ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 461 - 01/09/2003

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Malawi
La liberté est-elle une réalité?


DEMOCRATIE


Le Malawi commémore ses dix années de démocratie multipartite

La recherche de la liberté a constitué une longue lutte dans l’histoire politique du Malawi. Ses habitants se sont d’abord battus contre le colonialisme, obtenant leur indépendance de l’Empire britannique en 1964, pour devenir en 1966 une République. Suivirent alors trente ans de régime dictatorial, sous feu le Dr Hastings Kamuzu Banda, avec un système de gouvernement très centralisé. En 1993, un référendum national préparait le terrain pour un gouvernement multipartite, reléguant au passé le régime autocratique de Banda. Mais dix ans après, peut-on dire que la liberté soit vraiment une réalité pour le Malawi d’aujourd’hui?

La commémoration du référendum

Pour commémorer le référendum on a organisé une conférence de trois jours, du 4 au 6 juin 2003, à l’Hôtel Capital, dans la capitale Lilongwe. On a ainsi voulu célébrer l’anniversaire de la fin du régime autoritaire et l’avènement d’un régime politique qui permettrait aux citoyens de s’exprimer.

Le thème de la conférence était: «Liberté et délégation des pouvoirs: dix années de démocratisation au Malawi». Son objectif: la création d’un forum où les personnes intéressées pourraient s’engager dans un débat sur la démocratie. La conférence se voulait aussi tournée vers le futur, cherchant à identifier les problèmes qui pouvaient faire obstacle à l’avenir de la démocratie, et à trouver de nouvelles idées concernant les mass media, les campagnes politiques, la prise des décisions, l’éducation civique et les débats universitaires.

Quatre institutions allemandes installées au Malawi ont parrainé la conférence: la Fondation Konrad Adenauer; le Programme germano-malawite pour la démocratie et la décentralisation; le Forum pour le dialogue et la paix; l’Initiative nationale pour l’éducation civique.

Ses objectifs les plus importants étaient:

Ces objectifs étaient étroitement liés à trois appels:

Tout en étant ouverte au grand public, la conférence ciblait surtout certains groupes de Malawites et d’étrangers intéressés au processus de démocratisation du pays.

Quelle liberté?

Thandika Mkandawire, Malawite, travaille à Genève pour l’Institut de recherche des Nations unies pour le développement social (UNRISD). Dans sa présentation, intitulée “Développement démocratique et délégation des responsabilités”, il dit: «Le référendum de 1993 a non seulement amené un changement dans la politique, mais a aussi sauvé notre amour-propre. Il a montré que, sous le silence profond imposé par un régime autoritaire, couvait le feu de la recherche de la liberté. Le silence des Malawites n’était pas un signe de complaisance, mais une réponse mesurée à un Etat policier vicieux qui dressait le père contre le fils, le frère contre la sœur».

L’indépendance acquise en 1964 n’a pas apporté la liberté aux Malawites. Selon le Dr Vera Chirwa, directrice du Centre malawite de conseil et de recherche, qui fut prisonnière politique sous Banda, «l’indépendance n’a manifestement pas apporté la liberté à la population malawite. La nouvelle déclaration des droits de l’homme était totalement ignorée par le régime autocratique du Dr Banda. La violation des droits de l’homme était la règle, non l’exception. La liberté d’expression, d’association, de la presse, la liberté d’acquérir des biens, le droit à la vie – tous ces droits constitutionnels ont été systématiquement supprimés».

Les luttes politiques et sociales se sont prolongées pendant des années. Bien que les transitions politiques aient été raisonnablement pacifiques, certaines personnes y ont cependant perdu la vie. Au fait, pourquoi les Malawites se battent-ils?

Dans son discours introductif, Vera Chirwa déclarait: «Sous la domination britannique nous nous sommes battus pour l’indépendance. Dès que nous y sommes parvenus, notre combat s’est transformé en lutte pour la survie de nos enfants, de nos petits-enfants et pour nous-mêmes. Nous avons lutté pour les droits inaliénables auxquels chacun de nous a droit de par son humanité.»

