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Cameroun |
ECONOMIE
Depuis vingt ans, l’économie du Cameroun est dans de mauvais draps.
Le récit des “Nouvelles brasseries africaines” est un exemple de ce qui s’y passe.Aujourd’hui, les immenses bâtiments des Nouvelles brasseries africaines (NOBRA) à Douala sont vides et inoccupés. L’intention initiale avait été de lancer une industrie de bière panafricaine, mais à peine six ans plus tard, ces ambitions ont échoué. L’intervention du gouvernement et de partenaires étrangers danois, belges et suisses a anéanti la compagnie NOBRA.
Quelques détails. En 1978, Pierre Tchanqué, ex- inspecteur des finances et expert-comptable, avait eu l’idée de créer NOBRA . Il était revenu au Cameroun après avoir suivi en France des cours de gestion. Il voulait se faire un nom dans le développement économique de l’Afrique, en créant quelques industries et compagnies particulières. Au départ, NOBRA attira 200 hommes d’affaires. A l’époque, la seule brasserie du pays était “Les Brasseries du Cameroun”, dans laquelle le chef d’Etat, Paul Biya, avait bon nombre d’actions. NOBRA aura donc du mal à rivaliser et à s’imposer.
A l’origine, pour le lancement de la nouvelle brasserie, on avait affecté quelque 12,5 milliards de FCFA . D’importantes études sur les hauts et les bas de ce marché étaient donc de rigueur. On fit appel pour cela à Stella Artois de Belgique, dont on paya les services avec les 35% du capital d’exploitation. D’autre part, vu les enjeux, la brasserie belge fit tout son possible pour écarter Pierre Tchanqué de la direction générale. Mais le complot échoua et les Belges se retirèrent dans les coulisses et attendirent.
Contretemps financiers
NOBRA a commençé sa production en 1982, mais elle avait encore besoin d’un milliard et demi de FCFA pour la construction des bâtiments. Tchanqué augmente alors le capital de 1,8 milliard de FCFA , avec l’émission de nouvelles actions. Les actionnaires, cependant, n’étaient pas d’accord sur la façon dont allaient les choses, surtout après avoir remarqué que Les Brasseries du Cameroun agrandissaient leur réseau de distribution en faisant du porte à porte. De plus, elles conditionnaient leurs boissons dans des bouteilles en plastique. Or, SOCAVER, la compagnie de distribution dont se servait NOBRA, n’était pas à même d’affronter ce genre de concurrence.
Pour rester en lice, NOBRA devait encore augmenter son capital: il lui fallait 1,2 milliard de FCFA pour acheter des camions et pour construire quatre autres entrepôts à Yaoundé et Douala et être ainsi plus près des consommateurs potentiels.
Fortement endettée et avec des charges bancaires écrasantes, à la fin de sa première année de production, NOBRA se trouva avec un découvert de 200 milliards de FCFA , principalement dû à l’achat de matériaux bruts et de matériel de bureau. Les actionnaires trouvaient que cela n’était pas raisonnable.
Mais les choses empirèrent encore. Pour rester à flot, NOBRA dut emprunter lourdement dans différentes banques commerciales. Les actionnaires, mécontents, mettent alors en question la gestion du fondateur et directeur général, Pierre Tchanqué. Pour sortir de ce marasme, M. Tchanqué achète un terrain à Boradibong (Douala) avec son argent personnel, dans l’intention d’y construire le bureau principal de NOBRA . Ses banquiers le préviennent que cela pourrait plonger NOBRA dans un bourbier. Pour assurer un avenir à sa compagnie, ils lui conseillent de collaborer avec la brasserie française Kronenbourg.
Mais Kronenbourg posa des conditions draconiennes: elle exigeait qu’une des cinq boissons commercialisées par NOBRA soit Kronenbourg. Après réflexion, Tchanqué décide de ne pas s’allier à Kronenbourg et se tourne de nouveau vers Stella Artois pour qu’elle prenne la direction des activités commerciales.
Abrégeons l’histoire. Tchanqué s’est finalement séparé de Stella Artois et, sous conseil de ses banquiers, s’est décidé à collaborer avec un partenaire technique, les industries CEREKAM, basées au Danemark, qui devaient exercer effectivement le contrôle de la gestion. Un contrat de “pleine gestion” fut dûment signé avec les Danois, écartant Tchanqué de la direction quotidienne de la compagnie.
En novembre 1986, Pierre Tchanqué a été nommé président de la Chambre du commerce, de l’industrie et des mines du Cameroun. Il a assisté de loin au déclin de son “enfant”. Dès 1987, les salaires ont cessé d’être payés régulièrement, et la main-d’œuvre a été réduite. En février 1988, les Danois publiaient un bilan négatif des affaires de NOBRA . La fin étant en vue, les actionnaires se décidèrent à vendre la brasserie. Finalement, Canada Dry a loué les bâtiments pour ses propres produits.
Mais même ce dernier projet a été abandonné quelques années après. Et les bâtiments de NOBRA sont toujours là, vides et inoccupés!
- Charles Nji, Cameroun, août 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source
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