ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 462 - 15/09/2003

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Congo-RDC/Zambie
Lac Moëro: “génocide” écologique


ECOLOGIE


Même les poissons du lac Moëro font les frais de la guerre à l’est de la RDC

Les besoins des réfugiés et l’absence d’Etat ont mis à mal les ressources naturelles du lac Moëro d’une superficie de 5.200 km2. Les habitants se plaignent et les commerçants zambiens n’exportent plus les gros poissons du lac. «Ce lac est notre banque, mais il ne nous apporte plus autant de poissons qu’avant, à cause du crime que les Congolais commettent contre l’humanité en pêchant même dans les zones des frayères, interdites à la pêche. Nous sommes ainsi devenus très pauvres», fulmine Stephen Mwansa, un des 20.000 pêcheurs zambiens de Nchelenge, réduits au chômage par les réfugiés et déplacés congolais qui vivent, pour certains depuis près de quatre ans, au bord du lac Moëro, commun au Congo-RDC et à la Zambie.

Cinquante à soixante mille personnes, essentiellement originaires du nord du Katanga et de l’est du Congo RDC, ont, en effet, trouvé refuge au sud du Congo ou en Zambie, autour du lac Moëro, long de 130 km sur 45 km de large.

Ils sont arrivés par vagues depuis 1999, quand les “rebelles” du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) se sont emparés des territoires de leur région, à savoir Nyunzu, Kabalo, Kalemie, Kongolo, Fizi, etc. Plus nombreux que les autochtones dans certains villages, ils ont fortement perturbé l’économie et les ressources de la région sur lesquelles ils exercent une très forte pression. Réputés très bons pêcheurs, ils ont apporté avec eux de nouvelles techniques de pêche qui ont rapidement fait diminuer les stocks de poisson du lac. Ils utilisent, en effet, de grands filets à mailles étroites qui retiennent quantité de tout petits poissons interdits de pêche.

Pour augmenter leurs prises, certains se servent même de moustiquaires imprégnées d’insecticide. «Je ne savais pas que ces moustiquaires ont été offertes aux populations pour combattre la malaria et non pour s’en servir comme filets de pêche», s’étonne Abdallâh Kazimoto Kilolo, un réfugié interpellé à ce sujet après avoir acheté ces moustiquaires dans un magasin à Mansa.

Dans un article daté du 30 octobre 2002, le journaliste zambien Charles Mubambe regrette que des pêcheurs aient transformé en filets de pêche les moustiquaires que l’UNICEF a mis à la disposition de la Zambie dans le cadre de la campagne de lutte contre la malaria. Plusieurs espèces de poissons, très appréciés dans la région et jusqu’en Europe, ont ainsi disparu et les prises d’autres se font de plus en plus maigres.

Questions de survie

Ici comme dans plusieurs autres régions de la RDC, la guerre et les déplacements massifs de population ont engendré de lourds dégâts écologiques dont sont victimes les populations locales. Pour les réfugiés qui ont tout perdu et qui, souvent, ne reçoivent pratiquement aucune aide, l’utilisation des ressources locales est une question de survie.

Les riverains du lac se plaignent aussi de la destruction des papyrus avec lesquels ils fabriquent leurs lits et les portes de leurs maisons. Les réfugiés, eux, en font des paniers à poissons, vendus à Lubumbashi, la capitale du Katanga. Plus loin dans le village de Nkole, un pêcheur est amer: «Ils ont coupé pratiquement tous les arbres pour fumer les poissons, pour se réchauffer et pour la cuisson, détruisant même les plantes médicinales». Savanes et forêts galeries de la région partent en fumée tandis que les eaux du lac sont polluées par les défécations de ces nouveaux habitants. Même le «coucal à sourcil blanc», un oiseau dont le chant mélodieux servait de réveille-matin aux autochtones, a disparu. Mangé par les réfugiés.

La surpopulation de certaines zones pèse d’autant plus lourd sur l’environnement qu’aucune autorité n’est capable de faire respecter les réglementations en vigueur. Le gouverneur du Katanga a beau signer chaque année l’arrêté interdisant la pêche en période de frai, personne ne le respecte, à commencer par les militaires dans l’attente de leur solde à Mpweto, sous occupation rebelle. «On ne peut raisonner certains déplacés de guerre. Ils nous répondent avec arrogance qu’étant membres de la tribu du président L.D. Kabila, qui a libéré le pays de la dictature de Mobutu en 1997, personne ne doit les empêcher de pêcher là où bon leur semble».

Député honoraire de la circonscription électorale de Kasenga, le pasteur Didier Mwewa attribue ce désastreà l’absence de médiatisation du phénomène par la presse locale et internationale: «Les poissons ne savent pas qu’il existe une frontière entre la Zambie et la RDC. Et ils n’ont pas besoin des visas pour passer d’un pays à l’autre. Alors, c’est difficile de les protéger, surtout de notre côté où toute l’attention est focalisée sur les crimes de guerre dans la région de l’Ituri. Ces crimes-là sont très médiatisés par la presse nationale et internationale».


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