ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 459 - 01/07/2003

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Gabon
Les planteurs d’hévéa sollicités par Michelin


ECONOMIE


Les plantations d’hévéa, longtemps abandonnées, renaissent.
La firme française Michelin a renouvelé récemment son contrat d’achat ferme
d’une quantité importante de caoutchouc

Les planteurs des villages de Mitzic, dans le nord du Gabon, qui collectaient le caoutchouc pour la société d’hévéaculture du Gabon (Hevegab) étaient découragés de ne pouvoir produire suffisamment de latex à cause de la dégradation des plantations et du manque de produits phytosanitaires. Ne pouvant répondre à la demande de 7.200 tonnes de caoutchouc que Michelin avait fixée en 1999, une suspension de contrat s’en est suivie, car la production d’Hevegab ne dépassait guère 4.088 tonnes. L’état déplorable des plantations en était la cause. Le peu d’intérêt des autorités locales pour l’agriculture avait contraint les villageois à abandonner les plantations, car peu rentables. Depuis, Hevegab et les paysans se sont entendus pour satisfaire la demande de Michelin, moyennant un prix raisonnable du kilo de caoutchouc.

Le nouveau contrat

Le nouveau contrat, finalisé fin mars à Libreville entre Michelin et Hevegab, concerne l’achat de 70% de la production du caoutchouc gabonais. Les planteurs ont repris massivement le chemin des plantations. «Auparavant, nous ne pouvions vendre suffisamment de caoutchouc, car notre performance dépendait des besoins d’éventuels acheteurs et de notre capacité d’assainir nos plantations. Du coup, la production avait baissé», précise le propriétaire d’une plantation. «Avec cette nouvelle commande, nous saignons l’hévéa au maximum, car de nos efforts dépendra l’amélioration de nos conditions de vie. Nous manquons de tout dans les villages!», explique, l’air radieux, Justin Mboumba, planteur.

Hevegab a le monopole de la vente de caoutchouc gabonais et dispose de quelques plantations qui n’assurent pas toujours la demande extérieure. D’où le partenariat avec les paysans propriétaires de nombreuses plantations. «Habituellement, les planteurs sont organisés en coopérative et déversent dans des fûts le latex récolté avant que les agents de Hevegab ne viennent les collecter», explique Richard Posso, responsable des achats à Hevegab. Michelin, le destinataire final de la récolte, est considéré comme l’un des meilleurs fabricants de pneumatiques au monde.

La reprise du travail a mobilisé les planteurs et leurs proches, car cette activité est vitale pour la survie des villages. Mais depuis peu, les planteurs s’inquiètent, car le prix du caoutchouc a encore dégringolé début avril à cause de l’épidémie de pneumonie atypique (SRAS) qui a fait baisser la demande chinoise: «Le prix s’est replié sur des inquiétudes au sujet de la demande en Chine, affectée par le SRAS, alors que tout le monde comptait sur la consommation chinoise pour maintenir les cours à des niveaux élevés», analysait Chris Caiger de la maison de courtage Symington. «Pour les villagois, les revenus dépendront en partie de la vitesse avec laquelle l’épidémie sera contenue», précise Benoît Ndong, comptable à Hevegab.

Selon l’administrateur de Hevegab, Janvier Essono Assoumou, Michelin a placé la barre assez haut pour acheter 60% à 70% de la production annuelle de notre caoutchouc, soit entre 6.000 et 7.000 tonnes, au prix moyen de 350 FCFA/kg. Le paysan reçoit entre 250 et 300 FCFA pour le kilo de latex récolté. «Il va falloir nous mettre au travail pour honorer ce contrat, quelles que soient les fluctuations du prix du caoutchouc, car nous n’avons pas d’autres alternatives», s’exclame un vieux planteur déjà occupé à dresser une liste de ses futurs besoins. «Même si dans l’univers hévéicole mondial le Gabon reste un producteur modeste, il n’en demeure pas moins que la qualité de son caoutchouc est une référence mondialement reconnue», rappelle Essono Assoumou.

Planter pour vivre

En 2001, la production du Gabon culminait à 5.888 tonnes, soit le double de celle de l’année 2000. Cette forte hausse s’explique par la reprise des activités dans les exploitations de Mitzic, après l’arrêt intervenu de fin 1999 à juin 2000. Durant cette période, le chiffre d’affaires a chuté de 25,8% suite au repli des cours du caoutchouc naturel sur le marché international, qui induit une baisse de 18% du prix de vente moyen à l’exportation. Ce dernier est passé de 427 FCFA le kg en 2000 à 350 FCFA en 2001, selon la direction générale de l’économie.

«C’est à Mitzic, dans le nord du Gabon, que se trouve le plus grand nombre de paysans. Les rendements à l’hectare varient d’un village à l’autre. Ils sont de 1.118 kg à Mitzic, de 1.639 à Bitam et de 862 kg à Kango», rappelle Mathieu Mboumba, ingénieur agricole. La masse salariale a augmenté de 19,3% à cause essentiellement de la reprise des activités sur le site de Mitzic.

Les plantations de caoutchouc sont localisées dans le nord et l’ouest du pays, et s’étendent sur une superficie de 10.012 hectares. La direction de Hevegab prévoit en 2003 une production d’un peu plus de 10.000 tonnes de caoutchouc. «Grâce à l’argent de la vente du caoutchouc, nous avons pu faire installer à crédit une petite chambre froide pour stocker les aliments et nous approvisionner en eau fraîche», indique un villageois.

Les responsables d’Hevegab tablent sur une redynamisation de la filière du caoutchouc, en relançant les activités dans toutes les plantations disponibles et en aidant surtout les villageois à se procurer des produits phytosanitaires. Dans certains endroits, les mauvaises herbes avaient envahi les plantations, empêchant les plants d’hévéa de bien se développer. Jadis culture de rente, la culture du caoutchouc devient industrielle. «Les objectifs pour l’assainissement d’Hevegab pourraient être atteints si chaque acteur appréciait les enjeux de ce contrat», a dit Assoumou. Hevegab reste tributaire de l’engouement des planteurs pour respecter son quota à l’exportation.

  • Antoine Lawson, Gabon, mai 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source

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