ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 465 - 01/11/2003

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 Congo RDC
Un ciel interdit aux Congolais...


VIE SOCIALE


«Tozali awa na lola, na paradizo»:
l’Occident
- et principalement l’Europe - c’est le ciel, le paradis

De plus en plus les Congolais rêvent d’immigrer en Occident à la recherche d’une vie meilleure. Ils y sont encouragés d’une part par la misère, d’autre part par des discours véhiculés sur la vie facile en Occident: «Tozali awa na lola, na paradizo», répète régulièrement un célèbre chroniqueur très suivi des téléspectateurs de Kinshasa, ce qui veut dire tout simplement que l’Occident, et principalement l’Europe, c’est le ciel, le paradis. Et le Congo dans tout cela? Conclusion logique: c’est l’enfer. Or, qui voudrait rester en enfer? Tout le monde veut aller au ciel...

Tous les moyens sont bons pour y parvenir. D’où l’apparition du phénomène «Ngulu» (“cochon” en lingala) pour désigner tous ceux qui s’accrochent aux ayants droit des visas de voyage en Occident. Aucun secteur de la vie nationale n’est épargné par ce phénomène. L’arrestation du musicien Shungu Wembadio, alias Papa Wemba, en février 2003, libéré sous caution depuis juillet 2003, a réveillé des chancelleries occidentales qui ouvrent désormais grandement les yeux avant d’accorder des visas aux Congolais. Officiels, opposants, prêtres, pasteurs, musiciens, ONG des droits de l’homme... n’ont plus la facilité qu’ils avaient auparavant d’obtenir les visas.

Réfugiés sociaux ou politiques?

L’ancien président, feu Mobutu Sese Seko, disait avec raison que bon nombre de Congolais de l’étranger, qui se font passer pour des réfugiés politiques, sont en réalité des réfugiés économiques ou sociaux. La preuve: ils persistent à rester à l’étranger, malgré les différents changements de régime et les ouvertures politiques que connaît le pays.

Aussi, les ONG des droits de l’homme et de la liberté de presse, ainsi que les partis politiques dits de l’opposition, ne manquent pas d’inventer de nombreuses atteintes aux droits de l’homme perpétrées contre des citoyens en RDC pour justifier leur présence à l’étranger. Bon nombre de Congolais sont assurés d’obtenir le droit d’asile en Occident en se faisant passer pour des victimes de la répression policière, après une marche d’un parti de l’opposition dont ils prétendent être membres actifs.

Certains quittent le pays inscrits sur la liste des musiciens d’un orchestre qui doit se produire en Occident, et se transforment sur place en réfugiés politiques qui sollicitent le droit d’asile. D’autres se cachent derrière des officiels en mission, ou des pasteurs et des prêtres. Le cardinal archevêque de Kinshasa, Frédérick Etsou, dans un message pathétique envoyé à tous ses prêtres et paroissiens en novembre 2002, a rappelé que les paroisses ne sont pas des agences de voyage ou des chancelleries où s’octroient des visas, tout en déplorant l’attitude de certains prêtres qui se comportent comme tels.

Impliqués innombrables

L’ancien nonce apostolique à Kinshasa, Mgr Lozano, avait également dénoncé à travers la presse, en mai 2001, la tricherie de certains prêtres qui utilisent l’Eglise catholique comme filière d’évasion, en abusant des facilités de voyage qui leur sont accordées. Des pasteurs des différentes Eglises (catholique, protestante, du réveil...) ne manquent pas de se donner des occasions de prédication ou de formation en Europe, sinon pour s’y installer personnellement, du moins pour ouvrir la voie du «ciel» àd’autres frères, enfants, amis ou clients.

Il est vrai que toutes les structures de la société congolaise se vident de plus en plus de leurs membres, qui préfèrent émigrer vers des cieux plus cléments. Prêtres, pasteurs, musiciens, acteurs, cadres en mission, étudiants... aucune catégorie n’est épargnée.

Un Congolais qui revient au pays à l’issue d’une mission à l’étranger est traité de naïf par toute sa famille. Candidats potentiels et permanents à l’immigration, ils constituent aussi des filières pour s’entraider dans cette besogne. Des patrons d’ONG nationales et internationales s’avèrent, selon un agent de la Direction générale de la migration, être des chefs de réseaux d’évasion.

«Voir l’Europe et puis mourir» semble être l’objectif de tout Congolais. Certains obtiennent un séjour très risqué au prix fort: vente de l’unique maison familiale, avec espoir d’un profit double ou quintuple une fois l’asile obtenu.

Après l’installation en Europe, tout l’espoir de la famille s’appuie sur cette personne qui a l’obligation de ne rien négliger pour faire fortune et d’intervenir régulièrement, sur le plan social et financier, en faveur de la famille restée au pays. D’où les différents transferts d’argent et de colis, à la base de la prolifération des agences spécialisées dans la gestion de ce genre de transferts. Des véhicules d’occasion qui remplissent la ville de Kinshasa sont aussi les produits des immigrés congolais.

Le phénomène “Ngulu” aurait même été encouragé par certains diplomates des ambassades qui monnayaient aux prix forts l’obtention des visas. Ceux qui désiraient aller en Europe pour des raisons d’étude, éprouvaient des difficulés à obtenir des visas, alors que des musiciens avaient toutes les facilités. Ils avaient donc constitué la filière principale d’immigration. Mais maintenant que l’affaire Papa Wemba, accusé de trafic des êtres humains, a été mise à nu, les 3.000 ou 4.000 dollars gagnés sur chaque candidat au voyage par les différents chefs de réseaux se sont volatilisés.

Désormais, même quand un orchestre a des contrats de production sûrs en Europe, il lui est bien difficile d’obtenir la cinquantaine ou centaine de visas d’entrée qu’il obtenait auparavant. Conséquence: beaucoup d’entre eux sont contraints de rembourser des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars déjà perçus. Avec le contrôle sévère des chancelleries de Kinshasa, le ciel s’est refermé brusquement sur les Congolais.


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