partage les 75% des richesses du pays, alors que la majorité des familles se contente des 25% restant et vit dans la misère”, explique Xavier Ndong, agent au ministère du Plan. Avec une superficie de 267.667 km2, couverte à 80% par la forêt, le Gabon possède des sols très fertiles et propices à l’agriculture. Mais celle-ci ne représente que 8% du Produit intérieur brut, et les quelques productions agricoles locales ne couvrent que 20% environ des besoins alimentaires. «Avec la chute des réserves pétrolières et la précarité de l’emploi qui sévit dans plusieurs secteurs de l’économie gabonaise, le chômage et la pauvreté sont apparus dans les grandes villes, brisant ainsi la solidarité familiale chère aux sociétés africaines», précise Ndong.
Au Gabon, pour pouvoir vivre décemment, un citoyen devrait percevoir entre 500.000 et 625.000 FCFA par mois, selon une étude réalisée entre 2000 et 2001 par une équipe de syndicalistes de l’Education nationale. L’essentiel des revenus des ménages va droit à l’éducation des enfants et à la santé de la famille, alors que les petits ménages ont souvent besoin d’au moins 90.000 FCFA par mois pour se nourrir.
Une étude de l’Economist Intelligence Unit révèle que parmi une vingtaine de pays dans le monde qui connaîtront la croissance la plus élevée, il y a huit pays africains. Pour la deuxième année consécutive, la Guinée équatoriale, nouvel eldorado pétrolier en Afrique centrale, arrive en tête avec un bond de 34%. Le Gabon, son voisin, est loin derrière, avec -0,6%.