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Congo-RDC |
TENSIONS
Kisangani, une ville à la fois symbole d’unité nationale, de paix
et de turbulence politique et militaireDimanche 31 août 2003, Kisangani est réveillée vers 3 heures, par le bruit d’une fusillade. Tout le monde a pris peur, même les autorités. Cette nuit-là, une équipe de soldats est venue arrêter le général Kamwanya Bora Uzima, sur ordre du commandant adjoint de la 7e Brigade, le lieutenant-colonel Richard Mungura qui, lui aussi, doit avoir reçu un ordre de sa hiérarchie. Le général Bora avait été nommé par le RCD-Goma comme commandant de la 4e région militaire à Kisangani, et plus tard proposé au Comité de suivi du dialogue intercongolais par le RCD, comme membre de l’état-major général des Forces armées congolaises (FAC). Mais cette candidature sera refusée par le président de la République, car Bora aurait été impliqué dans le complot ayant entraîné la mort du président Laurent Désiré Kabila. La Cour d’ordre militaire de Kinshasa l’avait d’ailleurs condamné à mort par contumace.
La garde rapprochée du général Bora, composée de 26 militaires, s’étant opposée à son arrestation, il s’en est suivi un échange de coups de feu. Finalement, l’équipe envoyée a eu raison de la garde. Le général a été conduit à l’aéroport international de Bangboka, où un avion de Victoria Air, réquisitionné pour la circonstance, avait atterri pour l’embarquer à destination de Goma. Le commandement militaire de la MONUC a immédiatement fait le tour de la ville pour sécuriser la population, et le gouverneur de province a convoqué une réunion restreinte du Comité provincial de sécurité.
Reprise du commerce
Et pourtant, la première quinzaine de ce mois d’août avait été marquée par des événements redonnant confiance et espoir aux “Boyomais” (les habitants de Kisangani).
Le 2 août, en effet, 8 bâtiments commerciaux étaient arrivés à Kisangani, convoyés par un bateau de la MONUC, suivi dans l’après-midi par un autre bateau de la Beltexco. Toute la population en liesse s’était donnée rendez-vous au beach: le personnel de la MONUC, les autorités politiques, civiles et militaires, les commerçants, une foule de curieux.
Dans son discours, le président de la Fédération des entreprises du Congo a souhaité que ce premier convoi commercial ouvre, une fois pour toutes, la voie sur le fleuve Congo de façon que Kisangani redevienne une ville où il fait bon vivre comme jadis. Il a également exprimé le vœu que les opérateurs économiques, pillés et dépouillés de tous leurs biens pendant les cinq années de guerre, soient indemnisés.
Quant au représentant de la société Beltexco, son souhait le plus ardent était de voir la sécurité revenir dans la province Orientale. Il a demandé aux politiciens de faire une «bonne politique», de sorte que les commerçants puissent faire une «bonne économie».
L’ambassadeur William Lacy Swing, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, a exprimé sa joie de voir réalisé le rêve de la MONUC et de la population. Il a annoncé que la communauté internationale, spécialement la Banque mondiale, promettait de continuer à appuyer l’effort entrepris par les Congolais dans la reconstruction de la RDC. Et il a demandé aux belligérants d’abandonner une fois pour toutes cette guerre inutile qui a endeuillé le Congo.
En fait, les passagers des bateaux commerciaux en provenance de Kinshasa, ont navigué plus d’un mois pour atteindre Kisangani, et enduré beaucoup d’épreuves. L’avant-dernière était l’escale forcée au chef-lieu d’Isangi, imposée par les autorités de la province, soi-disant pour un contrôle de routine. La dernière est celle de Kisangani même, où il leur était interdit de quitter le bateau jusqu’au lendemain de l’arrivée, sous prétexte également de contrôle par la police et l’armée.
L’opinion pense que les autorités actuelles de la province, issues des structures du RCD, continuent à garder une attitude de méfiance vis-à-vis de Kinshasa. Elles ont la conviction que quelques militaires de l’ancien gouvernement se sont infiltrés parmi les passagers pour créer des troubles. Et l’on a signalé sur les lieux, depuis ce jour-là, la présence de tous les services de perception de taxes et impôts de la province.
Services de sécurité et de santé
La journée de mardi 12 août 2003 a été marquée par la cérémonie officielle de clôture de la session de formation de la police d’intervention rapide, organisée au Centre d’instruction de Kapalata du 2 janvier au 2 août: 65 réussites sur 265 élèves. Dans son speech de circonstance, William Lacy Swing a souligné l’importance de recréer un Etat de droit, fondement d’une démocratie. Il a invité les policiers à réfléchir sur le rôle qu’ils ont à jouer dans la société, et de prendre l’engagement de faire respecter la loi et les droits de l’homme. Le peuple congolais compte sur une police formée pour accomplir une mission difficile.
Etait également présent, le ministre de l’Intérieur, Théophile Mbemba: pour la première fois, un membre du gouvernement d’union nationale foulait le sol de Kisangani. Il a expliqué sa présence comme la volonté du gouvernement de réussir la réunification. Il a remercié la MONUC pour son assistance technique dans la formation assurée aux policiers et a rappelé aux lauréats les différentes missions de la police: désormais, elle n’appartient plus à un parti politique, mais elle est au service du peuple.
A tous les habitants de Kisangani, il a fait savoir que la guerre était terminée, et qu’il fallait à présent reconstruire ce grand pays au centre de l’Afrique.
Le 29 août, Kisangani a encore accueilli le ministre et le vice-ministre de la Santé publique, Dr. Yagi Sitolo et M. Aziz Kumbi, accompagnés de plusieurs autres personnalités. Le ministre — qui venait lancer la deuxième phase de la campagne de vaccination dans la province Orientale, qualifiée de campagne de paix et de réunification — a invité les parents à amener nombreux leurs enfants se faire vacciner. On a même procédé à une vaccination effective, devant la tribune, de quelques enfants.
Quatre années de guerre et de destruction
Beaucoup de personnes qui ont connu la ville de Kisangani il y a vingt ans, ne la reconnaîtront plus actuellement. Elle est devenue l’ombre d’elle-même. La commune Tshopo, appelée le «matonge» de Kisangani, a été le terrain de combats violents et destructeurs entre les troupes ougandaises et les troupes rwandaises, six jours durant. Les écoles fonctionnent à peine, car tous les frais scolaires, à tous les niveaux, sont complètement supportés par les parents, s’ils vivent encore. Le sida fait rage depuis plusieurs années, spécialement là où la guerre est passée: une multitude de soldats de tous genres, depuis fin 1986, a grandement contribué à répandre ce fléau...
L’espoir de vivre commençait à renaître... L’arrestation du général Bora Uzima et son acheminement à Goma sont tombés comme un cheveu dans la soupe. Peut-on espérer que les bonnes choses continueront dans les jours à venir, pour rassurer toute la population de la réunification effective? Ou un autre événement douloureux viendra-t-il troubler la quiétude des “Boyomais”?
- Cats-Ta, Congo RDC, septembre 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source
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