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Burkina Faso |
POLITIQUE
Alors que les présidentielles sont prévues en 2005,
on assiste à une dislocation au sein des partis de l’opposition
Les élections présidentielles au Burkina Faso sont prévues pour 2005. Pour une troisième fois, Blaise Compaoré mettra en jeu son fauteuil présidentiel. Si du côté du pouvoir on connaît le candidat potentiel, du côté de l’opposition, c’est le statu quo. Ou du moins le “wait and see”. Les pronostics sont faussés dès le départ avec le déchirement qui prévaut ces derniers temps au sein de l’opposition. Le plus récent est la scission au sein du plus grand parti de l’opposition, l’Alliance pour la démocratie et la fédération/Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) de Maître Hermann Yaméogo.
La démocratie n’est pas seulement un jeu de règles et de procédures constitutionnelles qui détermine la façon dont un gouvernement fonctionne. Dans une démocratie, le gouvernement n’est qu’un élément à l’intérieur d’un tissu social composé d’institutions, de partis politiques, d’organisations et d’associations nombreuses et diverses. Les mœurs démocratiques imposent le respect de l’opposition, lui reconnaissant le droit de contester le pouvoir, de critiquer le gouvernement, mais lui imposent en même temps l’obligation, entre autres, de respecter les règles du jeu démocratique et de présenter une véritable alternative politique au pouvoir, en élaborant des objectifs clairs, crédibles et pratiquement réalisables.
La dislocation des partis
Malheureusement, cela n’est pas le cas au Burkina, où depuis quelques mois on assiste à une dislocation au sein des partis d’opposition. Après le Parti démocratique et du progrès/Parti socialiste (PDP/PS) du professeur historien Joseph Ki-Zerbo, qui a connu le départ d’une de ses têtes pensantes, le professeur Emile Paré, c’est au tour du premier parti de l’opposition (compte tenu du nombre de ses députés après celui du parti au pouvoir), l’ADF/RDA, d’être sujet à une crise interne. La scission des partis politiques est devenue une pratique naturelle dans le «Pays des hommes intègres». Et cela prend une ampleur telle que certains se demandent si, un jour, ils parviendront à accorder leurs violons pour mener le combat de l’alternance.
Or, l’existence d’une opposition crédible est nécessaire à la démocratie. Dès lors qu’il existe une opposition légale reconnue et respectée, libre de critiquer le gouvernement et de proposer des solutions différentes aux problèmes nationaux, la probabilité est grande qu’il existe aussi une certaine liberté de presse, que les juges soient indépendants, que les élections soient libres ou, le cas échéant, que les irrégularités éventuelles qui les entachent soient publiquement dénoncées. Malheureusement, ce n’est pas le cas de l’opposition burkinabé, qui n’en finit pas avec ses querelles intestines pour critiquer les défauts du parti au pouvoir.
Au Burkina Faso, on reproche souvent, à la plupart des partis politiques, un manque de démocratie interne, un déficit de communication, des querelles de leadership. Même le parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès, du président Compaoré, est sujet à des critiques de ce genre. Pire, la plupart des partis politiques n’ont pas de projet ou de programme de société digne de ce nom. Cela est inconcevable, mais bien réel.
Le parti, un patrimoine familial
Des présidents de partis monopolisent le parti à des fins personnelles. Cela crée des mécontents qui, oubliant l’adversaire, se retournent contre leurs anciens camarades. Mais peut-on éviter ce genre de situations, si des partis sont considérés comme un héritage familial? Il est fréquent de voir des responsables de partis qui, sans consulter le bureau, prennent des décisions au nom du parti, croyant être les seules personnes ayant le pouvoir de décision. Ce genre de direction ne peut que conduire les partis à des crises.
Les divisions et les querelles de personnes qui affectent ces formations politiques sont le produit de leur mauvaise gestion. En effet, si les mœurs démocratiques imposent le respect de l’opposition, elles lui imposent aussi l’obligation de respecter elle-même les règles du jeu. Il faut qu’elle travaille pour une véritable démocratie en son sein. Les scissions auxquelles font face aujourd’hui les partis de l’opposition burkinabé viennent non seulement du culte de la personnalité de certains de leurs présidents, mais aussi de la monopolisation du pouvoir.
Vu ces difficultés internes, l’opposition peut-elle former une coalition viable? Ce n’est pas pour demain! Il est difficile, aujourd’hui, de voir les partis de l’opposition s’assoir sur le même banc.
Une coordination superficielle
A l’issue des élections législatives de 2002, le score plus qu’honorable réalisé par l’opposition dans son ensemble laissait entrevoir une lueur d’espoir, qui aurait dû servir de leçon pour les prochaines échéances. En se présentant en rangs serrés, l’opposition a pu relever le niveau de sa représentativité à l’Assemblée nationale. Ceci avait permis d’atténuer fortement ces querelles intestines à défaut de les faire disparaître. Un cadre de concertation avait été institué, la “Coordination de l’opposition burkinabé” (COB), à laquelle était associée l’opposition non parlementaire. Mais encore aujourd’hui la COB reste une coordination superficielle.
L’opposition n’a pas su saisir l’opportunité qui lui a été offerte par la société civile, après la crise qui a suivi l’assassinat crapuleux, le 13 décembre 1998, du journaliste Norbert Zongo, directeur de publication du journal l’Indépendant. Depuis cette période, la société civile, avec à sa tête le Mouvement burkinabé des droits de l’homme (MBDHP), a livré une bataille sans merci au parti au pouvoir. Ce qui n’a pas manqué de faire pencher la balance au profit de l’opposition.
Les querelles au sein des partis sont très complexes et affectent la vie de la COB. Alors, les partis de l’opposition trouvent un bouc émissaire dans le parti au pouvoir. Car, c’est toujours facile d’accuser les autres; mais il est plus réaliste de constater que les crises trouvent leurs origines à l’intérieur même des partis. Le mal est profond et il faut l’attaquer à la racine.
Si la situation persiste, l’élection présidentielle de 2005 trouvera une opposition toute chétive, parce que divisée, et qui continuera de se plaindre. Comme à l’accoutumée.
- Sarah Tanou, Burkina Faso, août 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source
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