«Le début du système multipartite, il y a une dizaine d’années, a été le premier pas décisif. Durant ce temps, les Malawites se sont battus pour le droit de s’exprimer, de s’assembler pacifiquement, d’écrire et de publier leurs opinions, d’adorer le dieu de leur choix. Ils se sont battus pour leur sécurité personnelle, pour le droit de ne pas être arrêtés et emprisonnés illégalement, d’être libres d’aller et venir où ils voulaient, dans le pays et à l’étranger. Ils voulaient vivre sans avoir peur des oppressions et des intolérances d’un gouvernement; ils se sont battus pour les droits de leurs enfants, les droits des prisonniers, les droits de ceux qui sont frappés du fléau du sida, des handicapés, le droit au développement et à l’égalité économique, celui d’acquérir des biens et d’hériter. Ils se sont battus pour que le gouvernement assume davantage ses actes, pour la responsabilité et la transparence du gouvernement, contre la corruption et les abus de pouvoir. Mais ce combat continue toujours.»

«Le pays doit encore faire face à bien des difficultés pour développer son système démocratique. Les problèmes abondent: la violence domestique, l’exploitation économique, les disputes d’héritage et des terres, la violence politique, le manque de coopération de la part des citoyens et leur connaissance insuffisante des droits de l’homme, des droits constitutionnels et de la démocratie...»

De son côté, le prof. Brown Chimphamba, ancien vice-chancelier de l’université du Malawi et actuellement président conseiller pour l’éducation, a fait observer: «Il nous faut malheureusement reconnaître que, dix ans après le référendum de 1993, ce pays est toujours un des plus pauvres au monde.»

Les défis en vue

Le Malawi doit faire face à beaucoup de problèmes. Selon Mme Vera Chirwa, ces dix années de démocratie n’ont vu que trop d’incidents de brutalités policières et d’abus de pouvoir. Les accusations de tortures infligées par la police aux détenus sont très répandues. La violence politique augmente. La police réagit vite quand les présumés acteurs de violence politique font partie des partis d’opposition.

M. Brown Chimphamba a observé d’un œil critique les injustices et fait l’analyse des inégalités flagrantes dans la structure des salaires. Quant au développement économique, il souligna que «nous portons la responsabilité de la plupart des problèmes que rencontre le pays. J’ai l’impression qu’il y a un manque de patriotisme, un manque de concentration sur les problèmes prioritaires. Il y a une tendance insensée à consommer avant d’avoir produit, beaucoup de jalousies et un manque d’assurance. Ce ne sont-là que quelques-uns des plus importants obstacles à notre progrès.»

Parlant de l’échec de la démocratie, Thandika Mkandawire déclara: «Si la démocratie au Malawi est un échec, c’est parce que l’élite nous a trahis. Les menaces à la démocratie sont omniprésentes: le régionalisme et le tribalisme, une culture d’envie et de jalousie, l’intolérance politique, la peur et la flagornerie...».

Peut-on aller de l’avant?

Le Dr Khwima Nthara, lui, a mis l’accent sur l’éducation civique: «L’éducation civique est cruciale. L’électorat doit savoir ce qu’il peut attendre de ses hommes politiques. Quant aux autres partenaires dans l’économie politique, ils doivent eux aussi être conscients de leurs responsabilités. Les politiciens, à tous les niveaux, doivent apprendre les principes de la bonne gouvernance en général, et de la bonne gérance de l’économie en particulier, afin quils dirigent leurs énergies vers la recherche des solutions à apporter aux problèmes économiques.»

Un peuple éclairé est partie constituante de la démocratie. Les citoyens doivent connaître, réclamer et défendre leurs droits à cet égard. Mme Vera Chirwa a appelé la société civile à intensifier ses efforts d’éducation civique surtout dans le domaine des droits de l’homme, car, souligna-t-elle, «la plupart des violations des droits de l’homme restent impunies àcause de l’ignorance.»

Une bonne gouvernance est essentielle à la démocratie d’un pays. Selon Thandika Mkandawire: «Une bonne gouvernance n’est pas simplement une question de règles et d’institutions, mais aussi de leur contenu et de leur objectif. Une bonne gouvernance ne signifie pas que ceux qui gouvernent soient de “bonnes gens”, mais que ce soient des personnes élues qui respectent les règles du jeu et répondent de leurs actes devant leurs électeurs. De plus, ceux qui gouvernent doivent être des “démocrates” dans le vrai sens du mot. Nous devons tous nous efforcer de cultiver un esprit de respect mutuel et d’intégrité au service de la démocratie.»

Et Roosevelt Gondwe, greffier au Parlement, ajouta: «La démocratie présuppose la participation de tous les Malawites, la compétition et l’information indispensable.»

Mais soyons réalistes: si la vie de la population ne s’améliore pas, la liberté restera un rêve insaisissable.


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