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TENSIONS
Les derniers événements à Kisangani et au Kivu
Alors que l’on craignait depuis quelques temps le retour musclé à Kisangani du général Bora Uzima, condamné à mort par contumace par la Cour d’ordre militaire de Kinshasa pour implication dans le meurtre du président Laurent Désiré Kabila, deux autres personnalités sont arrivées le 30 octobre 2003 à Kisangani.
Il s’agit du vice-président de la République chargé des questions sociales et des affaires culturelles, Pr. Zahidi Ngoma, et du commandant de la 9e région militaire, le général Padiri Bulenda. Tous deux sont connus pour leur résistance à l’agression du Congo par les forces étrangères, rwandaises en particulier. La différence entre les deux est que le premier, après s’être compromis en acceptant le poste de président du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD, mouvement rebelle allié au Rwanda), a dû fuir la rébellion et faire un grand virage du côté gouvernemental. Le second est resté dans le maquis depuis 1993.
Les deux hommes sont arrivés à bord du même avion. Le vice-président était accompagné de quelques ministres, de recteurs d’université et de directeurs d’instituts supérieurs, venus participer à la cérémonie d’ouverture de l’année académique à Kisangani. Dans une salle archicomble, les nombreux discours prononcés ont tous souligné l’espoir de la réunification du pays et la réforme du système éducatif.
Le général Padiri a pris part à cette cérémonie, mais est sorti plus tard pour recevoir des honneurs militaires. Le lendemain matin, après une première réunion avec son état-major, il a pris un premier contact avec les responsables politiques et militaires de la Monuc (la mission de l’Onu). Ensuite, il a invité tous les soldats à se faire enregistrer à l’état-major pour contrôle et d’éventuelle prise en charge. Il a aussi annonçé la création d’un bureau d’enregistrement des cas de violation des droits de l’homme.
Au Kivu, rumeurs ou réalité?
L’on se souvient que, le 31 août dernier, le général Bora Uzima a été arrêté et conduit non pas à Kinshasa mais, contre toute attente, à Goma, où il a d’ailleurs été relâché. (cfr. ANB-BIA n.463, 1er octobre 2003). Le 3 septembre, Me Moise Nyarugabo et Me Balamage, tous deux députés nationaux issus du RCD, sont venus à Kisangani pour décanter le climat après cette fameuse arrestation. Ils étaient justement venus chercher la vérité sur cette affaire, ont-ils déclaré. Selon eux, il s’agirait d’un malentendu ou de la mauvaise interprétation d’une instruction. D’où la nécessité d’amener le général à Goma et plus tard à Bukavu, où il pouvait se reposer tranquillement auprès de sa famille...
Mais au début de la deuxième quinzaine de septembre, des nouvelles en provenance de Bukavu affirmaient que le général Bora Uzima et le gouverneur du Sud-Kivu, M. Chiribanya, avaient de nouveau trompé la confiance du pays. A la tête d’une délégation du Sud-Kivu, ils sont partis à Uvira, où devait se décider d’une troisième guerre rwandaise, pour l’occupation de l’est de la RDC. La délégation était composée, outre des chefs administratifs et politiques des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, de quelques éléments armés, car un grand nombre de militaires refusaient cette nouvelle expédition aventureuse.
On affirme que l’Armée patriotique rwandaise (APR) a pris d’ores et déjà le contrôle de tous les centres encore sous contrôle du RCD. Selon les informations, il existe effectivement dans le Kivu une situation particulièrement préoccupante. Les Rwandais auraient déjà quadrillé toute la province et seraient présents au chef-lieu du territoire de Walikale, dans le territoire de Masisi, de même que sur l’axe Goma-Butembo. Les envahisseurs effectuent leur mouvement au départ du Rwanda et stationnent les uns dans le parc Virunga, les autres dans la société Sominki à Kadimuza et à Ngabibue. Le contingent positionné à Walikale monte vers Nyabinda, l’autre vers Butembo afin de se regrouper.
Bien plus, on note que les centres de formation militaire de Musaki et de Rumangabo continuent d’entraîner des militaires en grand nombre et mènent une véritable campagne de recrutement. Tout démontre qu’il s’agit d’un plan de guerre en phase d’exécution. L’APR a aussi mené récemment une attaque contre les positions des Maï-Maï. Les populations du Kivu sont inquiètes face aux forces rwandaises qui ne cachent plus leurs visées annexionnistes.
Essai de vérification
Par un séjour de cinq jours au Kivu, nous avons essayé de nous rendre compte de la situation. Il est certes difficile de confirmer ces nouvelles et ces rumeurs en si peu de jours. Néanmoins, les habitants du Kivu semblent s’attendre à tout. A Bukavu, la hantise de voir leur province de nouveau envahie par le Rwanda, avec la complicité de certains «Kivutiens», comme le général Bora Uzima, s’amplifie. Mais les habitants se disent prêts à affronter toute provocation et à résister jusqu’au bout.
A Goma, l’infiltration des Rwandais dans le milieu est assez évidente. Il est d’ailleurs difficile de distinguer un Tutsi ou un Hutu du Congo de ceux du Rwanda. A Bukavu, la présence de Bora, même à la résidence de sa famille, est plutôt vague. Il ferait le va-et-vient entre Bukavu, Goma, Kigali et Uvira. A Goma, par contre, le général Laurent Kunda, son complice, est facilement visible. Il continue à fréquenter le bureau et à gérer le quotidien de l’armée. Il rentrerait chaque soir passer la nuit à Gisenyi.
Réconciliation?
Brusquement, à la première quinzaine d’octobre, le général Bora fait parler de lui à l’occasion du passage à Bukavu du ministre de l’Information et de la presse, Vital Kamhere. Aux questions des journalistes, il a répondu qu’il reconnaissait d’emblée l’autorité du président Joseph Kabila, ainsi que celle du chef d’état-major le général Liwanga. Il ne remet en cause, ajoute-t-il, aucune des nominations faites par le général-major Joseph Kabila, dans le cadre de l’armée. Pour lui, l’armée n’a qu’un seul commandant suprême. Il reste à la disposition du président Kabila pour recevoir des ordres. «Je suis prêt à aller où qu’il m’affecte, pourvu que je serve mon pays», précise-t-il.
Lorsqu’on l’interroge sur la nouvelle rébellion qu’il serait entrain de préparer, il dit que c’est une machination qui se trame contre lui. Ce serait inconcevable, ajoute-t-il, de préparer une nouvelle rébellion au moment où tout le peuple est embarqué dans la dynamique de la réunification du pays. Cependant, le général Bora s’est prudemment gardé d’aborder le problème de sa participation au complot qui avait abouti à l’assassinat, le 16 janvier 2001, du Mzee Laurent Désiré Kabila.
Dernièrement, lorsque le nouveau commandant adjoint de la 8e région militaire, le général Mufuki, est venu prendre ses fonctions à Goma, le général Bora a promis de lui faciliter le travail. Il a déclaré qu’il attendait une nouvelle affectation. Même si cette affectation n’intervenait pas vite, il resterait en réserve, comme cela arrive dans toutes les armées du monde.
Le général Bora reste tout de même fort mystérieux et énigmatique. Il n’y a que lui-même qui puisse jauger le degré de sa sincérité.
- Cats-Ta, Congo-RDC, novembre 2003 — © Reproduction autorisée en citant la source
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