ANB-BIA SUPPLEMENT

ISSUE/EDITION Nr 466 - 15/11/2003

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 Malawi
Ecoliers face au désastre


EDUCATION


Les écoliers au Malawi sont confrontés à un désastre.
L’éducation publique est devenue un cauchemar.
Alors que l’économie du pays s’affaiblit toujours plus, les jeunes, avenir du pays,
sont mal préparés aux problèmes qui les attendent

Beaucoup de gens au Malawi sont encore illettrés. D’après une étude publiée en 1999 par le Centre danois des droits de l’homme, le taux d’analphabétisme en 1997 était de 48%. Depuis lors, il n’y a guère eu d’amélioration dans ce domaine. Cependant, en 1994, 87% des jeunes en âge scolaire étaient inscrits dans les écoles primaires et secondaires.

Le gouvernement du Front démocratique uni (UDF), dirigé par le président Bakili Muluzi, s’est efforcé de développer l’éducation à tous les niveaux. En 1994, il a déclaré l’école primaire gratuite et obligatoire, un principe qui a été repris comme une politique d’Etat dans la nouvelle Constitution adoptée en 1995.

Quantité sans qualité

Suite à cette déclaration, le nombre d’élèves inscrits est passé de 1,9 à 3,2 millions, pour une population de 11 millions d’habitants. Mais cette ouverture de la scolarité n’a pas tenu compte des possibilités matérielles. Beaucoup d’écoles n’avaient pas assez de bâtiments pour accueillir ce nombre croissant d’élèves, obligés en grande partie d’assister aux cours à l’ombre d’un arbre.

C’est la qualité de l’enseignement qui en a souffert. La proportion élèves-instituteur trop élevée ne fait qu’éroder davantage la qualité de l’école primaire. La proportion recommandée est celle d’un instituteur pour 45 élèves, mais dans beaucoup d’écoles on trouve plus de 100 élèves par classe.

Le 28 septembre, Mgr Joseph Bvumbwe, évêque de l’Eglise luthérienne évangélique du Malawi, déclarait: «Le gouvernement assure la quantité, non la qualité. Nos écoles ne sont pas chères, mais la qualité est bien pauvre. Comme le ministère de l’Education manque de ressources, les écoles sont délabrées, ce qui affecte fortement le système d’enseignement dans le pays».

Drame à l’école de Nkhomachi

Les conséquences du surpeuplement peuvent facilement se constater à l’école primaire de Nkhomachi, Zone 49, à Lilongwe. Le 30 septembre dernier, un arbre qui servait de salle de classe à plus de 100 élèves, est tombé sur les enfants et en a tué deux: Lifness Kamulandeni, 11 ans, et Delina Kaya, 10 ans. Sept autres ont été sérieusement blessés. Le directeur de l’école, Austin Kamzati, dit que son école compte 3.200 enfants répartis en 27 classes, mais il n’y a que 8 salles de classes. Les autres doivent suivre les cours sous les arbres qui entourent l’école.

Suite à cet incident, le maire de Lilongwe, Charles Chimdzeka, a ordonné d’abattre tous les arbres, mais sans dire où les enfants peuvent aller suivre les cours. Une directive qui ignore complètement les problèmes structurels qui continuent à se dégrader dans tout le pays.

Le 6 octobre, la Coalition de la société civile pour une bonne éducation de base (CSCBE), un groupement d’organisations comprenant des ONG nationales et internationales, et des institutions religieuses et académiques, a publié un communiqué de presse rejetant sur le gouvernement la responsabilité de la mort tragique des élèves de Nkhomachi. La coalition a fait remarquer que «les conditions qui ont causé la tragédie n’assurent pas un bon enseignement et de bonnes études, et ne garantissent même pas à l’école la protection des vies d’innocents élèves». Elle ajouta encore que «les mauvaises conditions d’enseignement et d’étude sont un facteur qui empêche beaucoup d’écoles du pays de donner une éducation de base de qualité. Beaucoup d’élèves abandonnent leurs études».

Efforts pour améliorer les conditions

La Constitution du Malawi et le Cadre juridique des investissements indiquent tous deux qu’il revient au gouvernement de financer l’éducation. Selon le CSCBE, «le fait que des élèves doivent étudier sous un arbre, indique clairement que le système scolaire n’est pas financé adéquatement. Il faut assurer des salles de classe et du matériel didactique tels que des pupitres, des manuels et du matériel pour écrire».

