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CULTURE
L’agression violente du VIH/SIDA
menace certaines coutumes et traditions du Swaziland
Le Swaziland est un pays réputé pour avoir préservé, au fil des ans, ses coutumes et traditions. Sa population est parvenue aussi à fusionner la culture swazi avec la culture occidentale moderne. Mais l’assaut violent du VIH/SIDA constitue une grave menace pour cette culture swazi, car la nation devrait se débarrasser de certaines pratiques culturelles, susceptibles de propager le virus du sida. Une de ces pratiques est le lévirat («kungena» dans la langue locale), qui encourage un homme à prendre comme femme la veuve de son frère.
L’histoire de Delesi Masilela
Delesi Masilela est séropositif et vit à Malakatsa, à 40 km au nord-ouest de Manzini. Voici comment, par la coutume du lévirat, il a été infecté par le VIH. Avant de prendre comme femme la veuve de son frère, il était bien portant et plein de vigueur. Il avait déjà deux femmes et seize enfants: neuf de LaNdzinisa et sept de LaXaba.
Dans les années 1970, il a cessé de travailler dans les mines d’asbeste d’Havelok et des minerais de fer de Ngwenya (toutes deux fermées maintenant). En bonne santé, il préférait travailler sur sa ferme, assez importante, comportant des champs de maïs et un jardin potager, sur les rives d’une petite rivière. Cela lui permettait de nourrir sa famille et de payer l’école de ses enfants. Il se rappelle: «J’étais encore solide, en bonne santé et plein de vigueur, mais j’ai décidé de cesser de travailler pour les Blancs, et je suis retourné chez moi pour cultiver sur mes terres du maïs et des légumes. Mes terres sont très fertiles et rapportent beaucoup; le surplus, je le vendais sur les marchés de Manzini et Mbabane».
Tout cela c’est de l’histoire ancienne. Aujourd’hui, notre Masilela se bat contre le virus VIH, il est très faible et parvient avec peine à cultiver une petite portion de ses champs et de son potager. Il se débat pour pouvoir nourrir sa famille et payer les frais scolaires de quatre de ses enfants qui vont encore à l’école.
Que c’est-il passé? Masilela dit qu’après avoir épousé la veuve de son frère (ce dernier était mort après une longue maladie), lui aussi a commençé à souffrir de toutes sortes de maux: fatigue, toux, diarrhées, rhumes, tuberculose et éruptions. «Les trois premières années après ce mariage, tout allait bien. Mais la quatrième année, je me suis senti mal, j’étais très fatigué et je perdais du poids. Maintenant j’ai des quintes de toux persistantes et je me fatigue facilement».
Au début, Masilela ignorait tout des symptômes du sida. Il pensait que quelqu’un, jaloux de ses succès, lui avait jeté un sort. Il va donc consulter des médecins traditionnels en quête d’un remède, mais en vain. Ensuite, grâce aux informations diffusées à la radio sur le sida, il comprend qu’il est infecté du virus. Il va donc alors à la clinique de la Croix-Rouge de Sigombeni pour un test du sang et, un mois plus tard, sa suspicion est confirmée.
La croisade de Masilela
S’étant fait à l’idée qu’il ne guérira jamais, Masilela se décide à dévoiler son état de séropositif et il commene une campagne pour diffuser le message de prévention du sida dans le pays. Il est retourné chez lui et a demandé aux membres de sa famille de ne plus jamais accuser personne de lui avoir jeté un sort, mais de dire ouvertement qu’il va mourir du VIH/SIDA. Il est convaincu que, puisqu’il est condamné, il peut mieux faire passer le message de prévention que quelqu’un en bonne santé: «Je dis aux gens que je suis atteint du sida et qu’ils doivent cesser immédiatement d’accuser les autres de m’avoir ensorcelé. Je m’efforce de les convaincre que le sida est parmi nous et qu’il tue».
Au Jour de la Croix-Rouge à Singobeni, en 2001, Masilela a révélé publiquement sa condition. Ce qui a secoué tout le monde. Mais sa grande préoccupation est que, si le pays ignore son message, le sida décimera toute la nation. Sa famille polygame s’est brisée. LaNdzinisa l’a abandonné, le laissant avec LaXaba qui se porte toujours bien, mais elle aussi attend les résultats de son test sanguin.
Quand on lui demande ce qu’il pense du lévirat, Masilela reconnaît que dans le passé c’était une bonne chose, c’était un signe de respect, mais que maintenant, il est plus que temps d’abolir cette coutume. Cette opinion est confirmée par une étude récente de l’Onu-Sida, qui a mis la «kungena» et d’autres coutumes swazis sur la liste des propagateurs du VIH.
Actuellement, Masilela ne fait qu’entrer et sortir de l’hôpital et ne subsiste que grâce à un régime spécial qu’il complète avec des légumes, surtout des épinards, des choux, des poivrons verts, des carottes et des betteraves. Il se dit trop faible pour continuer à cultiver des légumes dans son petit potager et il supplie le gouvernement de mettre le plus vite possible les médicaments rétroviraux à la disposition de tous ceux qui sont atteints du virus. Il espère pouvoir se les procurer pour prolonger un peu sa vie. Il demande instamment au ministère de la Santé et de l’Assistance sociale de les fournir gratuitement, car un refus équivaudrait à condamner les malades à la mort.
Le message que Masilela adresse à ceux qui sont encore séronégatifs est de pratiquer la sexualité sans risque ou bien de s’abstenir. Il lance aussi un appel à tous ceux qui n’ont pas encore passé le test, pour qu’ils le fassent avant de se marier.
Voici encore un autre détail à propos de la coutume «kungena». Doo Alphane, directrice nationale pour l’Afrique australe de l’organisation “Femmes et Droit”, affirme: «La coutume kungena n’est plus de mise actuellement, non seulement à cause de l’épidémie du sida, mais aussi parce que des hommes avides en profitent pour piller la propriété qu’ils héritent. Nous avons des cas de veuves qui se plaignent que leurs beaux-frères les ont prises comme femmes, selon la coutume du lévirat, dans le seul but de dissiper les richesses amassées par leurs défunts maris.»
- Vuyisile Hlatshwayo, Swaziland, juin 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source
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