ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 465 - 01/11/2003

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 Ghana
La marche vers l’Europe


VIE SOCIALE


Si Mungo Park, l’explorateur britannique du 18e siècle, était encore vivant,
il admirerait l’esprit et l’enthousiasme de ces jeunes Ghanéens
qui font des centaines de kilomètres à pied pour «découvrir l’Europe».

Certains jeunes Ghanéens ont tout d’un Mungo Park moderne: armés de courage, ils entreprennent la traversée des sables du Sahara. Ces chercheurs de fortune affrontent les rudes épreuves des forêts et du désert dans leurs tentatives d’arriver à ce qu’ils s’imaginent être leur «terre promise». Ils se rendent d’abord au Burkina Faso, qui a une frontière commune avec le Ghana; puis ils entrent dans le désert du Niger et finalement traversent les sables du Sahara en direction de la Libye, avec l’intention de continuer vers l’Europe. La plupart de ceux qui entreprennent ce voyage n’ont aucune instruction. Pour eux, l’Europe est une utopie. La connaissance qu’ils en ont est presque nulle et ils ne peuvent pas se permettre un ticket d’avion.

Un voyage dangereux

Certains de ces pauvres hères se sont perdus dans le Sahara: la traversée de ces 300 km de désert demande beaucoup de courage et de détermination. S’ils ne peuvent continuer leur marche, ceux qui sont déshydratés, faibles, impotents, sont abandonnés et laissés sur place pour y mourir. Le mot d’ordre est «survivre». Cette année, de janvier à la première semaine de juin, quelque 200 Ghanéens seraient décédés en Libye en essayant de traverser le désert: une extrême déshydratation et une fatigue générale, dues au rude climat du désert, en seraient la cause. Selon des estimations prudentes, à peu près 10% de ceux qui entreprennent cette traversée y laissent la vie.

L’ambassadeur du Ghana en Libye, George Kumi, pense que le nombre de morts est encore plus élevé. De temps en temps l’ambassade ghanéenne à Tripoli organise des opérations de recherche et de secours pour sauver les Ghanéens bloqués dans le désert. On a beau les avertir des dangers, ces jeunes veulent absolument aller en Europe, en passant par le Sahara. Ils se sont souvent laissé duper par de soi-disant agents de voyages, qui affirment pouvoir facilement arriver en Europe par le désert. Ces escrocs, souvent de connivence avec des «guides» libyens, amènent ces Ghanéens naïfs dans les conditions désertiques terribles —moyennant finances évidemment.

Parfois, on leur vole tout ce qu’ils ont en cours de route; parfois aussi, après avoir été payés, les arnaqueurs les abandonnent ou leur conseillent de continuer à marcher droit devant eux, assurant que la Libye n’est qu’à quelques kilomètres.

De la Libye vers l’Europe

Actuellement, environ 25.000 Ghanéens résident en Libye, dont un bon nombre travaillent afin de rassembler les fonds nécessaires pour traverser la Méditerranée par bateau. D’autres Africains ont la même idée et se préparent aussi en Libye à ce voyage.

En août, la police locale rapportait qu’elle avait trouvé les corps de 21 Africains dans le désert algérien, près de Tamanrasset, 17 hommes et 4 femmes, de différents pays africains: ils étaient morts de soif. Près des corps, on a trouvé six passeports du Mali, du Ghana et du Bénin.

Le trajet en bateau de la Libye vers l’Europe n’est pas non plus une croisière de plaisance. Deux accidents se sont produits en juin. Plus de 70 personnes se sont noyées quand le bateau transportant ces immigrants illégaux a fait naufrage au large de la petite île italienne de Lampedusa. Quelques jours plus tard, un second bateau avec quelque 250 passagers a subi le même sort. Les garde-côtes tunisiens ont sauvé 41 personnes et retrouvé une vingtaine de corps. Les survivants ont dit qu’ils s’étaient embarqués en Libye, qui semble être devenue l’endroit favori pour cette sorte «d’expédition».

La longue côte de l’Italie constitue un lieu très en vogue pour entrer illégalement en Europe: on estime à 3.000 le nombre d’immigrés arrivés dans ce pays, rien que pour le mois de juin. Depuis lors, l’Italie accuse la Libye d’être une base de départ pour les bateaux qui essayent de faire passer des immigrants illégaux par la Méditerranée et envisage maintenant d’installer des soldats sur le sol libyen pour freiner cette pratique.

Il y a eu d’autres incidents. Dans une tentative d’arriver en Europe, des jeunes Ghanéens se sont embarqués clandestinement sur des navires ou des avions. Récemment, à l’arrivée à Londres d’un avion, on a trouvé deux Ghanéens morts de froid qui s’y étaient cachés.

Beaucoup de ces migrants cherchent à échapper à l’actuelle situation économique du Ghana, où la vie devient de plus en plus difficile. Les prix des carburants ont augmenté et le coût de la vie reste très élevé. Jour après jour, le Ghanéen moyen en ressent le contre-coup.

La pauvreté, la faim, le chômage et la détérioration de l’environnement, tout cela rend les perspectives très sombres. Les entreprises locales font faillite parce qu’elles ne peuvent concurrencer les produits importés à bon marché. Les forces actives du Ghana se tournent de plus en plus vers le commerce, au lieu de produire. Beaucoup d’enfants ne peuvent pas aller à l’école parce que leurs parents ne peuvent plus en payer les frais. L’éducation était gratuite au Ghana jusqu’à ce que le FMI y mette le holà.

Comme le disait récemment un enseignant: «Quel type d’avenir sommes-nous en train de construire, si la majorité de nos enfants ne peuvent plus aller à l’école?». Alors, ceux qui abandonnent leurs études ont un nouveau rêve: aller en Europe, où ils espèrent pouvoir sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Beaucoup se représentent l’Europe comme un «paradis sur terre» où la vie est plus facile. Pouvons-nous les blâmer?


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