Il faut reconnaître qu’on a fait des efforts pour améliorer l’infrastructure. Le projet du Fonds d’action sociale du Malawi (MASAF), financé par un prêt de la Banque mondiale, aide à la construction de bâtiments scolaires. Malheureusement, ces efforts ont été contrecarrés par la corruption. A l’approche des élections de 1999, beaucoup de candidats de l’UDF s’étaient fait enregistrer en tant qu’entrepreneurs obtenant des contrats pour la construction d’écoles qu’ils n’ont jamais achevées... Au ministère de l’Education, on a découvert un scandale de 187 millions de kwachas (1,54 million d’euros, au 1 novembre). Dans certains cas, on a payé pour la construction d’écoles qui n’ont jamais été bâties ou achevées. Malgré des preuves écrasantes, les procès n’ont pas abouti.

Méfiance envers le président

Le président Bakili Muluzi ne cesse de dire aux Malawites que l’UDF a apporté au pays l’éducation primaire gratuite et obligatoire. Mais les enfants continuent à suivre les cours sous des arbres. Or, les temps ont changé. Une institutrice retraitée, avec plus de 30 années d’expérience, se désole: «Dans les années 1950 et 1960, nous suivions les cours sous un arbre. Il est regrettable que mes petits-enfants doivent encore faire de même 50 ans après».

Le président Muluzi a visité beaucoup d’écoles primaires depuis son arrivée au pouvoir en 1994. Bien que le pays souffre d’un manque aigu de bâtiments scolaires, il distribue de l’argent et du maïs gratuit à tous ses meetings. Les Malawites ne comprennent pas ses priorités: il continue la distribution de maïs, alors qu’elle a offiellement pris fin en juin dernier... De plus, Muluzi parraine un club de football, le “Bata Bullets Football Club”, surnommé maintenant les “Bakili Bullets”. Il a envoyé récemment toute l’équipe en Grande-Bretagne, alors que l’équipe nationale, The Flames, a toutes les peines du monde à trouver un parrainage dont elle a tant besoin.

En 2002, le gouvernement a lancé le Programme stratégique pour la réduction de la pauvreté (PRSP), sorte de carte routière pour canaliser tous les efforts de développement. Son but est de donner priorité aux programmes de réduction de la pauvreté. Mais les citoyens ont du mal à comprendre ce que «priorité» signifie vraiment pour leur président.

Voici un exemple. Le 27 septembre, le président a aidé financièrement les supporters pour leur permettre d’assister au match aller Malawi-Zimbabwe, pour la Castle Cup des Associations de football de l’Afrique australe, au stade Chichiri àBlantyre — match que le Malawi perdit d’ailleurs 2-1. Certains n’ont pas beaucoup apprécié cette largesse. Dans une lettre au rédacteur du Nation, Joseph Makiyi écrivait le 1er octobre: «Nos hôpitaux n’ont pas de médicaments, les gens meurent faute de soins, et le président croit que le football a besoin d’une aide urgente. Sur quoi se base-t-il donc pour fixer les priorités de ses générosités?».

Les besoins de l’éducation

Satisfaire aux besoins du secteur de l’éducation n’est pas facile. Le Malawi est pauvre. Son PIB est en dessous de 200 dollars. La majorité de la population vit dans une pauvreté abjecte. Les gens ont tout juste de quoi survivre, au seuil de la pauvreté. Bien que l’éducation primaire soit gratuite, beaucoup de familles ont difficile à se procurer le nécessaire, tel que l’uniforme et les livres. Ce n’est donc pas étonnant que beaucoup abandonnent leurs études.

Malgré leur pauvreté, les parents continuent à envoyer leurs enfants aux écoles publiques. Les conditions socio-économiques actuelles n’aident pas les instituteurs à faire leur travail comme il faut. Par exemple, les instituteurs de l’école primaire de Kauma, à Lilongwe, vivent à une certaine distance de leur établissement et ont beaucoup de difficultés à trouver l’argent pour aller et revenir de l’école. Conséquence: ils ne vont à l’école qu’une ou deux fois par semaine, selon l’argent qu’ils ont pour le transport. En fin de compte, ce sont les enfants qui en pâtissent.

Lors d’un exercice de contrôle du budget 2003, le CSCBE a constaté que, des élèves inscrits en première année, il n’en restait que 30% une fois arrivés en huitème année. La majorité des élèves ne terminent donc pas l’enseignement primaire.

L’éducation primaire gratuite est un jalon important dans le développement de la personnalité de l’enfant. Mais quelles chances a un enfant qui vit dans un pays dont l’économie s’affaiblit, où les infrastructures s’effondrent, et où le gouvernement ne parvient pas à déterminer ses vraies priorités. Une éducation primaire gratuite, c’est prendre des rêves pour des réalités. Il ne reste aux élèves du Malawi qu’à affronter le désastre...


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